Des sénateurs proposent d'octroyer le statut de salarié protégé aux élus locaux
Par Franck Lemarc
C’est un texte important pour les élus locaux qui va être débattu au Sénat aujourd’hui : la proposition de loi des sénateurs centristes sur la sécurité des élus et la protection des maires a pour objectif de répondre plus efficacement à la problématique des agressions et violences contre les élus, et d’aider à la mise en œuvre du fameux « statut de l’élu » que la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, espère voir « ficelé » d’ici la fin de l’année.
Les amendements déjà adoptés
Par rapport à la version initiale, détaillée par Maire info dans son édition du 3 octobre, le texte a évolué en commission. Une dizaine d’amendements a été adoptée.
Un premier amendement fait passer le délai de prescription de trois mois à un an pour les délits de diffamation et d’injure publique commis envers les élus locaux. Un autre concerne l’article 8 de la proposition de loi, qui a trait à la protection fonctionnelle. L’article 8 permet à la commune de prendre en charge les restes à charge ou les dépassements d’honoraires « résultant des dépenses engagées par les bénéficiaires de cette protection ». L’amendement adopté en commission réduit cette disposition aux dépenses liées aux soins médicaux et psychologiques. L’objectif est d’exclure les frais d’avocat, « qui auraient un impact disproportionné sur le budget des communes ».
Autre amendement notable : l’extension des dispositions prévues pour les CLSPD (conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance) à des conseils intercommunaux. Le texte initial précisait la composition et les compétences des CLSPD déjà prévus à l’article L132-4 du Code de la sécurité intérieure, et prévoyait que ces conseils puissent constituer « un groupe thématique chargé des violences commises à l’encontre des élus ». L’amendement adopté en commission transpose ces dispositions aux CISPD (conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance).
Salariés protégés
En séance publique, à partir d’aujourd’hui, 18 amendements supplémentaires vont être discutés, dont deux émanent du gouvernement.
L’un d’eux vise à prévoir des peines « plancher » en cas de crime ou délit contre un élu. Les auteurs de l’amendement déplorent en effet que « dans le cas où les plaintes des maires aboutissent, les peines prononcées sont bien en-deçà de celles prévues par la loi ». Un autre amendement prévoit d’étendre les peines renforcées en cas d’agression contre les élus à celles commises à l’encontre de leurs collaborateurs de cabinet.
Un sénateur propose également d’interdire à une personne qui aurait déposé plainte contre un élu de rendre publique cette information. En effet, lorsqu’une telle plainte est déposée, les élus concernés sont souvent « victimes de harcèlement sur les réseaux sociaux ».
Le groupe socialiste va demander la suppression de l’article 8, qui permet à la commune de prendre en charge les dépassements d’honoraires et restes à charge au titre de la protection fonctionnelle. Les sénateurs socialistes estiment en effet que ces dispositions « reviendraient à octroyer aux élus des droits excessivement dérogatoires par rapport à l’ensemble de la population ».
En revanche, les mêmes sénateurs PS proposent d’octroyer aux élus continuant d’exercer une activité professionnelle le statut de « salarié protégé ». Ce statut est aujourd’hui octroyé, notamment, aux militants syndicaux élus dans les structures représentatives du personnel, et rendent plus difficile le licenciement de ceux-ci. Les sénateurs socialistes proposent d’adapter le droit du travail pour faire en sorte que des élus « ne puissent faire l'objet d'une mesure de licenciement ou de rupture de leur contrat de travail au seul motif qu'ils exercent des fonctions électives ».
L’amendement proposé calque pour les élus locaux les dispositions existant pour les militants syndicaux : il faudrait l’autorisation de l’inspection du travail pour licencier un salarié titulaire d’un mandat électif ; en cas de refus de l’inspection du travail, seul le ministre du Travail peut alors autoriser le licenciement. Cette protection, là encore comme pour les représentants du personnel, se poursuivrait jusqu’à « douze mois après l’expiration du mandat électif du salarié ». Il sera intéressant de voir comment le gouvernement va accueillir cette proposition. Jusqu’à présent, il s’est toujours montré réticent à une telle évolution du Code du travail, arguant que l’octroi du statut de salarié protégé aux élus locaux pourrait dissuader les employeurs d’embaucher des élus.
Amendements du gouvernement
L’un des amendements présentés par le gouvernement récrit l’article 3 de la proposition de loi, relatif à la protection fonctionnelle, le jugeant trop fragile juridiquement. Le gouvernement ne change pas le principe du dispositif proposé par les sénateurs, mais « précise le régime » de ce dispositif. L’amendent précise notamment que l’élu qui en a fait la demande « bénéficie de la protection de la commune dès qu’il a été procédé à la transmission de la demande au représentant de l’État dans le département ou à son délégué ». Le conseil municipal devrait alors être informé de cette demande « dans les 5 jours francs suivant la date de réception ». « Le conseil municipal peut retirer ou abroger la décision de protection accordée à l’élu par une délibération motivée prise dans le délai de quatre mois à compter de la date à laquelle il a été informé ».
Enfin, sans surprise, le gouvernement demande la suppression de l’article 4 de la proposition de loi, qui vise à étendre aux communes de moins de 10 000 habitants (contre 3 500 aujourd’hui) le versement de la dotation élu local (DPEL) pour compenser les contrats d’assurance de la protection fonctionnelle. Le gouvernement n’est pas du tout opposé à cette mesure, mais juge qu’elle doit figurer en loi de finances et non dans cette proposition de loi, puisqu’elle « engage les finances de l’État ».
Étrangement, le gouvernement indique que « cette mesure sera introduite par amendement dans le projet de loi de finances pour 2024 ». Ce ne sera pas nécessaire, puisque la mesure y figure déjà, à l’article 59 du PLF pour 2024.
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