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Édition du jeudi 18 janvier 2024
Déchets

Déchets ménagers : l'Ademe plaide pour la tarification incitative

L'Ademe a publié hier une série d'études sur les solutions à disposition des collectivités en matière de réduction des déchets. Elle plaide en particulier pour une extension de la tarification incitative, dont les avantages, selon l'Ademe, sont largement supérieurs aux inconvénients.

Par Franck Lemarc

C’est une tendance lourde depuis 40 ans : la quantité de déchets produite et, en conséquence, le coût de la collecte et du traitement sont en constante augmentation : entre 2000 et 2024, le coût total de la collecte et du traitement est passé de 8 milliards d’euros à plus de 18 milliards d’euros. Il est donc « essentiel d’infléchir la tendance », explique l’Ademe. Pour ce faire, la loi Agec de 2020 a fixé une trajectoire : - 15 % de déchets produits par habitant en 2030 par rapport à 2010. La directive européenne sur l’économie circulaire a par ailleurs été transposée en droit français par ordonnance, en juillet 2020, avec l’obligation d’augmenter massivement la quantité de déchets « faisant l’objet d’une préparation en vue d’une réutilisation ou d’un recyclage »  ; et de réduire à 10 % des déchets ménagers produits la quantité de déchets admis en installation de stockage, à l’horizon 2035. 

Parmi les évolution les plus récentes, rappelons que depuis le 1er janvier, les collectivités locales sont obligées de mettre à disposition des habitants une solution de tri des bio-déchets. 

L’un de problèmes essentiels qui se pose dans ce domaine, explique l’Ademe, est la coexistence de « deux logiques contradictoires » : « D'un côté, les prestataires de collecte et de traitement qui basent globalement leur activité sur le volume de déchets collectés et traités, et de l'autre, les collectivités qui, depuis de nombreuses années, ont des objectifs de prévention et de réduction des déchets ». 

Ce modèle « doit évoluer », estime l’Ademe, qui juge que la tarification incitative est un outil à privilégier pour y parvenir.

Réduction des volumes et des coûts

La tarification incitative (TI) consiste à faire payer les ménages en fonction de la quantité de déchets produite : les utilisateurs payent une part fixe, forfaitaire, et une part variable, ce qui les incite à réduire la quantité de déchets ultimes et à mieux trier les déchets valorisables (emballages et bio-déchets). Elle peut introduite via la Reom ou via la Teom. En moyenne, selon l’Ademe, l’instauration de la TI « permet de réduire de 30 % les ordures ménagères résiduelles collectées ». 

L’objectif fixé par la loi est de 25 millions de personnes couvertes par la TI d’ici 2025. C’est un objectif particulièrement ambitieux : en 2021, derniers chiffres consolidés pris en compte par l’Ademe, seules 6,6 millions de personnes étaient concernées par la TI (dans 200 collectivités environ). L’évolution est toutefois spectaculaire : en dix ans, le nombre de foyers concernés a été multiplié par 6. 

Les chiffres fournis par l’Ademe montrent une incontestable efficacité de la TI pour réduire la production de déchets : dans les 200 collectivités en TI, les habitants produisent en moyenne 132 kg d’ordures ménagères résiduelles contre 194 kg en moyenne nationale (milieu rural) et 213 kg (milieu mixte à dominante rurale). Logiquement, la collecte d’emballages, papier et verre augmente significativement dans ces collectivités (105 kg par an contre 89 kg en moyenne nationale). 

L’étude permet d’identifier, parmi les collectivités qui ont instauré la TI, les « leviers »  permettant d’obtenir les meilleurs performances : le tarif doit être « suffisamment élevé »  pour jouer son rôle incitatif (plus de « 3 euros par levée » ) ; il doit exister une collecte séparée des bio-déchets ; et la fréquence de la collecte doit être réduite (par exemple une collecte toutes les deux semaines). 

Selon l’Ademe, le système appuyé sur la redevance (Reom) est nettement plus performant que celui appuyé sur la taxe (Teom) : les collectivités en Reom incitative « produisent 31 % de moins d’ordures ménagères résiduelles »  que celles en Teom incitative. 

Financièrement, la TI est également nettement plus intéressante pour les collectivités : le coût médian est 81,8 €/hab/an contre 99,2 €/hab/an dans les collectivités sans tarification incitative. Ce qui s’explique aisément : « Les collectivités en tarification incitative enregistrent un ratio d’ordures ménagères résiduelles significativement inférieur ; elles ont donc une charge de traitement moindre sur ce flux, et peuvent également diminuer leur fréquence de collecte. » 

Dépôts sauvages

Reste que parmi tous ces atouts, la tarification incitative a un inconvénient majeur : elle favorise les dépôts sauvages. Dans la mesure où les usagers payent davantage en fonction de la quantité d’ordures qu’ils déposent, certains contournent le problème en déposant leurs ordures n’importe où, afin que celles-ci ne soient pas comptabilisées. 

L’Ademe ne nie pas ce problème, mais le relativise. Certes, il y a « significativement plus de dépôts sauvages, en nombre et en poids », dans les territoires en TI, et d’autant plus lorsqu’il existe des PAV (points d’apport volontaire) : la présence de ceux-ci « accroît d’un facteur 3 les quantités de dépôts sauvages ». 

Mais, d’une part, l’Ademe précise qu’il ne faut pas généraliser : dans certains territoires, l’existence de « bonnes pratiques »  permet de limiter les dépôts sauvages, ce qui veut dire que « la TI ne systématise pas l’émergence de dépôts sauvages ». Et, d’autre part, il faut ramener la quantité de dépôts sauvages (« environ 1 % des tonnages d’ordures ménagères résiduelles », soit environ 2 kg/hab/an) à la diminution de la production de déchets (80 kg/hab/an). Conclusion : « L’impact environnemental de l’émergence de dépôts sauvages apparaît de fait limité », même si ceux-ci représentent « un coût et une charge de travail supplémentaire pour les collectivités ». 

Autrement dit, il apparaît à l’Ademe que les inconvénients de la TI (dépôts sauvages) sont plus que largement compensés par ses avantages. Dans le monde rural en tout cas, car l'étude n'aborde pas la question – bien plus complexe à mettre en œuvre – de l'habitat en immeuble. Les associations d'élus, lors de la discussion du dernier projet de loi de finances, avaient d'ailleurs déposé un amendement, non retenu, pour mettre en place un système de TI par zone, pour mettre d'abord une mise en place dans les territoires où c'est le plus simple (maisons individuelles et pavillons). 

L’étude de l’Ademe se limite strictement à une approche technique et financière vue du point de vue des collectivités. Elle n’aborde donc pas non plus l’impact social de la TI, dont certaines voix s’élèvent pour dénoncer le caractère injuste : tout comme la tarification incitative sur l’eau, le système est, mécaniquement, plus coûteux pour les familles nombreuses. Stricto sensu, un célibataire en CSP+ payera moins pour la collecte des déchets qu’une famille nombreuse aux revenus précaires. Ce point ne doit pas être oublié dans les réflexions sur la TI, qui doit, idéalement, s’accompagner de mesures d’accompagnement social. 

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