Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du lundi 8 juillet 2024
Santé publique

Déserts pharmaceutiques : un décret publié avec 6 ans de retard

Le gouvernement vient enfin de publier le décret fixant les conditions de détermination des territoires au sein desquels l'accès aux médicaments pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante. Les conditions d'ouverture des pharmacies dans les petites communes vont être assouplies, comme promis.

Par Lucile Bonnin

Il aura fallu plus de 6 ans pour que ce décret d'application de l'ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l’adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie soit enfin publié.

Cette ordonnance « a prévu l’octroi d’aides et l’application de conditions d’ouverture assouplies dans les territoires au sein desquels l’accès aux médicaments n’est pas assuré de manière satisfaisante, dits "fragiles" » , (lire Maire info du 8 janvier 2018). Rappelons que la loi dispose qu’il est interdit d’installer une nouvelle pharmacie dans une commune de moins de 2 500 habitants.

Ce matin, le décret devant définir les critères de ces territoires dits fragiles a été publié. Dans ces territoires, l’ordonnance de 2018 prévoit que l’ouverture d’une officine dans une commune de moins de 2 500 habitants est possible lorsque celle-ci est située dans un ensemble de communes contiguës dépourvues d’officine, sous deux conditions démographiques : l’une de ces communes recense au moins 2 000 habitants et toutes ensemble rassemblent au moins 2 500 habitants.

Contexte tendu

L’attente a été particulièrement longue pour la publication de ce décret – qui devait être initialement être publié en juillet 2018, puis courant 2022 – et le gouvernement a été rappelé plusieurs fois à ses engagements. En 2021 par exemple, le sénateur Bernard Delcros (Cantal) interpellait le gouvernement sur cette non-parution du décret d'application de l'ordonnance : « Comment peut-on empêcher des professionnels de santé de s'installer dans des territoires ruraux, alors même que ces territoires doivent relever le défi de leur attractivité et d'une offre de soins qui s'est considérablement dégradée ? »  (lire Maire info du 16 juillet 2021). 

Plus récemment encore, il y a quelques mois, les sénateurs ont adopté hier en première lecture une proposition de loi visant à préserver l'accès aux pharmacies dans les communes rurales. Ce texte déposé au Sénat en avril dernier visait avant tout à contraindre le gouvernement à prendre les mesures législatives sur lesquelles il s’était engagé en 2018 (lire Maire info du 12 avril)

Et la situation l’exige : « Depuis 2007, notre pays a perdu plus de 4 000 officines de pharmacie et l’année dernière le caducée de 276 officines a cessé de s’illuminer » , selon la sénatrice des Hautes-Pyrénées Maryse Carrère. Frédéric Valletoux, ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, a également indiqué que la France est désormais placée « sous la barre des 20 000 officines ». Le pays compte également « près d’une dizaine de pharmacies qui sont en vente à un euro mais qui ne trouvent pas de repreneurs, particulièrement en zones rurales ».

Critères et territoires 

Maintenant que le décret est publié au Journal officiel, les directeurs des ARS vont pouvoir fixer par arrêté la liste des territoires concernés dans leur région, sur lesquels pourront être prises « des mesures destinées à favoriser ou maintenir une offre pharmaceutique ».

Les directeurs des ARS déterminent ces territoires « par référence à l'un ou plusieurs des critères suivants » : « le classement du territoire en zone sous-dense »  ; « la récurrence de la participation des officines du territoire au service de garde et d'urgence »  ; « le nombre de pharmacies, au sein du territoire, exploitées par un seul pharmacien titulaire »  et « le nombre de pharmacies, au sein du territoire, exploitées par un seul pharmacien titulaire lorsque ce dernier est âgé de plus de 65 ans. » 

Il faut noter que « le nombre d'habitants résidant, pour une région donnée, dans [ces territoires fragiles] ne peut pas dépasser un plafond défini, pour chaque région, par arrêté du ministre chargé de la santé, en pourcentage du nombre d'habitants de la région. »  Cet arrêté a également été publié ce jour. Ainsi, ces plafonds de population résidant dans un territoire au sein duquel l'accès aux médicaments pour la population n'est pas assuré de manière satisfaisante sont les suivants : 8 % en Auvergne-Rhône-Alpes, 4 % en Bourgogne-Franche-Comté, 6 % en Bretagne, 10 % en Centre-Val de Loire, 18 % en Corse, 6 % dans le Grand Est, 8 % en Guadeloupe, 45 % en Guyane, 2 % en Hauts-de-France, 6 % en Île-de-France, 2 % à La Réunion, 1 % en Martinique, 100 % à Mayotte, 13 % en Normandie, 4 % en Nouvelle-Aquitaine, 4 % en Occitanie, 8 % dans les Pays de la Loire et 3 % en Provence-Alpes-Côte d'Azur. 

C’est donc à partir de ces conditions détaillées dans le décret et l’arrêté que le directeur de l’ARS pourra dresser « la liste des communes contiguës dépourvues d’officine, dont une recense au moins 2 000 habitants » , de façon à ce que le total de la population de ces communes atteigne le seuil des 2 500 habitants requis pour l'ouverture d'une officine. L’ordonnance de 2018 ouvre par ailleurs, dans ces territoires toujours, la possibilité de créer une officine sans condition de seuil de population « auprès d'un centre commercial, d'une maison de santé ou d'un centre de santé ».

L'arrêté du directeur général l’ARS est pris après avis « du Conseil de l'ordre des pharmaciens territorialement compétent, de l'Union régionale des professionnels de santé pharmaciens, du représentant régional désigné par chaque syndicat représentatif de la profession, de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie »  et des conseils territoriaux de santé, dans lesquels siègent les maires.

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