Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 26 novembre 2019
Déchets

Le gouvernement annonce la mise en place de la consigne en 2023, contrairement aux promesses du Premier ministre

« Nous ne mettrons pas en œuvre la consigne sans l’accord des associations d’élus ». La phrase a été prononcée jeudi, devant des milliers de maires réunis en congrès, par le Premier ministre Édouard Philippe. Et pourtant… dans un communiqué publié par l’AFP la nuit dernière, la ministre et la secrétaire d’État en charge du dossier, Élisabeth Borne et Brune Poirson, annoncent que la consigne sur les bouteilles plastiques sera mise en place à l’horizon « 2023 », après « des expérimentations dans les territoires volontaires ». 
Le communiqué a d’abord été envoyé dans la nuit à la seule AFP, qui en a fait une dépêche à 2 h 30 du matin. Il y est annoncé « le lancement d’expérimentations de consigne sur les territoires volontaires, notamment en outre-mer »  et « la mise en place de la consigne mixte pour recyclage et réemploi au terme d’un bilan d’étape de l’extension des consignes de tri qui sera réalisé en 2023 ». Comble de l’ironie, alors que la totalité des acteurs de ce dossier, à l’exception des producteurs de bouteilles plastique, sont farouchement opposés à la consigne, l’AFP indique que le ministère de la Transition écologique et solidaire « souligne que le consensus indique clairement l’objectif de mettre en place la consigne avec un chemin et une méthode commune ».
Le communiqué a ensuite été publié, en milieu de matinée, sur le site du ministère. Ironie là encore : il s’intitule « l’État et les représentants de collectivités s’accordent sur une méthode pour atteindre les objectifs ambitieux de collecte et de recyclage des bouteilles plastique » … alors que les représentants des élus ne se sont nullement « accordés »  ni sur le lancement de la consigne en 2023 ni sur les expérimentations à mener d’ici là. Certes, lors de cette réunion qui a eu lieu hier au ministère en présence, notamment, des représentants des élus, l’idée d’une « pause »  jusqu’en 2023 a été actée. En revanche, le fait d’annoncer qu’au sortir de cette « pause », la consigne serait mise en place de toute façon est une étonnante façon de faire vivre la « concertation ». Et surtout, cela ne pourra avoir que pour résultat d’inciter les maires à stopper les investissements dans les centres de tri, s’ils sont sûrs que ceux-ci ne serviront plus à rien dans quatre ans. Et à ne pas procéder à l’extension des consignes de tri, qui, là aussi, deviendraient inutiles en 2023.

Quel financement ?
Sur le fond, au-delà des multiples raisons qui amènent les associations représentatives d’élus à rejeter la consigne (lire Maire info du 5 juillet et du 8 octobre), le financement du dispositif de « consigne mixte pour recyclage et réemploi », évoqué par les ministres dans leur communiqué, paraît actuellement totalement flou. En effet, sur quelles recettes compte le gouvernement pour financer le réemploi ? Si c’est sur les contributions des metteurs en marché de bouteille plastique, cela paraît juridiquement très fragile – dans la mesure où cette contribution serait affectée au réemploi des bouteilles en verre, et qu’il s’agit de deux filières différentes.
Reste la recette qui viendra des consignes non-récupérées par les consommateurs : s’ils ne rendent pas la bouteille, ils ne récupèrent pas le montant, qui restera donc dans les caisses. Il se constituera ainsi une forme de « cagnotte »  qui pourrait atteindre plusieurs centaines de millions d’euros. Mais là encore, transformer cette « cagnotte », qui appartient de fait aux consommateurs, en recettes permettant de financer le réemploi, apparaît extrêmement hasardeux d’un point de vue juridique.
Les élus vont maintenant attendre avec impatience des explications complémentaires du gouvernement. Car il apparaît pour le moins contradictoire de promettre que la consigne ne sera pas mise en place « sans l’accord des associations d’élus », et d’annoncer quatre jours plus tard que celle-ci sera mise en place… alors même que chacun sait que les associations d’élus y sont farouchement opposées. 
Plus personne ne sait donc, à cette heure, quelle est la position officielle du gouvernement – entre celle du Premier ministre et celle de ses ministres. Les réponses viendront probablement lors du débat sur le projet de loi Économie circulaire à l’Assemblée nationale, qui débutera le 9 décembre.
Cet épisode pourrait ne pas améliorer les rapports de « confiance »  entre les élus et le gouvernement, confiance dont le rétablissement a pourtant été ardemment souhaité, la semaine dernière, tant par le Premier ministre que par le président de la République.

F.L.
 

 

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