Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 16 mai 2023
Développement économique

Choose France : un bilan pour l'emploi mitigé

Le sommet « Choose France » (Choisissez la France) s'est tenu hier à Versailles, comme chaque année, avec l'invitation par Emmanuel Macron de quelque 200 patrons de groupes étrangers souhaitant investir en France. Quelque 8 000 emplois devraient être créés à la suite de cette nouvelle édition.

Par Franck Lemarc

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© Elysee.fr

Même Elon Musk, le controversé patron de Tesla, Twitter et SpaceX, s’est dit « impressionné »  hier par « l’accueil réservé par le gouvernement français à l’industrie ». Comme chaque année désormais, Emmanuel Macron a déroulé le tapis rouge, au sens propre comme au sens figuré, aux industriels étrangers, pour les convaincre de venir investir en France, vantant la compétence des salariés français, mais aussi « un coût du travail en baisse »  (conséquence notamment de la suppression de la CVAE, aux frais des collectivités) et « un cadre simplifié pour les licenciements économiques ». 

Résultat : une moisson « record », selon le chef de l’État, puisqu’au final ce sont 28 projets qui ont été annoncés hier, pour un total de 13 milliards d’euros d’investissement (contre 10,8 milliards l’an dernier). 

Si ces investissements sont une bonne nouvelle pour l’économie, il faut les mettre en regard du nombre relativement faible d’emplois créés (environ 8 000). L’industrie du 21e siècle est ainsi faite, qu’elle demande des investissements colossaux, du fait des technologies de pointe utilisées, mais ne demande qu’une main-d’œuvre bien moins pléthorique que par le passé. Témoin, l’allemand Knauf (matériaux de construction), qui va injecter 100 millions d’euros dans la construction d’une usine en Moselle avec à la clé seulement… 50 emplois. Ou l’opérateur de bornes de recharges portugais Power Dot qui va mettre 140 millions d’euros sur la table mais ne va créer que 66 emplois…

Il semble que l’on soit bel et bien en train de sortir du modèle qui a prévalu pendant des décennies, avec de très grandes usines (Airbus, PSA, Renault…) attirant autour d’elle tout un tissu de plus petites usines sous-traitantes. 

Cet état de fait apparaît très clairement dans un graphique publié par Business France, dans une brochure consacrée aux résultats de Choose France en 2022. Les projets d’investissements étrangers de 250 salariés et plus ne représentent que 3 % de ceux qui ont été annoncés en 2022, alors que les deux tiers des projets comptent moins de 20 salariés. 

Grands groupes

De grands groupes internationaux ont annoncé leur intention de poursuivre leurs investissements en France. C’est le cas notamment des chimistes Pfizer et GFK (500 et 400 millions d’euros), d’Ikea (906 millions d’euros), d’Iveco (115 millions). Nokia promet de créer 500 emplois (en recherche et développement) sur les sites de Lannion et de Saclay. 500 emplois également sont promis par Accenture (société de conseil), 200 par Morgan Stanley. 

Elon Musk, star incontestée de la session d’hier (l’événement a été retardé pour pouvoir l’accueillir), n’a pas annoncé de projet concret mais promis « des investissements significatifs »  en France dans les temps à venir. 

Quelques projets sortent toutefois du lot par leur ampleur en termes d’emplois. C’est le cas des usines de batteries électriques qui vont s’implanter dans les Hauts-de-France, autour de Dunkerque, avec les projets de XTC-Orano et du taïwanais ProLogium, qui va investir 5,2 milliards d’euros. Ces deux projets pourraient représenter 3 000 emplois à terme. L’américain Holosolis va, lui, implanter une usine de panneaux photovoltaïque en Moselle, avec à la clé la promesse de 1 500 emplois. 

Créations et suppressions

Il reste que les chiffres de créations d’emploi, en plus d’être relativement modestes, peuvent être trompeurs, dans la mesure où il faut les mettre en regard des chiffres de suppressions d’emploi qui continuent, en parallèle. Exemple typique : la création de l’usine Holosolis va, certes, apporter une bouffée d’oxygène au bassin de Sarreguemines, en Moselle. Mais il faut néanmoins savoir que l’usine va s’implanter sur un terrain, à Hambach, situé juste en face de l’usine Mercedes-Smart (1 500 ouvriers), dont la fermeture est en cours. Idem dans les Hauts-de-France, où la création du « hub de batteries »  est un excellente nouvelle, mais à nuancer par le fait que l’usine de moteurs de PSA à Douvrin (1 500 ouvriers), va fermer. 

On pourrait en dire autant des annonces du groupe allemand de pneumatiques Continental, qui a annoncé la création à venir de 500 emplois en France, notamment sur le site de Rambouillet, en région parisienne… où il a supprimé 400 emplois en 2009.

90 % des usines dans les petites villes

La brochure de Business France que nous évoquions plus haut indique, pour l’année 2022, que les petites villes restent largement bénéficiaires des projets d’investissements étrangers : 74 % des projets industriels étrangers de 2022 ont été implantés dans des villes de moins de 20 000 habitants. 17 % se sont installés dans des villes de 20 000 à 100 000 habitants, les communes plus grandes se partageant le reste – il y a belle lurette que les usines ont quitté les grandes villes. Il est d’ailleurs frappant de constater la différence entre les chiffres lorsque l’on parle de projets de création d’entreprise, en général, et de projets industriels : en 2022, 20 % des projets de création d’entreprises étrangères ont eu pour siège une ville de plus de 500 000 habitants ; mais ce chiffre tombe à 3 % pour les usines.

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