Recensement : l'Insee travaille à réduire les délais de production des données
Par Franck Lemarc
C’est un anniversaire qui va être fêté demain : c’est en effet le 18 janvier que débutera la 20e campagne de recensement depuis que celui-ci est devenu annuel, en 2004. Cela a marqué une évolution majeure : jusque-là, l’Insee procédait à un recensement général, de l’ensemble de la population, tous les huit ou neuf ans. Mais cette méthode ne permettait pas d’avoir une vision claire et surtout à jour de la population, ce qui est indispensable pour les maires. Rappelons en effet que, selon l’Insee, « entre 300 et 400 règles administratives » dépendent du nombre d’habitants d’une commune, allant du mode de scrutin aux élections municipales à la possibilité d’ouvrir une pharmacie, en passant par les innombrables règles financières.
Recensement tournant
C’est donc pour donner une photographie la plus précise possible de la population de chaque commune qu’une profonde réforme a été menée en 2004, avec le recensement annuel et « tournant ». Dans les communes de plus de 10 000 habitants, le recensement a désormais lieu tous les ans ; dans les autres, il a lieu tous les 5 ans (chaque année, environ 7 000 communes de moins de 10 000 habitants sont donc recensées). Pour ces deux cas, la méthode diffère : dans les communes de moins de 10 000 habitants, le recensement est exhaustif (chaque foyer est interrogé) ; dans les plus grandes, le recensement est fait sur un échantillon de 8 % des logements tirés au hasard, ce qui permet, assure l’Insee, « une précision suffisante et une qualité maîtrisée ».
Depuis 2015, les habitants peuvent répondre au questionnaire de recensement via internet (71 % des personnes recensées l’ont fait en 2023). Ce qui n’enlève rien au rôle des agents recenseurs, recrutés par les communes, puisque ceux-ci doivent remettre aux habitants leur code d’accès à usage unique.
D’autres évolutions ont eu lieu au fil des années, rappelle l’Insee. Par exemple, en 2004, l’Insee communiquait avec les communes par fax « pour suivre l’avancement des opérations de terrain ». Aujourd’hui, « ce suivi passe par une application informatique partagée entre les communes et l’Insee ».
Réduire les délais
Reste un problème majeur : le délai de production des données, qui reste de trois ans. Les chiffres de la population légale publiés à la fin de l’année 2023, qui servent de base légale pour définir les seuils en 2024, sont ceux de la population collectés en janvier 2021. Ce décalage est dû à la coexistence de deux systèmes de collecte – tous les ans pour les plus grandes communes, tous les 5 ans pour les autres : le choix a été fait « de publier en fin de cycle quinquennal les populations avec comme date de référence le milieu de cycle, dans un souci de qualité (limiter l’écart entre une enquête de recensement et la date de référence de la population) et d’égalité de traitement entre les communes », explique l’Insee.
Cette méthode peut créer des frustrations chez les maires, qui constatent, sur le terrain, une augmentation de la population mais ne la retrouvent pas dans les chiffres de population légale. Un maire qui voit se remplir un lotissement, ou qui constate une nette augmentation du nombre d’enfants scolarisés dans la commune, doit parfois attendre plusieurs années pour voir cette réalité se traduire en chiffres dans les données de l’Insee. Chaque année, indique d’ailleurs l’institut, environ « 200 communes » contestent les chiffres qu’il fournit. Mais même dans ces cas-là, l’Insee ne modifie pas ses chiffres et refuse d’actualiser de façon anticipée : « Pour des raisons d’égalité de traitement, explique l’Institut, la méthode doit être la même pour toutes les communes ».
Depuis plusieurs années, l’AMF se fait l’écho auprès de l’Insee du mécontentement de nombreux maires face aux modalités de calcul des chiffres de populations légales. À sa demande, la possibilité de réaliser une enquête exhaustive en lieu et place des enquêtes par sondage a été examinée en octobre 2017 par la Commission nationale d'évaluation du recensement (CNERP). Il en est résulté que la mise en place d’un tel scénario, outre le coût supplémentaire et le temps de préparation, ne permettrait pas de réduire le décalage des chiffres de populations légales
L’Insee explique sur son blog que, sans revenir « sur les grands principes de la méthode », il travaille sur « les pistes possibles pour réduire le décalage entre la date de référence des populations et leur entrée en vigueur ».
Ce qui n’a rien de simple, dans la mesure où la France, contrairement à d’autres pays européens, « ne dispose pas de registre de la population », et qu’aucune autre base de données nationale (répertoire électoral, données du fisc ou de la Sécurité sociale) ne couvre l’ensemble de la population. Toutefois, l’Insee envisage bien de se servir « plus largement » de ces bases de données pour raccourcir les délais de production. Ce qui aurait également pour avantage « d’alléger la collecte », qui mobilise plus de 30 000 personnes chaque année.
Ces réflexions n’en sont qu’à leur balbutiement, et affiner la méthode demandera « de réaliser de nombreux investissements méthodologiques et techniques », indique l’Insee. Mais le travail est engagé, et l’Insee donne rendez-vous « dans dix ans » pour faire le point sur « le chemin parcouru ».
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Éducation, logement, fonction publique : ce qu'il faut retenir de l'intervention d'Emmanuel Macron
Plus de 3 millions de logements vacants recensés en France, en hausse de 60 % depuis 1990Â
Loups : au Sénat, le ministre de l'Agriculture précise les évolutions à venir
Plainte d'un maire dans la Loire après une nouvelle agression