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Édition du mercredi 8 février 2023
Déchets

Déchets papiers : une proposition de loi décriée par les associations d'élus adoptée en première lecture

Les députés ont adopté, le 31 janvier, une proposition de loi relative aux filières emballages ménagers et papier. Le texte vise à fusionner les deux filières et à exempter les publications de presse de leur contribution en tant que producteurs de déchets. Les associations d'élus se montrent plus que réservées sur cette proposition. 

Par Franck Lemarc

Il s’agit d’une proposition de loi qui émane des députés Renaissance, mais le gouvernement y est tellement favorable qu’il l’a placée sous le régime de la procédure accélérée, et l’a présentée à l’Assemblée nationale dans le cadre d’une semaine normalement réservée à ses propres textes.

Soutenir la presse

Denis Masséglia, rapporteur du texte, a fait valoir dans sa présentation que la proposition de loi vise d’abord à soutenir la presse papier, qui se trouve dans une situation « très critique »  du fait de la diminution du lectorat et de l’inflation : le prix du papier a doublé en un an, et la hausse des coûts de l’énergie affecte durement le secteur. Le député du Maine-et-Loire a rappelé que la presse est incluse, depuis 2017, dans la filière REP des papiers graphiques, mais qu’elle a jusqu’à présent bénéficié d’une dérogation lui permettant de payer ses contributions non en numéraire, mais en nature, sous forme de mise à disposition d’encarts publicitaires gratuits faisant la promotion des gestes de tri. Cette dérogation a pris fin le 1er janvier dernier : désormais l’écocontribution de la presse doit se faire en numéraire, ce qui devrait représenter une charge annuelle d’une vingtaine de millions d’euros. 

La proposition de loi vise à remettre en place la dérogation, afin d’éviter au secteur d’avoir à payer cette charge, et à revenir à la possibilité d’une contribution en nature, « à condition que soit signée et mise en œuvre une convention de partenariat avec l’État engageant la presse à mettre à disposition gratuitement des encarts destinés à communiquer auprès des lecteurs sur la transition écologique ». Le texte précise que cette convention sera établie « après concertation avec les collectivités territoriales »  et que les encarts devront « en majorité »  être utilisables par celles-ci. Les encarts publicitaires ne devront « exclusivement »  concerner que « le tri des déchets, l’économie circulaire et la préservation de la ressource en eau et de la biodiversité ». 

« Très mauvais signal » 

Deuxième mesure contenue dans la proposition de loi : la fusion de la filière des emballages ménagers et des papiers graphiques. La secrétaire d’État chargée de l’Écologie, Bérangère Couillard, a défendu cette option dans l’hémicycle : « La fusion proposée de la filière des papiers et de celle des emballages ménagers est cohérente avec la logique de collecte simplifiée des déchets que nous avons instaurée » , via la loi Agec. « Si la proposition de loi est adoptée, il y aura une seule filière REP pour un seul bac jaune. En effet, les papiers imprimés et les emballages en papier ou en carton sont collectés, triés et recyclés ensemble. La fusion garantira également une vision commune aux deux filières en matière d’écoconception. » 

Le problème est que les associations et réseaux spécialisés d’élus ne sont pas du tout d’accord – ce qui ne semble pas déranger le gouvernement outre mesure. Dans un communiqué publié en janvier par Amorce et Intercommunalités de France, les deux associations jugent que cette fusion « fait craindre une nouvelle dégradation des conditions de prise en charge des coûts supportés par les collectivités et des conditions de contrôle du respect des objectifs environnementaux de ces filières » . Elle risque également de provoquer « une baisse de la prise en charge des frais fixes spécifiques à la filière papier ». 

Du côté de l’AMF, on explique également que la fusion, si elle n’aura que de faibles impacts sur les collectivités (car les moyens de collecte sont déjà partagés), risque de déstabiliser l’organisation des éco-organismes. À terme, la fusion pourrait conduire à la disparition de la filière papier au bénéfice de la seule filière emballage. 

Perte sèche pour les collectivités

Les associations ne sont pas plus enthousiastes sur la pérennisation de la dérogation permettant à la presse de payer ses contributions en nature. Pour Amorce et Intercommunalités de France, cette exonération de fait de la presse « va à contre-courant des objectifs environnementaux »  et « envoie un très mauvais signal ». 

De plus, on peut noter que les auteurs de la proposition de loi, s’ils expliquent vouloir soutenir la presse d’information (en particulier la PQR), ont rédigé un texte qui va bien au-delà, puisque les magazines seraient également concernés par l’exemption. L’AMF propose donc que l’exemption ne soit réservée à la presse d’information. 

Mais surtout, l’AMF remarque que la disposition prévue par la proposition de loi va bien plus loin qu’une simple exonération, puisqu’il s’agit en fait « de dispenser les publications de presse de toute obligation au titre de l’économie circulaire (plus d’obligation de collecte séparée ni d’objectifs de recyclage). La proposition de loi, si elle va jusqu’au bout, « ramènerait les collectivités à la situation d’avant 2017 », explique l’AMF dans une note, c’est-à-dire à la situation où les collectivités finançaient seules le recyclage de la presse : la presse est collectée et triée à partir du bac jaune, sans que les producteurs ne payent de contribution. 

Ces questions ont été naturellement posées dans l’hémicycle pendant le bref débat qui a conduit à l’adoption de cette proposition de loi. Guy Bricout (Nord, LIOT), a fait remarquer que ce texte « va porter un nouveau coup aux finances des collectivités » , puisque l’exemption de la presse de l’écocontribution « induirait une perte de recettes notable pour les collectivités, qui ont dû investir dans des dispositifs de tri spécifiques pour la filière papier. En l’absence de toute contribution financière, elles risquent donc de ne plus rentrer dans leurs frais. »  Guy Bricout a demandé au gouvernement quels dispositifs étaient prévus « pour compenser la perte de financement pour les collectivités ». 

Le député LR des Vosges Stéphane Viry a développé les mêmes arguments, estimant qu’il « eût été préférable de maintenir la presse dans sa filière REP et de compenser sa contribution financière en faveur des collectivités par une hausse équivalente des aides de l’État à la presse ». 

Bérangère Couillard, sur ce point, n’a répondu ni à l’un ni à l’autre des députés. 

Le texte a été adopté par 61 voix pour et 41 contre. Il va maintenant être discuté au Sénat. 

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