Digues domaniales : l'état des lieux post-transfert
Par Fabienne Nedey
Le 19 mars, l’AMF a organisé en partenariat avec France Digues et l’Association nationale des élus des bassins (Aneb) un nouvel échange sur les digues domaniales entre les représentants des autorités gémapiennes et ceux de l’État. Après le transfert de ces digues, le 29 janvier, une multitude de questions restent en suspens. Il s’agissait de faire le point sur ce dossier qui met en jeu la sécurité des populations.
La Direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la Transition écologique a présenté un état des lieux chiffré du transfert. Il y avait 204 digues transférables, soit 750 km. La gestion de 169 d’entre elles, soit 706 km, est passée entre les mains des collectivités gémapiennes, dans le cadre de 49 conventions de mise à disposition signées. La différence entre « transférables » et « transférées » correspond à 35 ouvrages, pour lesquels les gémapiens ont acté, avant la date limite, qu’ils ne représentaient pas d’intérêt pour leurs futurs systèmes d’endiguement : ils seront neutralisés par et à la charge de l’État.
La DGPR précise que le montant de l’accompagnement financier de l’État aux travaux à réaliser sur ces digues d’ici à 2027 (c’est-à-dire le montant des subventions à 80 % du Fonds Barnier, plus celui des soultes aux territoires qui en bénéficient) est estimé à 363 millions d’euros. Un total qui intègre 25 millions d’€ de dépenses directes de l’État pour l’achèvement de marchés de travaux déjà en cours (lesquels demeureront exécutés par l’État).
En tout état de cause, la DGPR a convenu que cette enveloppe prévisionnelle sera « à affiner » , compte tenu du manque de connaissance sur l’état de certaines digues, et donc sur les montants en jeu, au moment de signer les conventions. Elle n’a toutefois apporté aucune précision sur la marge de manœuvre de ces ajustements de montants subventionnables. Les formulations des conventions sur ces aspects sont extrêmement hétérogènes d’un territoire à un autre. De très rares collectivités gémapiennes ont obtenu, par exemple, une mention explicite de prise en compte de l’impact de l’inflation dans la convention.
Autre élément du bilan : aucun transfert par voie d’arrêté préfectoral n’a eu lieu. Rappelons que les décrets du 21 novembre 2023 prévoyaient un mécanisme automatique (transfert acté au 29 janvier par arrêté préfectoral), en l’absence de signature par le gémapien de la convention avec l’Etat avant le 28 janvier. Selon la DGPR, tous les EPCI concernés ont signé.
Témoignages
Au cours du webinaire, de nouveaux témoignages sont cependant venus étayer le caractère totalement précipité des discussions avec les services de l’État et les conditions acrobatiques de la signature dans les derniers jours du mois de janvier. Ainsi, les représentants d’un syndicat ont fait savoir qu’ils n’ont pas obtenu de soulte alors que, de l’aveu même de leurs interlocuteurs au sein des services préfectoraux « ils y auraient eu droit, mais le temps manquait pour en discuter ». Dans un autre territoire, une convention de transfert ne prévoit pas de travaux (donc n’aura pas le soutien bonifié à 80 % du Fond Barnier) sur une digue qui s’avère, à peine deux mois plus tard, après étude, nécessiter une remise en état significative. Les exemples de ratés de ce type risquent de se multiplier, la question du « bon état » des ouvrages transférés, qui était inscrite dans la loi Maptam mais n’est pas du tout au rendez-vous, est clairement le cœur de la problématique.
C’est d’ailleurs précisément la raison pour laquelle l’AMF a demandé une clause de revoyure à six mois du transfert. Interpellés de nouveau sur le sujet, les représentants de la DGPR ont rappelé un principe qu’ils avaient déjà mis en avant lors du webinaire organisé par l’AMF en décembre : après le 29 janvier 2024, l’État est « dans l’impossibilité » de prendre de nouveaux engagements. Ils ont toutefois évoqué de petites souplesses potentielles, « au cas par cas », « si des difficultés particulières nouvelles apparaissent par rapport aux dispositions de la convention » , atteignant vite leurs limites car relevant « de l’ordre de l’ajustement, par rapport à ces dispositions contractuelles » . Des réponses trop vagues par rapport aux attentes des gémapiens. Même chose sur d’autres questions clés que l’AMF a soulevé, financements après 2027, limites de la taxe Gemapi, obligations de provisions ou amortissements sur ces digues transférées, enjeux de responsabilités pour les autorités gémapiennes et les maires… La DGPR avait préparé des réponses qui se sont révélées très convenues et ne résolvent pas du tout les problèmes vécus sur le terrain. En particulier, une nouvelle fois, les collectivités ont pointé l’incapacité de la taxe Gemapi à répondre aux enjeux. En rappelant, témoignages concrets à l’appui, cette impossible équation : sur un territoire où le linéaire de digues est conséquent, même avec la taxe fixée à son plafond, s’il y a peu d’habitants pour la payer, elle ne peut en aucun cas lever les fonds nécessaires.
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