Les associations d'élus accueillent diversement le rapport Woerth
Par Franck Lemarc
Le rapport du député de l’Oise Éric Woerth, qui prône « un nouvel acte de confiance et de partage du pouvoir » entre État et collectivités locales (lire Maire info de vendredi) a provoqué de nombreuses réactions du côté des associations d’élus, entre accord sur les constats et, souvent, méfiance sur les solutions proposées.
L’AMF redoute la recentralisation
C’est le cas de l’AMF, qui salue certes « le travail considérable » mené par le député et « sa qualité d’écoute », et reconnaît que certaines propositions vont dans le bon sens, mais estime, au final, que « l’ambition décentralisatrice n’est pas au rendez-vous ». Elle juge, au contraire, que plusieurs préconisations du rapport Woerth vont au contraire dans le sens d’une « recentralisation ». C’est en particulier le cas pour les préconisations du rapport sur les finances locales, avec notamment la proposition de réformer le CFL (Comité des finances locales) et de faire en sorte que ce ne soit plus un élu local qui le préside. Une nouvelle instance ayant pour mission de « contrôler les ressources et les dépenses des collectivités » serait, pour l’AMF, un « puissant instrument de centralisation ».
L’AMF s’oppose également vivement à la proposition d’une réforme constitutionnelle qui permettrait à une collectivité « chef de file » de prendre la tutelle sur une autre – par exemple la région sur les communes. L’AMF, qui rejette toute centralisation nationale, n’est pas plus favorable à une « recentralisation régionale ou départementale ».
Bien d’autres points du rapport éveillent la méfiance de l’AMF, comme « la création d’un véritable délit de carence opposable à une collectivité que le préfet pourrait contraindre à prendre des mesures de gestion qui relèvent de sa seule compétence », ou « la suspicion » qui ressort du rapport sur la gestion des personnels par les collectivités. L’association estime enfin que sur les grands enjeux de la libre administration, les positions du rapporteur sont très proches de celles des grandes administrations de l’État, ce qui « n’est pas nature à rétablir cette confiance que le rapport appelle de ses vœux ».
L’AMF participera au « nouveau cycle d’échanges » que le chef de l’État a annoncé sur la base de ce rapport, mais avec beaucoup de « prudence », espérant que ces échanges porteront « sur des sujets précis », « plutôt que de débattre à l’infini sur les grands principes que l’État quoi qu’il en soit n’aborde que de façon centralisatrice ».
L’AMRF plutôt satisfaite, les intercommunalités vent debout
Du côté des petites villes, l’APVF demande que maintenant, le gouvernement passe « aux actes ». Si elle se félicite de certaines propositions contenues dans le rapport, elle demande que celles-ci ne restent pas « de simples déclarations d’intention ». L’APVF se montre moins réservée que l’AMF sur les propositions du rapporteur en matière de gouvernance des finances locales, mais regrette que celui-ci privilégie « l’autonomie financière au détriment de l’autonomie fiscale » – notion en effet assez absente du rapport.
Villes de France, qui représente les villes moyennes, salue « un rapport de grande qualité » et soutient de nombreuses préconisations, notamment sur le statut de l’élu, mais pointe « des sujets d’inquiétude » sur « la pérennité de certaines recettes fiscales » ou la réforme préconisée de la DGF, appelant à ce que la situation particulière des villes moyennes, qui supportent de lourdes charges de centralité, soit prise en compte : « L’équité entre territoires ne se résume pas à l’égalité des ressources. »
Dans le monde des associations d’élus communaux, c’est l’Association des maires ruraux de France (AMRF) qui se montre la plus positive sur ce rapport, qualifié « d’état des lieux utile à l’animation d’un débat nécessaire et à des arbitrages indispensables pour redonner aux maires des moyens d’agir ». L’AMRF salue le fait que le rapport « rappelle le rôle clé du maire et d’une plus grande subsidiarité », et qu’il « marque à certains égards une rupture de l’approche qui a trop longtemps affaibli le modèle communal ». L’association se félicite également du fait que le rapport Woerth propose de remettre sur les rails la réforme du mode de scrutin dans les communes de moins de 1000 habitants, avec la mise en place d’un scrutin de liste qui permettrait d’atteindre la parité.
Enfin, Intercommunalités de France se montre « particulièrement sceptique » sur ce rapport, et en particulier sur l’une de ses mesures-choc : la fusion de l’ensemble des statuts d’intercommunalité (communautés de communes, d’agglomération, etc.). « En total décalage avec la réalité des politiques publiques conduites dans les territoires et les différences objectives entre communautés de communes, agglomérations, communautés urbaines et métropoles, cette proposition prépare le détricotage des compétences des intercommunalités les plus intégrées », écrit IdF. L’association craint de voir dans ce rapport la promotion de « l’intercommunalité à la carte généralisée »... ce qui semble pourtant ne pas figurer dans celui-ci.
Régions et départements
Régions de France est globalement satisfaite du rapport – ce qui n’a rien de surprenant dans la mesure où celui-ci leur fait plutôt la part belle. L’association estime qu’elle partage « le fil conducteur » du rapport : « Davantage d’autonomie réglementaire, d’autonomie fiscale et une pleine capacité à exercer leurs compétences ». Les régions soutiendront donc le fait de devenir des « chefs de fil opérationnels », et que soit « puissamment renforcé leur pouvoir d’agir en matière de développement économique et de tourisme, de transition écologique ou encore d’enseignement supérieur, de recherche et d’innovation », tout comme « leur rôle prépondérant » en matière de transports, de formation et d’emploi.
En revanche, les régions s’opposent fermement à la proposition de renouer avec le « conseiller territorial » (élu à la fois départemental et régional), qui constituerait « une régression » et amènerait « de la confusion » .
Les départements, eux, sont nettement plus nuancés sur ce rapport, estimant qu’Éric Woerth les a écoutés, « mais d’une oreille », souligne le président de Départements de France, François Sauvadet. Comme l’AMF, l’association déplore un rapport « à deux faces », « l’une décentralisatrice et l’autre recentralisatrice ». Le rapport prône en effet une « reprise en main du social » par l’État, la recentralisation de l’Aide sociale à l’enfance, la perte de la compétence tourisme pour les départements… « C’est l’identité même des départements qui serait touchée au cœur si demain des destinations aussi identifiées que le Var, la Dordogne, la Vendée, l’Alsace ou le Jura se trouvent privées d’opérateurs pour faire leur promotion. »
Enfin, les départements bondissent, logiquement, à l’idée de se voir privés des DMTO (droits de mutation à titre onéreux) au profit des communes – alors que cette taxe représente aujourd’hui l’essentiel de leurs ressources fiscales. « C’est grâce aux frais de notaires que les départements peuvent entretenir les routes, qu’ils ont pu développer la fibre dans les campagnes, et qu’ils financent les collèges en assurant un maillage territorial au plus près des besoins des habitants », rappelle François Sauvadet, qui a demandé un rendez-vous au président de la République pour « échanger » sur ces questions.
Ce dernier n’a pas encore réagi aux propositions du rapport Woerth. Place maintenant à un « nouveau cycle d’échanges », qui devrait déboucher, d’ici la fin de l’année, à un (ou plusieurs) projet(s) de loi.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
La Nouvelle-Calédonie encore très loin du retour à la normale
Réinstallation des réfugiés : l'État donne les règles pour 2024