Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 8 avril 2015
Disparition

Jean Germain, ancien maire de Tours, se tue pour « son honneur »

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© MdF
Il devait comparaître lors du procès des « mariages chinois »  qui s’est ouvert hier au tribunal correctionnel de Tours. Jean Germain, 67 ans, qui fut maire de la ville de 1995 à 2014, a préféré mettre fin à ses jours, quelques minutes avant l’ouverture du procès.
Le suicide, a déclaré hier le procureur de la République de Tours, ne fait « aucun doute ». L’ancien maire de la ville a laissé plusieurs lettres, dont une où il justifie son geste en écrivant qu’il faisait partie des êtres pour qui « l’injustice et le déshonneur sont insupportables ».
Fils de pâtissier, ancien professeur puis président de l’université François-Rabelais de Tours, Jean Germain, socialiste, a été le directeur de cabinet d’André Laignel lorsque celui-ci était secrétaire d’État à la formation professionnelle. Il a ensuite ravi la mairie de Tours à Jean Royer en 1995. Il a également été vice-président de la région Centre (1998-2011) et président de la communauté d’agglomération Tour(s)+ jusqu’en 2014, date à laquelle la ville a été reprise par la droite. Parmi les réalisations les plus marquantes de Jean Germain, on retient notamment une ligne de tramway particulièrement élégante, dont le mobilier urbain a été dessiné par Daniel Buren.
Jean Germain a également été membre du comité directeur de l’Association des maires de France et président de son groupe de travail Éducation.

L’affaire des mariages chinois
L’ancien maire de Tours a été mis en cause par la justice pour son rôle supposé dans l’affaire dite « des mariages chinois ». Il n’a jamais nié – au contraire – être l’inventeur du concept de ces cérémonies de confirmation des vœux de mariage réservées à de riches touristes chinois : les « noces romantiques en Touraine », dont Jean Germain avait même déposé la marque, consistaient à organiser un voyage avec balade en calèche, visite d’un château de la Loire, et cérémonie en présence du maire à Tours. Tout cela, au nom de la promotion de la ville et du tourisme haut de gamme.
Jusque-là, rien de répréhensible. Sauf que, comme une enquête l’a montré après l’envoi de lettres de dénonciation anonymes, une employée de la mairie, Lise Han, « conseillère en charge des relations franco-chinoises », était également gérante de la société qui gérait les noces en question – et qui y a gagné des centaines de milliers d’euros. Face à ce conflit d’intérêt évident, mis au jour en 2013, le maire de Tours demanda à Lise Han de quitter la direction de la société, ce qu’elle fit… mais en nommant à sa place son mari et son ex-mari, ce que Jean Germain affirmait avoir ignoré. La seule chose que reconnaissait le maire de Tours était, en 2013, de s’être « fait faire un enfant dans le dos ». « Je me suis fait avoir, et quand on est maire d’une grande ville, on n’a pas le droit ». Fait notable : même l’opposition municipale l’a défendu – un conseiller de droite expliquant à la presse, à la même époque, que Jean Germain avait été « abusé », qu’il avait « trop fait confiance et trop délégué ».
Signalons enfin qu’à aucun moment, la justice n’a accusé l’ancien maire de Tours d’enrichissement personnel. Il a été mis en examen pour « complicité de prise illégale d’intérêt ». « Soyez sûrs, a écrit Jean Germain dans sa lettre d’adieu, que je n’ai jamais détourné un centime ». Jean Germain avait déclaré au journal Le Monde, en juin 2013, que sa mise en examen était « une souffrance terrible »  et qu’il y avait « de quoi se flinguer ».

Réactions unanimes
Le suicide de l’ancien maire de Tours a suscité de nombreuses réactions et a bouleversé le monde politique. Le président de la République, François Hollande, a qualifié sa mort de « drame terrible »  et salué « un grand élu disparu dans des conditions particulièrement cruelles ». Manuel Valls s’est dit « bouleversé »  par la mort d’un « ami »  et d’un « élu extraordinaire ». De nombreuses personnalités du PS se sont exprimées dans le même sens, mais également des ténors de l’UMP comme Christian Cambon, Éric Ciotti ou Daniel Fasquelle. Le président du Sénat, Gérard Larcher, très ému, a fait respecter une minute de silence au Palais du Luxembourg, et a dénoncé à la tribune « un système qui s’emballe, sans discernement, sans considération pour l’honneur, (un système) qui n’a finalement rien retenu depuis Pierre Bérégovoy ».
L’Association des maires de France, par la voix de son président François Baroin et de son premier vice-président délégué, André Laignel, a également « rendu hommage »  hier à Jean Germain. Les deux responsables ont fait part de leur « grande émotion »  face au décès « d’un homme compétent et ouvert aux autres ». L’AMF rappelle qu’au moment de sa mort, Jean Germain menait, pour le compte du gouvernement, une mission préparatoire « à une réforme de la DGF »  (lire Maire info du 21 janvier et du 1er avril derniers), domaine dans lequel « son expérience et son expertise étaient particulièrement précieuses ».
F.L.

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