Maire-info
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Édition du mercredi 3 décembre 2025
Démographie

La Cour des comptes s'inquiète des conséquences de la baisse de la natalité sur les finances publiques

La Cour des comptes a publié hier un rapport sur les conséquences des évolutions démographiques sur les finances publiques. Selon les magistrats, faute de mesures forcément impopulaires, le vieillissement de la population devrait brutalement aggraver le déficit public dans les années à venir.

Par Franck Lemarc

En mai 2025, pour la première fois, il a été constaté que le nombre de décès sur les douze derniers mois a été plus important que le nombre de naissances : la population française, hors immigration, a donc diminué, deux ans plus tôt que les projections l’envisageaient.

Le vieillissement de la population et la diminution de la natalité sont bien documents depuis plusieurs années – même si cette dernière accélère notablement ces dernières années, en particulier parce que le dérèglement climatique et les menaces de guerre dissuadent un nombre croissant de jeunes couples à faire des enfants. Mais c’est sous l’angle spécifique des conséquences de cette situation sur les finances publiques que s’est penchée la Cour des comptes, dans ce rapport rendu public hier

Effets délétères

Les magistrats financiers font ce constat : le seuil de fécondité, aujourd’hui à 1,62 enfant par femme, plaçant la France « sous le seuil de renouvellement des générations ». Par ailleurs l’arrivée à l’âge de la retraite des « baby-boomers »  et l’allongement de l’espérance de vie font grimper de façon mécanique la part des séniors dans la population. Les plus de 65 ans représentent déjà 21,8 % de la population aujourd’hui (contre 16 % en 2005), et elle pourrait grimper à 30 % en 2070 – sur la base des taux de fécondité actuels. 

Cette situation a – et aura – de multiples conséquences économiques, avec un poids accru de la part de non-actifs dans la société. Le premier impact, explique la Cour, se fera sentir sur la croissance : diminution de l’offre de travail, baisse de la productivité du fait du vieillissement de la main-d’œuvre, et baisse de la consommation, parce que les séniors épargnent davantage que les plus jeunes.

Le deuxième impact concerne les finances publiques : une moindre population active implique moins de rentrées de cotisations sociales. Les recettes fiscales seront également touchées : en effet, « les différentes tranches d’âge ne contribuent pas de manière identique aux financements publics »  et contribuent de façon différenciée aux comptes publics. Les plus jeunes financent « principalement la protection sociale », via le paiement des cotisations salariales, tandis que les retraités « contribuent davantage aux recettes de l’État (impôt sur le revenu) et des collectivités territoriales (taxe foncière) ». 

La Cour ne croit pas que l’immigration va constituer un réel « facteur d’ajustement »  face à cette « érosion attendue des finances publiques », car la contribution de l’immigration aux finances publiques est, au mieux, « neutre », du fait d’une « intégration incomplète sur le marché du travail ». 

Par ailleurs, le pays se dirige vers une « déformation de la structure des dépenses publiques », avec une explosion des dépenses liées à la santé et à la dépendance, tandis que – baisse de la natalité oblige – les dépenses d’éducation et de politique familiale devraient décroître.

Mais tous ces facteurs cumulés risquent d’aboutir à un profond « décalage entre recettes et dépenses » : selon les projections de la Cour des comptes, le ratio « normal »  des dépenses publiques pourrait atteindre, en 2070, 60,8 % du PIB, soit ce qu’il était au pire moment de la crise du covid-19. 

Des « leviers »  impopulaires

Seul point encourageant, selon la Cour des comptes : ces évolutions seront relativement lentes, ce qui laisse le temps à une « adaptation ». À condition, selon les magistrats financiers, que les pouvoirs publics prennent conscience du problème, ce qui semble ne pas être le cas aujourd’hui, estime la Cour, qui déplore « une faible appropriation »  de ces enjeux du côté des gouvernements et du législateur. 

Le problème est que les solutions (les « leviers » ) évoquées par la Cour des comptes ne risquent pas de rencontrer la popularité – ce qui peut expliquer pourquoi les gouvernements ne sont pas trop pressés de s’en saisir. Pêle-mêle, les magistrats évoquent, pour « amortir »  les effets du vieillissement et ses conséquences délétères, « la fluidification du marché du travail, l’augmentation du taux d’emploi des personnes âgées, l’amélioration de la productivité, la hausse du temps de travail… ». La Cour évoque même, en filigrane, la possibilité de repousser l’âge de la retraite à 70 ans. Elle juge que la période d’après 60 ans devra, de plus en plus, être reconnue « comme un temps d’activité et de contribution économique ». 

En conclusion, les magistrats financiers pointent un certain nombre de lacunes dans le traitement actuel de ces questions par les pouvoirs publics, qui « ne sont pas organisés pour traiter de façon globale la question démographique »  et « ne disposent pas d’outils d’observation et de mesure à la hauteur des défis ». La Cour juge nécessaire « un investissement accru dans la statistique publique et la prospective ». 

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