Consigne sur les bouteilles plastique : les associations contraintes de remonter au front
Par Franck Lemarc
C’est un feuilleton qui semble ne jamais devoir s’arrêter. Quatre ans après que le gouvernement a introduit l’idée d’imposer en France la consigne sur les bouteilles plastique, et alors que le gouvernement français, face à l’opposition farouche des associations d’élus, a annoncé en septembre y renoncer, voilà que c’est l’Union européenne qui rallume la mèche.
Les mesures prévues
Le Parlement européen en effet adopté, le 22 novembre, par 426 voix pour et 125 contre, le projet de règlement « relatif aux emballages et aux déchets d’emballages » . L’article 44 de ce texte, comme il est écrit noir sur blanc dans la notice du règlement, « impose un système de consigne pour les bouteilles pour boissons en plastique à usage unique d’une capacité maximale de trois litres », au plus tard le 1er janvier 2029. Seule exemption possible : un État aurait le droit de déroger à cette obligation s’il peut justifier d’un taux de collecte séparée des bouteilles plastique de « plus de 90 % ». Et ce dans la durée : si le taux passe sous les 90 %, les États membres devront appliquer la consigne dans les deux ans qui suivent le constat de cette diminution.
Cet article 44 est en tout point conforme aux attentes des industriels de la boisson, qui militent inlassablement pour une telle disposition. Celle-ci ne présenterait que des avantages pour eux, dans la mesure où elle permettrait une augmentation des prix de vente (en incluant le prix de la consigne et en sachant qu’une bonne partie des consommateurs ne rapportera pas les bouteilles consignées, ce qui représentera un bénéfice net aux industriels) ; et où elle permettrait aux industriels de pouvoir récupérer eux-mêmes les bouteilles vides et de les revendre, en lieu et place des collectivités. Au-delà, cette solution, comme d’ailleurs d’autres inscrites dans ce projet de règlement, vont dans le sens de la pérennisation du modèle de la bouteille plastique à usage unique.
Le fait que ce projet de règlement soit entièrement conforme aux désidératas des multinationales n’est d’ailleurs même pas caché par les défenseurs de ce texte, comme l’a avoué la rapporteure du projet de règlement, la Belge Frédérique Ries, qui a déclaré que ce texte « aligne les ambitions environnementales sur la réalité industrielle ».
« Aberration environnementale »
Dans un communiqué publié hier, six associations d’élus (AMF, Départements de France, France urbaine, l’APVF, Intercommunalités de France et Villes de France) ainsi que l’association Territoires de projet, Amorce et le Cercle national du recyclage, expriment leur rejet de cette disposition, et demandent au gouvernement « de s’y opposer ».
Rappelant que Christophe Béchu a annoncé le 27 septembre dernier que la consigne ne s’appliquerait pas en France sur les bouteilles plastique, les associations appellent le gouvernement à « la cohérence ». Elles rappellent que l’application de cette mesure « conduirait à déstabiliser gravement le service public de gestion des déchets français, se ferait au détriment du pouvoir d’achat des citoyens et encouragerait la consommation et la production des emballages plastiques ». Elle reviendrait en effet à priver les intercommunalités des seuls emballages qui ont une certaine valeur. Comme l’expliquait à Maire info, pendant le congrès des maires, le maire de Joigny Nicolas Soret (revoir l’interview) : « (Les matières) qui ont de la valeur vont échapper aux collectivités pour être rendues directement aux industriels, aux Pepsi, Coca, Danone, Neslé, etc. Ce qui est une ressource pour nous va tranquillement devenir une ressource pour les industriels. » Nicolas Soret rappelait à cette occasion que la vente de cette ressource « est ce qui nous permet d’amoindrir l’impôt. Si on nous retire cette ressource, à la seconde même, l’ensemble des impôts locaux sur les déchets va devoir augmenter. »
Sans compter que de nombreuses collectivités se sont organisées pour moderniser et muscler leurs installations de traitement des déchets précisément pour traiter les bouteilles plastique et, si la mesure passe, se retrouveront avec sur les bras des installations largement surdimensionnées.
Jean-François Vigier, maire de Bures-sur-Yvette, ne disait pas autre chose au moment du congrès (revoir l’interview): « Il faut maintenant de la clarté. Tournons le dos à cette fausse consigne, qui est une aberration environnentale. Laissons les collectivités continuer le service public du tri et du recyclage ! »
Rappelons que les associations ont présenté, en avril 2023, 14 propositions « pour lutter efficacement contre la pollution des emballages plastique » .
Conseil européen
Ce qui n’est pas, visiblement, l’objectif du projet de règlement : les associations notent, dans leur communiqué, les très nombreuses dérogations qui sont prévues en matière d’interdiction de mise en marché (article 22) et d’obligation de réemploi (article 26), « sous l’influence des multinationales de la boisson ». Ces mesures vont donc dans le sens du développement des emballages plastique à usage unique, alors la loi Agec, en France, promeut l’inverse. « Le meilleur déchet n’est pas celui qu’on recycle, rappellent les associations, mais celui qu’on ne produit pas. »
Les associations demandent donc au gouvernement de s’opposer avec force à ces dispositions lors de la prochaine réunion du Conseil de l’Union européenne consacré à l’environnement, le 18 décembre prochain. Rappelons en effet que selon le processus dit de « co-décision », un texte législatif européen doit être adopté par le Parlement et le Conseil. Sans accord entre les deux institutions, un « comité de conciliation » est convoqué – un peu l’équivalent de notre commission mixte paritaire dans le système parlementaire français. Si le Parlement et le Conseil ne parviennent pas à un compromis, le texte est abandonné.
Il sera intéressant de voir quelle énergie les représentants de l’État français mettront à s’opposer à ce projet de règlement au Conseil. Au-delà des positions prises par les associations d'élus, la décision n'est pas sans enjeu pour le gouvernement, puisqu'il s'agit pour lui de savoir s'il accepte de se voir imposer par l'Europe une mesure générale, avec une date butoir, ou s'il garde la main, ce qui pourrait lui permettre par exemple de mettre en place des expérimentations ou des solutions différenciées.
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