En dix ans, le « sentiment de discrimination » a augmenté en France, selon l'Insee
Par A.W.
Le « sentiment de discrimination » a augmenté en France, depuis une dizaine d’années. C’est le constat d’une enquête de l'Insee publiée hier et consacrée à ce sujet, l’un des volets de son enquête plus large sur les « Trajectoires et origines ».
À la question « Au cours des cinq dernières années, pensez-vous avoir subi des traitements inégalitaires ou des discriminations ? », 19 % de la population de 18 à 49 ans a répondu « souvent » ou « parfois », en 2019-2020. Dix ans plus tôt, celle-ci n’était « que » de 14 %.
Au niveau individuel, la hausse du sentiment de discrimination peut refléter deux choses, expliquent les auteurs de l’étude : « D'une part, une augmentation des traitements défavorables subis et d’autre part, une plus grande sensibilité à la question des discriminations ». « Autrement dit, pour un même traitement subi, les personnes sont peut-être plus promptes à déclarer des discriminations aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a dix ans », soulignent-ils.
Les femmes se sentent davantage discriminées
Cette augmentation de l’expérience déclarée de discrimination concerne principalement les femmes puisque 21 % d’entre elles déclarent avoir subi des discriminations, contre 16 % des hommes, alors que dix ans plus tôt, ces proportions étaient relativement proches (14 % contre 13 %), constate l’Insee.
Pour elles, le motif sexiste est devenu la « cause principale » de discrimination, devant ceux liés à l’origine, la nationalité ou la couleur de peau : « 46 % [d'entre elles] pensent l'avoir été en raison de leur sexe », contre 28 % en 2008-2009. À cette époque, elles citaient ce motif après l’origine, la nationalité ou la couleur de peau.
Pour les hommes, l’origine demeure le principal motif de discrimination ressentie (dans 58 % des cas, contre 32 % pour les femmes en 2019-2020).
Pour ces derniers, le risque de déclarer une discrimination est « quatre à six fois » plus élevé pour les immigrés ou descendants d’origine subsaharienne et les descendants de natifs d’outre-mer par rapport aux personnes sans ascendance migratoire. Il en est de même pour les femmes de ces mêmes origines, « même si l’écart de risque est plus faible ».
Reste que l’influence de l’origine sur l’expérience des discriminations s’est modulée depuis 2008-2009. « À autres caractéristiques sociodémographiques similaires, elle a reculé pour les personnes d’origine extra-européenne, à l’exception des descendants d’Asiatiques », les discriminations selon l’origine se diffusant et sont « de moins en moins concentrées sur les personnes originaires d’Afrique et d’Outre-mer ».
Glissement vers des motifs religieux
Les déclarations selon l’origine ont ainsi baissé parmi les immigrés et les descendants originaires du Maghreb et d’Afrique subsaharienne, même si ces groupes restent de loin les plus exposés. Une diminution qui s’explique notamment par « un report vers les déclarations pour motif religieux », note l’enquête.
Pour les personnes musulmanes, les motifs de discrimination se sont ainsi déplacés de l’origine vers la religion en une dizaine d’années. Un phénomène « beaucoup plus saillant » pour les immigrés du Maghreb, de Turquie et du Moyen-Orient.
De ce fait, 11 % des personnes se déclarant de confession musulmane rapportent des discriminations religieuses, contre 5 % en 2008-2009. Réciproquement, la part de l’origine ou couleur de peau dans les discriminations subies par les musulmans est tombée à 81 % alors qu’elle était à 91 % dix ans plus tôt, « témoignant d’un glissement du motif de l’origine vers celui de la religion ».
Par ailleurs, les personnes originaires d’Outre-mer comptent également parmi celles qui rapportent le plus de discriminations du fait de leur origine ou de leur couleur de peau : 27 % parmi les natifs d’Outre-mer et 26 % de leurs enfants nés en France métropolitaine.
« Dans les groupes d’origine non européenne, les descendants d’immigrés déclarent plus de discriminations que les immigrés de même origine ; l’écart est le plus élevé pour les descendants d’origine asiatique. Le rapport s’inverse pour les groupes d’origine européenne », observe l’Insee.
Seules 2 % des victimes portent plainte
Malgré une plus forte sensibilisation ces dix dernières années, entamer des démarches à la suite de discriminations reste rare. Seules 7 % des personnes ayant déclaré en avoir subies ont entrepris une démarche auprès d’une association, d’un syndicat ou du Défenseur des droits.
Et 2 % portent plainte. Près de la moitié des personnes se disant discriminées n’ont rien fait parce qu’elles pensent que cela « ne servirait à rien ». Les personnes déclarant une discrimination en relation à l’état de santé ou au handicap se montrent, elles, plus enclines à faire valoir leurs droits puisque 7 % ont porté plainte et 12 % se sont adressées à une association, un syndicat ou au Défenseur des droits. « Cette hétérogénéité dans le recours à des structures extérieures ou à des démarches juridiques traduit un sentiment de moindre légitimité ou d’impuissance face à certaines discriminations. Les personnes subissant des discriminations en raison de leur origine ou de leur religion ont un moindre espoir que leurs démarches aboutissent », concluent les auteurs de l'enquête.
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