Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mercredi 19 octobre 2022
Démocratie

L'essor des budgets participatifs se poursuit avec 400 communes engagées en 2022

L'enquête nationale 2022 sur les budgets participatifs en France vient d'être publiée. Elle met en lumière une progression significative de cet outil dans les communes.

Par Lucile Bonnin

Le sujet de la démocratie participative locale a fait couler beaucoup d’encre cette année. En février, deux rapports ont été publiés sur le sujet. L’un dans le cadre des travaux de la délégation aux collectivités territoriales du Sénat intitulé, Pour une nouvelle dynamique démocratique à partir des territoires : la démocratie implicative ; l’autre sur « l'avenir de la participation citoyenne et de la démocratie délibérative en France »  rédigé par l’ancien président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) Patrick Bernasconi (lire Maire info 22 février)

Aussi bien du côté du Sénat que du côté du gouvernement, les budgets participatifs sont envisagés comme un outil important pour la démocratie participative. Et dans les faits, c’est une solution qui se développe à l’échelle locale. C’est ce que montre une enquête nationale réalisée par Antoine Bézard pour la Fondation Jean-Jaurès. 

Pour rappel, le budget participatif permet aux citoyens de décider de l’affectation d’une partie du budget de leur collectivité. Cette démarche se traduit par l’allocation d’une enveloppe budgétaire destinée à financer des projets proposés et votés par les habitants.

12 millions de Français concernés

« Ce qui (…) était une innovation démocratique, encore expérimentale, s’est généralisé, au point de devenir sous nos yeux une norme de l’action publique » , observe l’auteur qui pointe développement important dans les communes. 

L’enquête montre qu’aujourd’hui 400 communes et 20 départements ont mis en place ce procédé. Si le chiffre de 400 peut paraître faible, il faut tout de même noter que « 12 millions de Français vivent dans ces 400 communes »  et que donc « près d’un Français sur cinq peut proposer et décider directement des projets pour sa ville. » 

Plus frappant encore : en huit ans, le total des communes engagées est passé de 7 à 400. Même si ce sont avant tout les grandes villes (bientôt les trois quarts) qui ont mis en place un budget participatif, un tiers des villes de plus de 50 000 habitants et 20 % de celles de 20 000 à 50 000 habitants ont suivi le mouvement.

Le budget participatif est mis en œuvre par 20 départements actuellement, ce qui représente une « croissance plus modeste »  que celle des communes. « Pour autant, une vingtaine de départements compteront un budget participatif en activité à la fin de cette année 2022, c’est-à-dire là encore un sur cinq » , indique l’auteur. 

« Des montants alloués encore modestes » 

Côté financier, on observe que « le montant moyen par habitant ne progresse pas depuis 2019 ». Pour donner une idée des montants qui varient beaucoup en fonction des communes, quelques exemples sont cités comme Rennes (35) qui alloue 16 euros par habitant. Le Thor (84) alloue 28 euros par habitant et Paris, qui fait « figure d’exception »  alloue 35 euros.  

L’auteur explique qu’à l’échelle régionale, il est plus intéressant d’aborder les montants globaux. Par exemple, avec 4,34 euros par habitant, la Bretagne, est très en-deçà de la moyenne nationale. Elle alloue pourtant plus de 7 millions d’euros aux projets proposés et votés par les citoyens.

Une question se pose au regard de ces résultats : faut-il coordonner les initiatives dans les territoires ? « Les budgets participatifs se sont jusqu’ici développés à l’initiative de chaque collectivité, peut-on lire dans l’étude. Au regard des montants globaux alloués à l’échelle départementale ou régionale, il paraît pertinent de s’interroger sur la coordination de ces budgets participatifs. » 

Le rapport du Sénat pointait déjà ces limites, regrettant d’abord les enveloppes réduites ne dépassant « souvent pas les 5 % du budget de la collectivité »  et la participation faible due au morcellement de l’enveloppe « en plusieurs centaines de projets. »  Antoine Bézard suggère aussi que l’État puisse « encourager les initiatives locales par un soutien financier »  pour répondre à un « plus large éventail de propositions. » 

« Un enjeu d’acculturation des élus » 

Cette démarche participative progresse mais l’auteur identifie un axe d’amélioration pour une « consolidation des pratiques. »  « L’horizon de la participation citoyenne est d’abord un enjeu d’acculturation des élus et des institutions aux enjeux de la participation citoyenne qui remet la culture et le fonctionnement de ces organisations en question. Le budget participatif est une opportunité pour les élus d’associer les citoyens, comprendre les enjeux budgétaires – et en débattre –, (et) pour les directions de mettre en œuvre des projets conçus avec les citoyens. Mais pour faire progresser la participation, il faudra aussi voir plus grand et accepter le débat. » 

En la matière, Françoise Gatel et Jean-Michel Houllegatte proposent de mobiliser les élus locaux et les conseillers citoyens autour de formations communes à la démocratie participative. C’est aussi une piste pour encourager les petites communes à se lancer car bien souvent, elles ne peuvent pas se permettre financièrement de faire appel à un cabinet spécialisé pour mettre en place ce type d’opération. 

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