Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 30 avril 2024
Cultes

Préparation de l'Aïd el-Kébir : les acteurs locaux invités à anticiper

Une circulaire vient de paraître au Bulletin officiel du ministère de l'Intérieur afin d'anticiper au mieux la forte demande annuelle d'abattage d'ovins et de caprins à l'occasion de la fête musulmane de l'Aïd el-Kébir. Il est demandé aux préfets d'accompagner les acteurs locaux afin de garantir le libre exercice du culte, tout en veillant à l'application des règles sanitaires, de protection animale et de respect de l'environnement.

Par Lucile Bonnin

La fête de l’Aïd el-Kébir (« la grande fête » ) a lieu chaque année à une date variable fixée par les autorités religieuses musulmanes. Cette année la célébration aura lieu entre les 16 et 19 juin – la date précise en sera connue une dizaine de jours avant la date effective, donc au début du mois de juin. 

En France, à cette occasion, environ 100 000 moutons sont abattus sur une période de trois jours. Un défi logistique de taille qui demande une organisation locale rigoureuse. C’est dans cette optique que, comme chaque année, le ministère de l’Intérieur a publié une circulaire « relative aux mesures sanitaires et de protection animale relatives à la fête musulmane de l’Aïd el-Kébir ».

Afin de respecter à la fois le rituel religieux et la réglementation, le ministère demande aux préfets d’ « associer l’ensemble des parties prenantes à la préparation de cet évènement »  au sein de chaque département. Respect des règles de protection animale, de traçabilité des animaux, abattoirs temporaires : la circulaire rappelle les règles à suivre. 

Protection animale et sécurité sanitaire 

Les préfets devront notamment publier des arrêtés « réaffirmant la réglementation nationale »  en matière de détention, d’identification et de notification des mouvements des animaux, et éventuellement créer des « fourrières pour ovins »  temporaires, en cas de constat de la détention illégale d’animaux « par une personne non déclarée ». 

Il est rappelé que pour créer une telle structure, un arrêté préfectoral est nécessaire précisant la période limitée et organisant ses modalités de fonctionnement. « Les ovins dont les propriétaires sont en infraction peuvent alors être conduits à la fourrière sous couvert d’un laissez-passer délivré par les services vétérinaires. Cette fourrière peut de plus être mutualisée avec d’autres départements ».

Il est également demandé aux préfets de « veiller au respect des règles en matière de sécurité sanitaire des aliments et de protection de l’environnement ».

Abattoirs temporaires 

Rappelons d’abord que l’abattage rituel « hors abattoir »  ou « à la ferme »  est interdit. Ainsi, l’abattage rituel ne peut se réaliser que dans un abattoir agréé. Ainsi, « dans les zones où la capacité d’abattage est insuffisante, voire nulle, la recherche d’établissements d’abattage susceptibles de répondre aux demandes devra être systématiquement étendue aux régions mieux pourvues »  afin d’optimiser les flux.

En dernier recours – après une analyse précise des besoins locaux –  il pourra être envisagé d’aménager des « abattoirs temporaires pour ovins agréés pour la durée de la fête de l’Aïd el-Kébir, sur 3 à 4 jours. Les porteurs de projets d’abattoir temporaires seront invités à se rapprocher de la direction départementale chargée de la protection des populations du lieu d’implantation de l’abattoir, afin de prendre connaissance des documents nécessaires à l’agrément de leur outil et au bon déroulement de l’abattage ».

Dans le cadre d’une éventuelle installation d’abattoirs temporaires, le maire va devoir jouer un rôle notamment si ceux-ci sont installés sur un terrain mis à disposition par la commune (parking, stade…). Le ministère de l’Agriculture a édité l’année dernière un guide pratique concernant les modalités d’organisation de cette fête. Il y est rappelé que « le porteur de projet [d’un évènement festif] doit se rapprocher, en amont, de la mairie ou de l’agglomération concernée pour l’organisation de la fête (circulation des voitures, police municipale, pompiers…). » 

Enfin, « en cas de dysfonctionnements graves en matière de protection animale ou d’hygiène des manipulations », les infractions devront être signalées au procureur de la République.

Implication des communes 

Plusieurs retours d’expérience de mairies ont été rapportés dans le guide du ministère de l’Agriculture. Ces derniers montrent la pluralité des situations en fonction des besoins locaux. À Trappes par exemple, la municipalité a acheté en 2007 un abattoir temporaire au nom de la garantie de la santé publique. Autre exemple : la communauté urbaine du Mans a procédé à l’aménagement d’un abattoir temporaire sur un terrain désaffecté. « Ce dispositif a fait l’objet d’un contentieux administratif tranché par le Conseil d’État » , sur la question du principe de laïcité. Le Conseil d'État « s’est prononcé en faveur de la validité de ce dispositif au nom d’un intérêt public local, plus précisément la salubrité et la santé publique. Toutefois, la décision du Conseil d’État souligne la nécessité que l’équipement soit exploité dans des conditions tarifaires qui excluent toute libéralité et, par suite, toute aide à un culte. » 

La commune de Woippy a quant à elle aménagé un site dans un local municipal désaffecté, cofinancé par les communes de Woippy et de Metz. « La commune offre également une aide technique et administrative en accompagnant l’association cultuelle locale dans ses démarches pour les demandes d’agrément auprès des services préfectoraux. Le traitement des déchets est également assuré par les deux communes. Cet effort financier les a conduits à imposer une contrepartie : l’obligation pour l’association cultuelle de recourir aux éleveurs locaux pour la fourniture des animaux. » 

Rappelons que selon l’arrêt du Conseil d’État du 9 juin 2011, une commune ne contrevient pas aux dispositions de la loi de 1905 en aménageant, éventuellement à ses frais, un espace d’abattage temporaire pour l’Aïd el-Kébir (lire Maire info du 9 juin 2023). Par ailleurs, le Conseil d’État a également rappelé en 2015 « qu’une commune ne peut rejeter une demande d’utilisation d’un local habituellement ouvert aux associations au seul motif que cette demande lui est adressée par une association dans le but d’exercer un culte ». 

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