Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du jeudi 1er février 2024
Urbanisme

Dématérialisation des autorisations d'urbanisme : retours sur la relation usagers, coeur de la réforme

En partenariat avec l'AMF et Intercommunalités de France, le ministère de la Transition écologique a organisé un webinaire le 29 janvier dans le cadre du programme « Démat ADS - Permis de construire en ligne ». L'occasion de partager des retours d'expérience sur l'évolution de la relation usagers depuis la réforme, en vigueur depuis 2022. 

Par Caroline Reinhart

Depuis le 1er janvier 2022, toutes les communes et intercommunalités sont tenues de recevoir les demandes dématérialisées d’autorisation d’urbanisme. Celles de plus de 3 500 habitants doivent aussi assurer leur instruction via une téléprocédure. L’État et les associations d’élus accompagnent les collectivités dans cette transformation majeure. C’est dans ce cadre qu’un webinaire s’est tenu le 29 janvier sur la question cruciale de la relation usagers, à travers quatre témoignages de collectivités. 

Dialogue amélioré

Parmi les craintes liées à la dématérialisation, la perte de contact avec l’usager revient souvent en première place. C’est en fait tout le contraire qui se produit depuis 2022, d’après les retours d’expérience mis en avant lors du webinaire. Manon Gallafrio, en charge du projet Démat ADS de la ville d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône) a témoigné en ce sens : « Les administrés se déplacent toujours comme avant, les contacts n’ont pas diminué. Un dialogue supplémentaire s’est même ouvert, avec plus d’échanges entre les services et les pétitionnaires. »  Pauline Ouvrard, au service accueil urbanisme d’Aix-en-Provence, a complété : « Le service urbanisme est dans un bâtiment annexe, mais la fréquentation reste forte. Nous avons par ailleurs installé des bornes à l’hôtel de ville pour permettre au public de consulter les demandes de permis. » 

Même constat du côté de l’agglomération de Vannes (Morbihan), qui s’est lancée en 2019 : « La dématérialisation est globalement perçue positivement : les relations entre les services et les usagers se sont même améliorées. Les délais de réponse sont plutôt raccourcis, avec une fluidification des échanges », a pointé Gaël Gouret, responsable ADS de l’agglomération, centre instructeur pour 59 communes et 3 EPCI (24 000 dossiers par an). « La part des dépôts numériques augmente (en 2023, 63 % des dossiers sont passés par le guichet numérique), et nous n’avons pas de retour négatif. Nous avons mis en place une hotline pour répondre très rapidement aux questions posées. » 

À Montbartier (Tarn-et-Garonne), l’usager est, là aussi, gagnant. « Notre population est jeune, beaucoup sont des primo-accédants : ils ne sont pas disponibles aux heures d’ouverture de la mairie. L’avantage de la plateforme est qu’elle permet le dépôt de dossiers à tout moment : le gain de temps est considérable », relève le maire, Jean-Claude Raynal. De son côté, David Simonet, responsable du service instruction des autorisations d’urbanisme de Grand Paris Seine & Oise parle aussi d’une démat’ réussie en termes de relation usagers. C’était l’objectif premier du projet de guichet numérique des autorisations d’urbanisme (GNAU) mutualisé, porté par la communauté urbaine. 66 communes adhèrent désormais, et aucun retour négatif n’est à déplorer. 

Double flux 

Malgré ce bilan global positif, des difficultés émergent encore sur certains points de la réforme. Parmi elles, la coexistence entre le flux papier et le flux dématérialisé. Un principe de la réforme est que les pétitionnaires conservent toujours la possibilité de déposer leurs demandes d’autorisation au format papier. Pour David Simonet, « cette liberté de choix relève du principe de l’égalité d’accès à l’administration L’usager doit pouvoir accéder aux services d’urbanisme quel que soit son rapport au numérique. Et si les dossiers papier sont une contrainte supplémentaire pour les communes qui doivent les numériser, cette possibilité doit être maintenue. ». 

À Aix-en-Provence, le premier objectif était la démat’ totale. Une formation a été délivrée en ce sens. « Finalement, nous sommes restés sur du double flux. Aujourd’hui, on revient sur le simple flux car nous avons passé un marché afin d’externaliser le scan des documents papier, et ainsi éviter de faire porter ce poids à nos agents », a indiqué Manon Gallafrio. En 2023, 60 % des permis de construire ont été déposés en ligne, et deux tiers des déclarations préalables sont dématérialisées. 

