De la campagne à la ville : la mobilité des jeunes ruraux suivie par l'Insee
Par Lucile Bonnin
Les jeunes ruraux font l’objet d’un regain d’intérêt dans les études socio-économiques. Parcours familial, scolaire ou encore professionnel : les modes de vie de cette population – qui représente 30 % des 17,7 millions de jeunes âgés de 3 à 24 ans soit 5,3 millions d’entre eux – sont de plus en plus analysés.
Une enquête intitulée « Entre ville et campagne, les parcours des enfants qui grandissent en zone rurale » vient d’ailleurs alimenter les ressources documentaires sur le sujet. Publiée hier par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), l’étude a été réalisée à partir des données du dernier recensement de 2018, avant la crise sanitaire.
Une répartition en fonction de l’âge et de la commune
L’année dernière, l’Insee donnait une nouvelle définition à la très complexe dénomination de « territoire rural », mettant fin ainsi à « une approche centrée sur la ville ». Les territoires ruraux désignent donc « l’ensemble des communes peu denses ou très peu denses d’après la grille communale de densité. Ils réunissent 88 % des communes en France et 33 % de la population en 2017. »
Quatre catégories d’espaces ont donc été identifiées : les communes rurales très peu denses, les communes rurales peu denses, celles hors influence d’un pôle, et les communes sous forte influence d’un pôle.
En prenant en compte ces disparités, la récente étude montre que le lieu de résidence des jeunes selon le type de commune évolue au fil des âges. La part des jeunes résidant dans une commune rurale augmente entre 3 et 13 ans par exemple. Ces chiffres parlent d’eux-mêmes : les familles avec jeunes enfants délaissent les communes urbaines pour des espaces calmes et des logements plus grands. « Entre 3 et 13 ans, les migrations résidentielles vers l’espace rural sont d’autant plus fréquentes que les enfants sont jeunes » , peut-on lire dans l’étude.
Il est observé que les déménagements sont plus fréquents vers les communes rurales sous influence d’un pôle. Explication avancée par l'Insee : « La proximité d’un pôle permet aux parents de bénéficier des emplois urbains tout en résidant hors des grandes villes. »
Les jeunes de 14 à 17 ans font exception. Les arrivées à la campagne des familles avec adolescents sont moins nombreuses et les départs de jeunes dès l’âge de 17 ans vers des zones plus urbaines augmentent.
Scolarité et environnement familial
L’étude apporte aussi des enseignements sur la manière de vivre de ces jeunes. Première constatation de cet ordre : la famille monoparentale est un cas moins fréquent dans les foyers ruraux. L’Insee rapporte qu’entre 3 et 17 ans, 97 % des enfants et adolescents vivent avec au moins un de leurs deux parents.
La configuration familiale des enfants ruraux de 3 à 17 ans diffère de celle des enfants urbains, mais varie également selon le type de territoire rural. À ces âges, 18 % des enfants des communes rurales autonomes vivent avec un seul parent, contre 15 % dans le rural sous influence des pôles et 25 % dans l’urbain. Autre spécificité : les logements en zone rurale sont plus spacieux. Par conséquent, les jeunes ont souvent une chambre individuelle (86 % pour les 3-17 ans).
En ce qui concerne le parcours scolaire du jeune rural, plusieurs caractéristiques sont à noter. D’abord, trois quarts des collégiens et un tiers des écoliers sont scolarisés hors de leur commune de résidence. Un phénomène qui est multiplié par 2,3 avec l’entrée au collège. Pour le lycée, 94 % des jeunes ruraux doivent changer de commune. Conséquence logique : ils parcourent une distance croissante selon l’âge allant de 9 à 23 kilomètres en moyenne pour rejoindre leur établissement scolaire.
Du rural à l’urbain
Ce n’est pas une surprise : l’espace urbain attire de plus en plus les jeunes ruraux, surtout à partir de 18 ans. La principale raison ? Ces jeunes se sont inscrits dans un établissement d’enseignement supérieur (93 %). Ainsi, « 48 000 anciens ruraux se sont installés dans une commune urbaine, et plus fréquemment dans les plus denses d’entre elles. »
Pour autant, cette baisse de la part des jeunes vivant en milieu rural n’a pas de conséquences considérables selon l’Insee. Certes, les arrivées de jeunes dans les communes rurales sont moins nombreuses que les départs du rural vers l’urbain mais elles augmentent, « passant de 9 000 à 19 ans à 19 000 à 24 ans. À 23 et 24 ans, les migrations résidentielles entre espaces se compensent. Ainsi, la part des jeunes résidant dans une commune rurale est stable à ces âges. »
Une différence de formation
Il y a ceux qui partent, et ceux qui restent. Cette dichotomie résume plutôt bien un point de différence souligné dans l’étude. En effet, on observe que les profils estudiantins varient en fonction du lieu d’étude. 75 % des jeunes de 18 ans restés vivre en milieu rural sont inscrits dans un établissement d’enseignement. Par rapport à ceux qui ont quitté le rural, ils détiennent moins souvent un baccalauréat général ou technologique (31 % contre 81 %) mais plus fréquemment un baccalauréat professionnel (12 % contre 8 %). Les formations professionnelles comme le brevet de technicien supérieur (BTS) ou le certificat d'aptitude professionnelle (CAP) sont des formations largement plus suivies en milieu rural qu’en ville.
Cette étude particulièrement intéressante fait écho aux travaux menés en 2021 au Sénat par la délégation aux droits des femmes. Un rapport intitulé « Femmes et ruralité : en finir avec les zones blanches de l’égalité » a été fait, mettant notamment en lumière les enjeux spécifiques auxquels les jeunes générations sont confrontées dans les territoires ruraux. Au-delà de l’état des lieux, des recommandations ont été formulées pour améliorer la mobilité, l’orientation et les opportunités professionnelles de la jeunesse rurale féminine.
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