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Édition du lundi 10 mars 2025
Déchets

Traitement des déchets : les sénateurs veulent faire payer les producteurs de cartouches de protoxyde d'azote

Devant la multiplication des accidents dus aux cartouches de protoxyde d'azote et aux batteries au lithium dans les installations de traitement des déchets, les sénateurs ont voté un texte visant à limiter ces incidents et les surcoûts importants qu'ils engendrent.

Par A.W.

Les sénateurs ont adopté, la semaine dernière, en première lecture, une proposition de loi visant à apporter des solutions pour lutter contre les incendies dans les centres de tri et de recyclage, liés aux « erreurs de tri  »  des batteries au lithium et des cartouches de protoxyde d’azote. Elle doit désormais passer devant les députés.

Ces dernières années, l'augmentation « vertigineuse »  du nombre d'accidents recensés a, en effet, entraîné une « hausse des coûts de collecte et de traitement par les collectivités », déplore ainsi le sénateur centriste du Doubs, Jean-François Longeot, à l’origine du texte, avec son homologue de Haute-Savoie Cyril Pellevat.

Multiplication des incendies et surcoûts importants

Dans son inventaire 2023, le Bureau d'analyse des risques et pollutions industriels (Barpi) a constaté une « augmentation notable »  du nombre d'événements concernant les batteries au lithium (41 au total) qui a « presque doublé »  par rapport à ceux recensés en 2022, explique ainsi le sénateur, dans l’exposé des motifs de son texte.

Une démultiplication de l’usage des batteries au lithium, ces dernières années, due au développement des « piles boutons ». Ces piles de petite taille sont désormais présentes dans des objets à courte durée de vie, tels que « les cartes papier musicales ou les baskets lumineuses », pointe Jean-François Longeot qui s’interroge sur « la conception même »  de ces produits dont il est « impossible de retirer les batteries »  dans la grande majorité des cas. Pourtant, elles sont hautement inflammables au contact de l’oxygène et de l’eau.

Une situation qui provoque des « conséquences économiques pénalisantes »  qui se chiffrent en millions d’euros pour les centres de tri. « Les exploitants d’installations de traitement de déchets sur le territoire sont donc confrontés, seuls, à la multiplication des incendies qui engendre en retour une hausse exponentielle des primes d’assurance », a rappelé la rapporteure du texte Jocelyne Antoine.

Pour pallier ces situations, le texte prévoit donc que les éco-organismes prennent en charge « la prévention et la sensibilisation aux bonnes pratiques de tri »  permettant de limiter les risques d'incendie liés aux batteries en lithium car « aucune sensibilisation de leur part n'existe pour alerter sur l'importance de collecter les piles et les batteries dans des circuits différenciés ». Ce qui permettrait de contenir les erreurs de tri.

Alors qu’il était initialement prévu de créer un fonds d'indemnisation des installations victimes d'incendies liés aux batteries au lithium (financé par les producteurs ou les éco-organismes agréés afin de prendre en charge la moitié des frais), les sénateurs ont finalement privilégié, lors de l’examen en commission, « une approche préventive »  jugée « plus efficace »  qui doit permettre d’imposer aux éco-organismes de « participer, notamment financièrement, à la prévention des accidents ».

Cartouches : le principe du « pollueur-payeur » 

S'agissant des cartouches de protoxyde d'azote – employé dans la restauration, les services de médecine ou l'industrie, mais aussi « de plus en plus utilisé comme drogue de substitution »  – , le sénateur note la « multiplication »  des cartouches « abandonnées et traitées de manière inadéquate », que ce soit dans l'espace public ou bien dans les installations de gestion de déchets.

« Je suis régulièrement alerté par des élus locaux désemparés qui me disent qu’ils retrouvent des bonbonnes de protoxyde d’azote dans les abris bus, dans la rue, un peu partout. Et que personne ne les collecte… », a ainsi fait valoir Jean-François Longeot, qui pointe les « surcoûts importants »  pour les collectivités.

Leur consommation croissante est à l'origine de dépôts sauvages ou d'erreurs de tri « particulièrement dommageables »  puisqu’elles provoquent « des dégâts considérables, en recrudescence dans les territoires », tels que l’arrêt des installations, l’explosion dans les fours des unités de valorisation énergétique (pour un coût allant jusqu'à 500 000 euros), la mise en danger de la sécurité des personnels ou encore la perturbation de l'approvisionnement en énergie des usagers raccordés au réseau de chaleur.

Évaluant le coût de ramassage d’une cartouche entre 10 et 350 euros, la commission a estimé le préjudice économique annuel lié aux réparations et aux arrêts de production subséquents aux explosions « entre 15 et 20 millions d’euros ».

Pour permettre un meilleur traitement de ces cartouches de gaz de protoxyde d'azote, les sénateurs ont décidé de les transférer de la filière REP qui traite les déchets d’emballages à celle des « déchets diffus spécifiques (REP DDS) », qui traite les déchets dangereux. 

Cette intégration permettrait à la fois d’obliger les producteurs à « verser des éco-contributions compensant le traitement approprié des cartouches de protoxyde de gaz »  et de mener des campagnes de sensibilisation auprès du consommateur afin de prévenir l'abandon de cartouches dans des contenants inappropriés (comme les poubelles de rue).

En commission, les sénateurs ont, toutefois, exclu certaines bouteilles de gaz utilisées pour des usages industriels et médicaux – qui disposent de conditionnements et de circuits de reprises spécifiques –, tout comme les bouteilles de gaz individuelles pour lesquelles un dispositif de consigne existe aujourd’hui.

Le texte applique, enfin, le principe du « pollueur-payeur »  aux bouteilles et aux cartouches de gaz, en prévoyant la prise en charge par le producteur de protoxyde d’azote ou l’éco-organisme dont il fait partie des coûts de ramassage et de traitement des déchets issus des cartouches et bouteilles de gaz abandonnées.
 

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