À Montbartier, tous les échanges sont désormais dématérialisés. Sur les 200 dossiers reçus chaque année, le papier a quasiment disparu, et le nombre de signatures du maire a été considérablement allégé. Un bémol néanmoins : la préfecture demande encore deux dossiers papier pour leurs services. Autre point négatif relevé par tous : si beaucoup de particuliers se sont lancés dans la démat’, certains professionnels (constructeurs, promoteurs, etc.) font encore de la résistance. 

Communication et mode projet

Pour accompagner et faire adhérer les récalcitrants, les collectivités ont donc misé sur la communication. Concrètement, explique Manon Gallafrio, « nous avons fait la promotion de la démat’ avec des affiches vantant ses mérites, mais aussi des communications sur le site Internet, avec un lien vers le guichet unique et la mise à disposition d’un guide. Notre assistant à maîtrise d’ouvrage (AMO) nous a également aidé à mettre en place une boîte à outils support, un service après-vente pour les difficultés techniques, avec une ligne téléphonique, un mail, et des personnes à l’accueil. ». Pour impliquer les professionnels, « nous nous sommes mis en mode projet avec la DSI, avons eu des rendez-vous réguliers avec l’éditeur et notre AMO. Les services instructeur, juridique et accueil ont tous été intégrés dans la démarche. C’est un travail de longue haleine ». 

À Montbartier, l’incitation à la démat’ repose aussi sur la pédagogie. « Dès que quelqu’un vient pour un dépôt, on lui montre comment faire sa demande sur le logiciel, et on l’accompagne pour le remplissage du formulaire Cerfa. Nous avons aussi organisé des réunions avec des professionnels (notaires, géomètres, etc.) pour les sensibiliser et leur laisser la possibilité de faire leurs observations », indique Jean-Claude Raynal. 

À Vannes, les moyens techniques et humains nécessaires à la bonne conduite du changement ont été mis sur la table. « Notre hotline permet une centralisation des demandes et des questions. Nous avons mis en place une adresse mail générique pour les problèmes de connexion et les questions techniques, et un numéro unique est à la disposition des usagers. Deux postes d’assistant technique à la démat’ et d’administrateur fonctionnel ont été créés » , a témoigné Gaël Gouret. 

À Grand Paris Seine & Oise, la communication a aussi été l’enjeu – et le moteur – principal du projet de guichet numérique. « L’expérimentation a commencé en 2021. On est allés voir les communes, on a organisé de nombreuses réunions. On a aussi réalisé des supports de communication, en travaillant de concert avec la DSI, l’éditeur de logiciel et le service dédié de la communauté urbaine. Infographie, motion design, FAQ, tutoriels : tout a été mis en place pour répondre aux attentes », a détaillé David Simonet. 

Même principe pour accompagner les agents dans cette transformation majeure : « Il a fallu rassurer, accompagner, faire beaucoup de pédagogie, communiquer sur les avantages de la démat, et faire en sorte que la conduite du changement ne pèse pas trop sur les agents » , a témoigné David Simonet. À Vannes aussi, « il a fallu accompagner et rassurer les équipes, arrêter certaines pratiques (tampons, etc.). Deux personnes sont dédiées à la démat’ pour les communes et les agents. Nous avons également monté des clubs ADS, mais aussi des webinaires locaux », a relaté Gaël Gouret. 

Deux ans après l’entrée en vigueur de la réforme, le bilan est donc largement positif. Reste quelques points de friction : la qualité des dossiers, qui semble parfois baisser malgré la plateforme d’assistance Ad’AU ; l’adhésion des services consultables (SDIS, commissions accessibilité...) à la réforme ; l’archivage, qui relève toujours des communes ; ou encore, les coupures de PLAT’AU. Un « outil résilient et stable »  pour Jean-Michel Coste, directeur du programme Démat ADS, intervenant en fin de webinaire : en cas de coupure, les requêtes sont stockées dans une file d’attente, et sont traitées lors de la reprise. « Nous devons travailler avec l’ensemble de nos partenaires pour rendre aussi leurs applications résilientes », a conclu Jean-Michel Costes.  Un autre axe d’amélioration pour 2024 !

Osmose, la plateforme collaborative gratuite mise à disposition par l’État.

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