Dérogations aux interdictions de publicité pendant les JO de Paris: les maires gardent la main
Par Lucile Bonnin
C’est le 22 décembre dernier que le projet de loi relatif aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a été adopté en Conseil des ministres. Quelques mois plus tard, après un passage au Sénat, le texte arrive à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 23 janvier).
Si ce projet de loi a beaucoup fait parler de lui sur les moyens mis en œuvre pour assurer la sécurité autour de cet évènement de grande ampleur – pénalisant parfois certains territoires comme les littoraux (lire Maire info du 10 février) – d’autres dispositions concernent spécifiquement les communes.
Sécurité
Le premier chapitre de la loi concerne les « adaptations nécessaires en matière d’offre de soins et de formation aux premiers secours ». Trois articles visent à assurer que le système de soin francilien puisse faire face à l’afflux de spectateurs et de visiteurs en créant notamment un centre de santé, en autorisant des professionnels étrangers à exercer pour une durée limitée et en élargissant le périmètre des acteurs autorisés à délivrer des formations aux premiers secours (lire Maire info du 2 novembre).
La plupart des dispositions de ce projet de loi visent à mieux garantir la sécurité pendant les Jeux. Vidéoprotection, expérimentation d’utilisation de traitements algorithmiques sur les images captées, élargissement de la procédure d'enquête administrative… Les principaux points d’attention de ce projet de loi visent à ce que les 22 villes qui vont accueillir des épreuves aient un arsenal de sécurité suffisant, mais jugé excessif pour une partie de l'opposition.
Expérimentation en transports
Au sein de ce projet de loi, deux expérimentations vont être menée à l’occasion des JOP 2024 au niveau des transports. La première « autorise l’expérimentation des caméras « augmentées » dans l’espace public jusqu’au 30 juin 2025. (…) La date escomptée de promulgation de la loi est censée offrir un temps suffisant afin de mettre en œuvre les premiers traitements dès la fin de l’année de 2023. »
Autre disposition importante pour les communes : l’article 18 du projet de loi permet au préfet de police, dans sa zone de compétence et à titre expérimental jusqu’au 31 décembre 2024, de délivrer des autorisations de stationnement à des personnes exploitant des taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra avait déclaré en séance au Sénat le 25 janvier dernier que « pour être au rendez-vous de l’exigence d’accessibilité des transports franciliens durant ces Jeux, il était nécessaire de passer de moins de 250 taxis adaptés aux personnes à mobilité réduite (PMR) à plus de 1 000. »
Le Sénat a d’ailleurs « supprimé l’obligation pour les personnes morales de disposer de dix autorisations de stationnement au minimum pour bénéficier de l’expérimentation, qu’il a étendue aux personnes physiques. Il a par ailleurs ouvert le bénéfice du dispositif aux taxis accessibles aux personnes à mobilité réduite, et non plus aux seuls taxis accessibles aux personnes en fauteuil roulant. »
Dérogations aux interdictions de publicité
L’article 14 concerne directement les collectivités territoriales, et notamment celles qui sont concernées par le relais de la flamme olympique. « L’ensemble des communes concernées par le parcours de la flamme n’est pas encore connu mais près de 70 départements seront traversés » , peut-on lire dans le rapport sur le projet de loi. Le parcours définitif de la flamme devrait être dévoilé progressivement au cours de l’année 2023.
Le texte prévoit l’ « extension de la dérogation légale temporaire aux interdictions de publicité dans l’espace public pour le relais des flammes olympique et paralympique, et pour l’installation d’un compte à rebours à Paris. » Cette dérogation doit « permettre d'une part au CIO et au comité d'organisation d'afficher leurs sponsors le long des parcours des flammes olympique et paralympique et, d'autre part, de permettre à des sponsors des jeux d'accompagner la mise en place dans Paris d'un dispositif de compte à rebours. »
Il est à noter que les dérogations sont possibles uniquement dans un périmètre restreint et non dans toute la commune. Le texte mentionne « une bande de cent mètres de part et d’autres du tracé du parcours, et un périmètre de deux cents mètres autour des sites de départ et d’arrivée des étapes. »
Il est indiqué que le comité d'organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) « doit informer les maires et les représentants de l’État dans les communes et départements concernés de la nature, de la localisation et de la durée d’implantation des dispositifs publicitaires. Ces paramètres sont déterminés par les contrats liant le Cojop à ses partenaires marketing. Ils doivent garantir le respect des conditions figurant à l’article 5 précité : optimiser l’insertion architecturale et paysagère, réduire l’impact sur le cadre de vie environnant, garantir la sécurité des personnes et l’intégrité des sites et bâtiments et, enfin, prévenir d’éventuelles incidences sur la sécurité routière. »
Concrètement ces dérogations contournent les restrictions ou interdictions de publicité prévues dans le Code l’environnement concernant les « immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, monuments naturels, sites classés, cœurs des parcs nationaux, réserves naturelles, arbres, immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque » , les aéroports ou gares, équipements sportifs, centres commerciaux, etc.
Police de la publicité
Si cet article a des allures de carte blanche pour les publicitaires, le texte précise cependant que « l’installation, le remplacement et la modification de ces dispositifs restent soumis à déclaration préalable auprès du maire et du préfet. »
Pour rappel, les compétences en matière de police de la publicité sont exercées par le préfet, sauf s’il existe un règlement local de publicité, auquel cas ces compétences sont exercées par le maire. Or, à partir de janvier 2024, « les compétences en matière de police de la publicité [seront] exercées par le maire au nom de la commune » , selon une modification prévue dans le Code de l’environnement.
L’autorité compétente peut alors s’opposer à cette installation, ou imposer des conditions destinées à « optimiser l’insertion architecturale et paysagère des dispositifs, à réduire leur impact sur le cadre de vie environnant, à garantir la sécurité des personnes et l’intégrité des sites et bâtiments ou à prévenir d’éventuelles incidences sur la sécurité routière, dans un délai fixé par décret. Pour le cas des immeubles présentant un caractère esthétique, historique ou pittoresque, le maire ou le préfet, après avis de la commission départementale compétente, peut y interdire toute publicité par arrêté. »
Le rapport du Sénat insiste sur le fait que les dépenses liées à la publicité installée tout au long du parcours du relais seront entièrement prises en charge par le Cojop.« Les communes faisant partie du relais sont volontaires, et les seuls coûts qu’elles supporteront ont trait aux dispositifs qu’elles souhaiteront installer à cette occasion (nourriture, activités sportives, évènements festifs…).»
Cette dérogation va aussi s’appliquer pendant la Coupe du monde de rugby à Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes, Nice, Paris, Saint-Denis, Saint-Etienne et Toulouse. Dans ce cadre précis, les dérogations ne concernent que l’affichage promotionnel lié à l’événement et pas la promotion des partenaires commerciaux de la Coupe du monde de rugby.
Cet article 14 a été adopté sans modification au Sénat mais il fait déjà l’objet de nombreux amendements notamment de la part de députés qui craignent une dégradation du patrimoine local. Certains députés semblent aussi estimer que cette publicité devrait bénéficier aux communes financièrement et qu’une partie des profits réalisés par les partenaires de marketing olympique pourrait amortir les engagements financiers de ces dernières. Les discussions débuteront cet après-midi à l’Assemblée.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2