Plusieurs propositions pour réformer la démocratie participative locale
Par Franck Lemarc
C’est au mois de juin dernier que Jean Castex a mandaté Patrick Bernasconi sur le sujet de la participation citoyenne, en lui demandant de faire « un état des lieux des différents dispositifs participatifs ou délibératifs » et de leur impact sur « la décision publique et le fonctionnement de la démocratie ».
Après avoir auditionné quelque 120 interlocuteurs, l’ancien président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) a rendu son rapport hier. Il met l’accent sur l’explosion des taux d’abstention aux élections récentes et « la fracture croissante entre représentés et représentants », illustrée en particulier par la crise des Gilets jaunes. Patrick Bernasconi, en s’appuyant sur le Grand débat national et la Convention citoyenne sur le climat, estime qu’il existe des pistes participatives pour « rénover notre vie démocratique ». Il fait cinquante propositions pour organiser ce qu’il appelle le « tournant délibératif de la démocratie française ».
Réforme de 2003
Dans cet ensemble de propositions, les collectivités locales occupent une place de choix. Patrick Bernasconi estime en effet que « à l’évidence, le champ des collectivités territoriales est celui dans lequel les expériences de démocratie participative et délibérative se sont déployées avec le plus d’aisance ». Plusieurs propositions sont donc consacrées à renforcer les dispositifs de démocratie participative locale.
Le rapporteur revient en détails sur la révision constitutionnelle de mars 2003, qui a institué de « nouveaux instruments de participation citoyenne locale », dont le référendum d’initiative locale et le droit de pétition « permettant de demander l'inscription à l'ordre du jour de l'assemblée délibérante d'une question relevant de sa compétence, les élus locaux restant libres d'y donner suite ». Cette révision constitutionnelle a également permis l’extension à tous les niveaux de collectivités du dispositif de « consultation locale », qui existait déjà dans les communes depuis 1992.
Patrick Bernasconi estime néanmoins que cette réforme constitutionnelle est restée « au milieu du gué ». Il propose donc un certain nombre d’évolutions, notamment pour « consacrer un véritable droit de pétition local ». Alors que la loi ne permet aux citoyens que de « demander » l’inscription d’une question à l’ordre du jour d’une assemblée délibérante – les élus restant libres de donner suite à cette demande ou non –, le rapporteur propose de rétablir une « obligation » pour les élus de donner suite à cette demande.
Patrick Bernasconi suggère également de créer un nouvel article dans le Code général des collectivités territoriales pour permettre l’organisation de « conventions citoyennes locales », à l’initiative des élus ou d’un dixième des électeurs.
Référendums et participation citoyenne
Sur la question des référendums locaux, l’ancien président du Cese constate que les dispositions mises en place en 2003 ne rencontrent guère de succès : seulement 10 référendums locaux par an sont organisés en moyenne, avec souvent une trop faible participation pour que le résultat puisse être pris en compte. Rappelons que le dispositif est très encadré : « Les projets de délibération ou d'acte relevant de la compétence d'une collectivité territoriale peuvent, à son initiative, être soumis, par la voie du référendum, à la décision des électeurs de cette collectivité », dit la Constitution. Le rapporteur propose que l’organisation d’un référendum puisse également être demandée par « un cinquième des électeurs » et pas seulement par les élus.
Enfin, Patrick Bernasconi propose une révision des instances locales de participation citoyenne (conseils citoyens, conseils de jeunes, conseils de quartier, comités consultatifs, etc.). Il constate les « limites » de ces instances : manque de diversité socio-économique, « surreprésentation des actions locales » et des publics militants, manque de « méthodologie délibérative » et parfois manque d’indépendance. Il propose, notamment, l’instauration d’une « obligation d’association des citoyens » sur les projets d’aménagement notamment. « Cette obligation laisserait néanmoins la collectivité libre quant aux moyens afin de privilégier le "sur-mesure" (instances consultatives existantes, consultation numérique, jury citoyen...) ».
Enfin, le rapporteur propose de donner un véritable cadre juridique aux budgets participatifs, alors que cette pratique est « en plein essor ». « La mission propose ainsi d’en formaliser les grands principes (transparence, reddition de compte, dernier mot laissé à l’assemblée délibérante...) dans la loi pour sécuriser ces procédures tout en laissant une souplesse d’utilisation aux collectivités. »
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