Déserts médicaux : la Cour des comptes favorable à une concentration des efforts vers les territoires les plus en difficulté
Par Lucile Bonnin
Les inégalités d'accès aux soins de premier recours (généralistes, spécialistes en accès direct, infirmiers, kinésithérapeutes, pharmaciens, psychologues ou orthophonistes) se sont accrues ces dernières années, malgré les divers plans ou mesures qui ont été déployés depuis « la fin des années 1990 » pour, d’une part, aider les professionnels, et, d’autre part, développer des structures de soins dans les territoires carencés.
Pourtant, selon le rapport de la Cour des comptes dévoilé hier, on observe un contraste important « entre l’ambition des mesures annoncées et le "sentiment d’abandon" que peuvent ressentir des habitants des territoires les plus fragilisés ».
Délais d’attente qui s’allongent, risque de relations dégradées entre le professionnel et son patient, aggravation des inégalités territoriales, augmentation de la part des patients sans médecin traitant : les Sages de la rue Cambon dénoncent une « inadéquation entre l’offre et la demande de soins » et des politiques trop « fragmentaires », « insuffisamment ciblées » et pas « évaluables ».
Orienter davantage les mesures d’aide
« Qu’il s’agisse des aides directes aux professionnels de santé, destinées à favoriser leur installation ou leur maintien en zones fragiles, ou de celles visant à développer l’exercice coordonné entre professionnels ou à économiser le temps médical, la multiplication même de ces dispositifs dont certains sont encore en phase de montée en charge, et leur instabilité dans le temps rendent une consolidation globale des résultats très difficile, peut-on lire dans le rapport. La pertinence de ces divers outils n’est pas garantie, d’autant moins que les aides proposées sont peu ciblées. »
En effet, les aides apportées aux professionnels de santé « se sont multipliées et diversifiées ». Ainsi, « les collectivités territoriales ont parfois orienté leurs aides vers d’autres professions de santé ; les agences régionales de santé (ARS) ont déployé des aides sous forme de contrats ; l’assurance maladie, enfin, a inséré dans les conventions pluriannuelles conclues avec les différentes professions de santé des dispositions favorisant, plus ou moins selon les professions, l’installation en zones sous-denses. »
Au fur et à mesure, les aides sont également devenues moins sélectives. Pour les collectivités par exemple, leurs aides sont « conditionnées par l’installation du professionnel en Zone d'intervention prioritaire (ZIP) mais aussi en Zones d’action complémentaire (ZAC) ». « Or, rappellent les auteurs du rapport, ces dernières zones ont été étendues par un arrêté de novembre 2017, jusqu’à représenter 45 % de la population nationale. Elles en représentent désormais, aux termes de l’arrêté du 1er octobre 2021, 42 %. Le cumul des deux zonages atteint presque 75 % de la population française alors que la population qui connaît un problème caractérisé d’accès aux soins de premier recours représente, selon les études de la Drees, entre 6 % et 20 % de la population. »
La Cour des comptes suggère donc de resserrer les critères d'éligibilité des aides financières accordées pour les installations dans ces zones. Par exemple, les subventions d’équipement accordées aux professionnels de santé par les collectivités locales pourraient être versées en priorité dans les territoires les plus en difficulté, « de manière que les aides déjà accordées aux médecins pour le recours aux assistants médicaux, aux infirmiers en pratique avancée ou aux infirmières de santé publique puissent être effectivement utilisées : aujourd’hui, trop souvent, les assistants médicaux ou les infirmiers en pratique avancée ne peuvent pas exercer en zone sous-dotée, faute de locaux adaptés ».
Lors de leur audition par la Cour des comptes, les coprésidents de la commission santé avaient souligné l’efficacité limitée des mesures financières incitatives à destination des professionnels de santé qui contribuent à accroître la concurrence entre les territoires et avaient rappelé la demande des maires de la mise en œuvre de solutions immédiates et urgentes afin que chaque citoyen ait accès à un médecin traitant, en proximité, et qu’une permanence des soins soit organisée par bassin de vie.
CPTS et liberté d’installation
Pour lutter contre les déserts médicaux, « une stratégie globale est indispensable », tout comme le fait qu'elle soit adaptée aux besoins des territoires. La Cour des comptes considère « prometteur » le développement de communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) comprenant au niveau des départements « une définition de projets territoriaux d’organisation des soins de premier recours ». De même, les Sages proposent de « confier aux hôpitaux une mission d’intérêt général nouvelle, consistant à déployer des centres de santé polyvalents » dans les zones manquant de professionnels de santé.
Si les Sages semblent davantage en faveur de l’encouragement « d’actions volontaristes » de la part des professionnels de santé, ils soutiennent cependant certaines mesures se rapprochant d’une régulation plus stricte de l'installation des médecins. Il faudrait « encourager les médecins à venir exercer à temps partiel dans les zones manquant de professionnels ». Cela serait possible à court terme « en complétant les aides des collectivités territoriales à l’équipement de cabinets secondaires ; et, à plus long terme, en conditionnant toute nouvelle installation dans les zones les mieux dotées en médecins à un engagement d’exercice partiel dans les zones les moins bien dotées ».
Enfin, dans l’optique de libérer du temps aux professionnels, le rapport propose de considérer la suppression du certificat médical obligatoire pour les arrêts maladie de courte durée, pour le remplacer par une « auto-déclaration ». La pratique se fait déjà au Québec ou en Grande-Bretagne par exemple. Un tel dispositif suppose « que d’autres mécanismes de régulation soient adoptés dans les entreprises ou leurs branches, voire au niveau national, avec par exemple l’établissement d’une durée de carence d’ordre public qui généraliserait une période minimale d’un ou deux jours réputés non indemnisables ».
Consulter le rapport de la Cour des comptes.
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