Édition du mardi 24 septembre 2002
Décentralisation : les inquiétudes s'accroissent dans le secteur de l'enseignement
A la veille du premier discours du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin devant l'ensemble des recteurs et inspecteurs d'académie, réunis ce mardi à la Sorbonne à Paris, l'ensemble du monde éducatif s'interroge sur les projets du gouvernement en matière de décentralisation.
Des syndicats d'enseignants aux éditeurs scolaires, en passant par l'enseignement catholique, de nombreuses organisations ont fait état depuis la rentrée de leurs inquiétudes sur le grand chantier lancé par le gouvernement, pour réformer ce que Claude Allègre avait baptisé "le mammouth".
"Risque d'accroissement des inégalités" : la crainte revient comme un leitmotiv, même si beaucoup reconnaissent les bienfaits de la première vague de décentralisation, pilotée par le socialiste Gaston Defferre, qui a abouti à une rénovation spectaculaire du patrimoine immobilier scolaire, avec le financement des lycées par les régions et celui des collèges par les départements.
Mais les «effets pervers de la décentralisation» sont dénoncés : les enseignants d'éducation physique du SNEP-FSU voient s'agrandir les disparités dans les conditions d'enseignement du sport, selon les budgets dévolus par les collectivités locales aux constructions d'équipements sportifs scolaires. Le principal syndicat du premier degré SNUipp-FSU a aussi critiqué les inégalités grandissantes entre écoles.
Signe de l'inquiétude générée par le sujet, l'UNSA-Education (ex-FEN), qui défend le statut de la fonction publique d'Etat pour les enseignants et les non-enseignants (ATOSS, IATOSS), envoie à ses abonnés une lettre quotidienne sur la décentralisation depuis la rentrée.
Les ministres chargés de l'Éducation ont pourtant pris soin de fixer deux garde-fous, pour que l'éducation reste "nationale" tout en étant plus "régionalisée" : les recrutements d'enseignants et les diplômes resteront nationaux. De même, la "carte scolaire" des collèges, contestée par de nombreux parents car jugée trop rigide, devrait rester en application pour éviter la constitution de "ghettos".
Le ministre Xavier Darcos a néanmoins indiqué, vendredi, que les élus locaux pourraient avoir leur mot à dire sur le sujet, face aux inspections académiques.
Selon une enquête du Monde datée de mardi, les présidents de régions sont volontaires pour mener des expérimentations dans plusieurs domaines : construction des universités, définition de l'offre de formation dans l'enseignement supérieur, pilotage de la formation professionnelle, orientation des élèves, établissement de la carte de formation des lycées. L'un des sujets les plus polémiques est celui de la gestion des personnels d'entretien des collèges et lycées.
Les craintes dépassent le seul monde des syndicats d'enseignants.
Les éditeurs scolaires, secoués actuellement par la cession en cours du pôle Vivendi, deuxième acteur du secteur en France, ont aussi mis en garde contre certains effets pervers de la décentralisation : de plus en plus de régions choisissent d'accorder la gratuité des manuels scolaires aux lycéens mais mettent en place des systèmes d'achats groupés qui menacent les derniers libraires de quartier.
Même l'enseignement catholique s'est inquiété la semaine dernière des risques d'émergence d'un "enseignement à plusieurs vitesses", soumis aux aléas des changements de majorité politique dans les collectivités locales.<
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