Maire-info
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Édition du mardi 15 octobre 2024
Culture

Rachida Dati veut réformer le Pass culture, « avec les collectivités territoriales »

Dans une tribune publiée dans Le Monde, la ministre de la Culture, Rachida Dati, exprime son souhait de voir évoluer le Pass culture, dont elle note les « limites » actuelles. Elle dit vouloir associer les collectivités à ces réflexions. 

Par Franck Lemarc

« J’ai la conviction que le Pass culture a le pouvoir de moderniser notre modèle culturel », écrit la ministre de la Culture dans une tribune parue le 11 octobre dans Le Monde. Mais pour cela, il faut réfléchir à des évolutions du dispositif, dont un rapport récent de l’Inspection des affaires culturelles a établi qu’il était loin d’atteindre encore tous ses objectifs. 

Dispositif « plébiscité » 

Pour mémoire, le Pass culture, expérimenté à partir de 2019, a été généralisé entre 2021 et 2022 à tous les jeunes entre 15 et 18 ans. Il est constitué de deux parties, un crédit individuel et un crédit collectif utilisable sous la responsabilité d’un enseignant. La part individuelle s’élève, au total, à 380 euros par jeune (20 euros à 15 ans, 30 à 16 ans et 17 ans, 300 euros à 18 ans), et peut être librement dépensée par les jeunes pour effectuer n’importe quelle dépense culturelle (livres, spectacles, cinéma, festivals, musées, jeux vidéo…). 

Selon le rapport de l’Igac publié en juillet dernier, et consacré à la seule part individuelle, le dispositif rencontre un franc succès : le taux de recours pour la génération la plus récente est de 81 %, avec toutefois des variations considérables entre les territoires : si 98 % des jeunes Parisiens ont recours au Pass culture, ce chiffre tombe à 48 % en Lozère et 39 % en Haute-Corse. 

La majorité des sommes offertes aux jeunes sont dépensées pour l’achat de livres (54 %), suivis par le cinéma (18 %). Cette prédominance du livre peut sembler une bonne nouvelle, mais est à nuancer par le fait qu’il s’agit très majoritairement de bandes dessinées et de mangas. 

Mais ce que notent surtout les rapporteurs de l’Igac, c’est que « la capacité du Pass culture à transformer les pratiques culturelles »  est « incertaine » : il existe un phénomène très marqué de reproduction socio-culturelle, qui fait que la pratique culturelle reste corrélée au milieu social : les enfants issus de milieux très diplômés utilisent le Pass pour aller au musée ou au théâtre, quand ceux des ménages les moins diplômés se tournent davantage vers les bandes dessinées ou la musique enregistrée. 

« Reproduction sociale » 

C’est notamment sur ce point que Rachida Dati souhaite agir : « Force est de constater que la part individuelle reste encore trop souvent un instrument de consommation culturelle et de reproduction sociale. »  La ministre souhaite trouver « un chemin d’équilibre »  entre « ceux qui réclament l’arrêt du Pass culture »  et ceux qui le défendent « sans nuance ni esprit critique ».

Ce « chemin »  suppose de répondre à la question : comment le Pass culture peut-il « amener à la vie culturelle de nombreux jeunes qui pensent que la culture n’est pas faite pour eux » ? On se souvient qu’il y a un an, la Défenseure des droits, Claire Hédon, avait produit à ce sujet un intéressant rapport détaillant les mécanismes des inégalités d’accès des enfants à la culture (lire Maire info du 15 novembre 2023). 

Le Pass culture, selon la ministre, doit donc davantage être tourné vers une « mission démocratique », c’est-à-dire à « corriger les inégalités de destin ». La première brique de la réforme qu’elle souhaite serait donc de rompre avec la logique actuelle consistant à donner la même somme à tout le monde. Elle souhaite, au contraire, « donner davantage aux jeunes de condition modeste ». Et, de surcroît, « leur apporter un accompagnement digne de ce nom ». Au-delà du Pass culture, Rachida Dati souhaite « donner un nouveau souffle à l’éducation artistique et culturelle, en renforçant les enseignements artistiques, en repensant la place de la culture au sein de l’école ».

Par ailleurs, Rachida Dati veut également rompre avec la totale liberté donnée aux jeunes de dépenser les sommes versées : « Je veux qu’au sein du crédit ouvert pour chaque jeune une part soit désormais réservée au spectacle vivant. »  Le rapport de l’Igac pointe en effet que sur l’ensemble des réservations effectuées dans le cadre du Pass culture, le spectacle vivant ne représente que 1 %. 

Les collectivités veulent davantage de visibilité

Pour la ministre, il faut sortir d’une logique où le Pass culture n’est rien d’autre qu’une « cagnotte individuelle ». Elle veut aller beaucoup plus loin : « Pourquoi ne pas rêver aussi d’un Pass culture qui permette de géolocaliser toute l’offre culturelle près de chez soi, d’organiser un covoiturage pour un concert, de partager des recommandations, à la manière d’un réseau social ? ». Rachida Dati promet d’expérimenter « ces nouveaux usages »  à l’échelle d’une région dès l'an prochain.

Cette réforme sera menée, naturellement, avec les acteurs du monde de la culture, mais aussi « avec les collectivités territoriales », affirme la ministre. Celles-ci sont évoquées dans le rapport de l’Igac, qui note que le dispositif est encore trop peu connu « dans les petites communes et les intercommunalités ». Les élus rencontrés par les rapporteurs constatent « une forme de complémentarité avec les dispositifs territoriaux, et conviennent que l'enjeu est désormais de compléter l'offre culturelle et de mieux fidéliser les publics jeunes ». Ils regrettent par ailleurs que « les acteurs publics du secteur du spectacle vivant et des musées ne parviennent pas à tirer pleinement parti du dispositif ». 

Les collectivités rencontrées par les auteurs du rapport souhaitent, eux aussi, une évolution du dispositif : ils demandent notamment de « disposer de davantage de données afin d'optimiser l'articulation de leurs politiques en faveur de la jeunesse avec les offres du Pass culture », mais aussi de « rendre plus visibles certaines offres, notamment celles proposées par les musées et les lieux de lecture publique situés à proximité des QPV ».

La ministre souhaite travailler avec les collectivités sur ces questions, constatant qu’État et collectivités partagent « la même conviction que la culture peut changer des vies ». « L’avenir du Pass culture n’est pas écrit d’avance, conclut la ministre, mais il est notre chance pour contribuer à un nouvel âge d’or de la culture en France ». 

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