L'Europe acte définitivement la fin des véhicules thermiques en 2035
Par Franck Lemarc
C’est la dernière étape d’un long cheminement, entamé il y a un an avec l’adoption par la Commission européenne, mi-juillet 2021, d’un projet de bannissement des véhicules thermiques (y compris utilitaires légers), dont la vente serait interdite à partir de 2035. Début juin 2022, le Parlement européen a à son tour adopté ces préconisations. Il ne restait plus qu’à les faire valider par le Conseil, ce qui a finalement été fait dans la nuit de mardi à mercredi, après d’âpres négociations.
Cette décision est cohérente avec les objectifs de l’Union européenne d’atteindre la neutralité carbone en 2050. Si elle est appliquée, seuls les véhicules 100 % électriques seront autorisés à la vente à compter de 2035, puisque même les véhicules hybrides seraient interdits.
Seules deux exceptions ont été prévues : le Conseil a confirmé l’amendement dit « Ferrari », qui permet la poursuite de la vente de véhicules essence pour les modèles fabriqués à moins de 10 000 exemplaires par an – ce qui ne concerne que les véhicules de luxe. Par ailleurs, lors des négociations, l’Allemagne et l’Italie ont défendu – et fait adopter – le principe d’une sorte de clause de revoyure : la vente de véhicules thermiques pourrait rester autorisée après 2035 si, d’ici là, les recherches sur les carburants synthétiques (« e-carburants » ) aboutissent et permettent de supprimer totalement les émissions de gaz à effet de serre.
« Défi immense »
La décision est donc prise. Il reste à la mettre en œuvre et à en mesurer les conséquences – la date de 2035 étant extrêmement proche au regard des enjeux.
Trois questions essentielles se posent face à cette décision. D’abord, celle du maillage des territoires en points de recharge. Même s’il a été annoncé hier que le cap du million de points de recharge a été dépassé en France, cela reste très insuffisant, et le Conseil européen a encore une fois appelé, hier, à donner un sérieux coup d’accélérateur au développement de ce réseau de bornes de recharges, condition indispensable au développement de la voiture électrique.
Deuxième problème : le prix des véhicules. Le coût d’une voiture électrique est aujourd’hui de 60 % supérieur à celui d’un véhicule thermique de même gamme. Même si les prix devraient (un peu) baisser avec la hausse des volumes de production, les experts prévoient qu’en 2030, une voiture électrique coûtera toujours 4 000 à 5 000 euros de plus qu’un véhicule thermique, ce qui peut s’avérer rédhibitoire pour les ménages modestes et moyens. Avec un possible effet contre-productif : si les véhicules électriques sont inabordables, les ménages garderont plus longtemps leur vieille voiture thermique, plus polluante…
Reste enfin la question sociale, évidemment très délicate dans les pays d’Europe où l’industrie automobile est très prégnante, comme la France, l’Allemagne et l’Italie. Selon les projections des constructeurs français, la filière automobile pourrait perdre entre 30 000 et 40 000 emplois en France d’ici 2025, et entre 100 000 et 200 000 d’ici 2035. De nombreuses usines – forges et fonderies en particulier – seraient menacées de fermeture.
Et c’est sans compter un certain nombre de problèmes non résolus à ce jour : celui de la fabrication des batteries, celui de leur recyclage, celui de l’approvisionnement en matériaux rares nécessaires au fonctionnement des véhicules électriques.
En d’autres termes, même si l'intention est louable, la décision européenne pose aujourd’hui plus de problèmes qu’elle n’en résout, et l’on comprend que la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, parle ce matin de « défi immense pour notre industrie automobile », qui ne se sera possible à relever que grâce à « une transition planifiée et accompagnée ».
Changer de braquet
Cette décision intervient le jour même où le Haut Conseil pour le climat, en France, a rendu son rapport annuel, dont le titre même, Dépasser les constats, mettre en œuvre les solutions, veut tout dire : la réponse de la France au changement climatique « progresse » certes, mais reste très en dessous de ce qu’il faudrait faire, par « manque d’objectifs stratégiques, de moyens et de suivi ». Pour le HCC, le risque est « majeur » de voir la France ne pas atteindre les objectifs qu’elle s’est fixée en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES).
Le Haut Conseil constate que les émissions de GES sont certes inférieures à ce qu’elles étaient en 1990, mais qu’elles recommencent à augmenter dans certains secteurs. Il recommande donc un véritable changement de braquet, en commençant – ce qui est bien dans les intentions du gouvernement – par une planification écologique qui se déclinerait « au niveau du Premier ministre ». Parmi les autres recommandations du Haut Conseil, on retiendra celle « d’engager sans délai les investissements dans les infrastructures » (transport, distribution, réseaux ferroviaires, pistes cyclables…), ainsi que « dans les réseaux de chaleur et la végétalisation des villes ».
Le rapport présente de très nombreuses préconisations dans tous les secteurs émetteurs de GES (agriculture, industrie, bâtiment, transports, énergie, etc.). Ses auteurs appellent également à amplifier « l’action territoriale », notamment en développant des outils « de diagnostic territorial des vulnérabilités aux impacts du changement climatique ».
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