Neuf pistes pour mieux lutter contre les décharges sauvages
Par A.W.
Pièges photographiques, amendes forfaitaires, partenariats avec les chasseurs, contraintes visant les professionnels du bâtiment… Dans un rapport d’information consacré aux décharges sauvages - et rédigé au nom de la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation du Sénat - , la sénatrice d'Ille-et-Vilaine, Françoise Gatel (Union centriste), propose des pistes de réflexion pour aider les élus locaux à lutter contre ces dépôts illégaux.
Des recommandations d’évolutions réglementaires et législatives, mais aussi des « bonnes pratiques » sont mises en avant, deux ans après que le gouvernement a décidé de ne pas faire évoluer la loi pour permettre aux maires de gérer plus facilement les dépôts sauvages.
La crise sanitaire a aggravé la situation
Alors que « les difficultés inhérentes aux décharges sauvages constituent une part importante de l’action quotidienne des élus locaux », la sénatrice rappelle que les dépôts illégaux de déchets ont « des impacts multiples et directs tant sur la qualité de vie des citoyens (nuisances), que sur l’environnement (pollution) et la santé publique (maladies) ».
Des enjeux d'autant plus importants que « l'inaction des élus en la matière constitue une faute lourde de nature à engager la responsabilité de l'administration », les maires étant tenus d’agir au nom de leurs pouvoirs de police administrative générale, mais aussi dans le cadre de leurs pouvoirs de police spéciale en matière d’environnement.
Sans compter les risques d’agressions auxquels ceux-ci sont exposés. L’exemple du maire de Signes (Var), Jean-Mathieu Michel, décédé en août 2019 après avoir été percuté par la camionnette d’un maçon qui venait de déverser des gravats sur un chemin communal, a été le plus dramatique. Hasard du calendrier, le conducteur a été condamné, vendredi dernier, à trois ans de prison dont un ferme.
Pour autant, ce « fléau » des dépôts illégaux n’est pas en voie de résorption, bien au contraire : « Près d’un maire sur deux » considère qu’il « s’aggrave d’année en année », le phénomène s’étant même accentué « avec la crise du covid-19 », selon un constat fait par le sénateur des Vosges Daniel Gremillet (LR) lors d’une récente question au gouvernement.
A titre d’exemple, ces dépôts ont été multipliés par trois sur le territoire des 39 communes de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin (Aisne), passant de « 46 dépôts sauvages en 2019 […] à 153 en 2020 », selon les données communiquées par l’un des vice-présidents de l’intercommunalité, lors de la table ronde organisée en début d’année et qui a été intégrée au rapport sénatorial.
A l’échelon national, entre 2017 et 2021, le nombre d'infractions de ce type constatées par la gendarmerie a augmenté de 85 %.
Les professionnels du bâtiment mis en cause
En 2019, 90 % des collectivités territoriales assurait être ainsi « confrontées » aux dépôts sauvages de déchets, selon une étude de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), qui a dénombré près de 36 000 décharges à ciel ouvert sur le territoire, engendrant un coût moyen de 59 210 euros par an pour les collectivités (soit 4,7 euros par habitant et par an, le coût étant supérieur à 40 euros par habitant dans certaines régions).
Au total, ce sont près d’un million de tonnes de déchets abandonnés chaque année sur l’ensemble du territoire français qui ont été recensés par l’association « Gestes propres ».
Et le rapport sénatorial de pointer la responsabilité des professionnels du bâtiment : les dépôts sauvages seraient « majoritairement » effectués par ces derniers, selon les conclusions des participants de la table ronde. En cause, le plus « fréquemment », une volonté de la part de ces entreprises de « s’affranchir du coût » des déchetteries… ce qui « ne les empêche pas de facturer à leurs clients » l’élimination des déchets.
Pièges photos et gardes-champêtres
Devant l’enjeu et les préoccupations des élus, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation a ainsi formulé neuf pistes de réflexion en vue d’améliorer la lutte contre les décharges sauvages. Certaines requièrent une modification des textes législatifs ou règlementaires, d’autres relèvent davantage des « bonnes pratiques ».
Concernant les premiers, Françoise Gatel suggère de légiférer pour « clarifier l’usage des pièges photographiques », de créer une « amende forfaitaire délictuelle » afin de permettre une sanction pénale « plus rapide » et de « contraindre les professionnels du bâtiment chargés d’éliminer les déchets de présenter au commanditaire des travaux une preuve de dépôt en déchetterie ».
Pour ce qui est des « bonnes pratiques », qu’elles soient nationales ou locales, la sénatrice préconise d’engager une réflexion quant à l’échelon d’intervention « le plus pertinent » entre la commune et l’intercommunalité (ce dernier étant jugé « efficace » ), de renforcer la coopération entre les maires et le parquet dans la sanction, ou encore d’instaurer « un partenariat » entre les communes et les associations de chasse puisque les décharges sauvages sont « le plus souvent localisées dans des endroits boisés ».
Elle propose également aux élus locaux de « s’appuyer davantage sur les gardes-champêtres », ces agents étant dotés d’attributions importantes en matière de police de l’environnement. Et si de « nombreuses communes rurales ne sont pas en capacité d’avoir des gardes-champêtres à plein temps », le rapport conseille d’explorer « les possibilités de mutualisation intercommunale ».
Rappelons, par ailleurs, que deux guides ont été publiés l’an passé à destination des élus locaux : celui du ministère de Transition écologique relatif à la lutte contre les abandons et dépôts illégaux de déchets et le mémento édité par l’AMF et la gendarmerie nationale consacré à la gestion des atteintes à l'environnement.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Caméras obligatoires dans les décharges à partir du 1er juillet (31/03/2021)
Décharges littorales : l'État investit pour les résorber progressivement (21/02/2022)
La loi sur les lanceurs d'alerte concerne aussi communes et intercommunalités
Des outils pour accompagner les élus dans le suivi du déploiement de la fibre
Un trottoir n'est pas forcément « surélevé », tranche la Cour de cassation