Pénurie d'essence : le gouvernement n'est pas inquiet
Par Franck Lemarc
Dans plusieurs régions, dont les Hauts-de-France, l’Île-de-France et Paca, la situation devient critique. Dans ces trois régions, ce sont jusqu’aux deux tiers des stations qui sont fermées. Et dès qu’une station est approvisionnée, la ruée est telle que les cuves se vident parfois en quelques heures.
La situation commence d’ailleurs à toucher les collectivités elles-mêmes, puisque dans plusieurs départements le transport scolaire est perturbé, et les véhicules communaux ont autant de mal que les autres à trouver du carburant. En Île-de-France, les médecins ont, en urgence, trouvé un accord avec l’Assistance publique hôpitaux de Paris, pour pouvoir accéder aux stocks des hôpitaux, normalement réservés aux Samu. Dans les Hauts-de-France, les préfets ont commencé à utiliser les réserves stratégiques de l’État pour alimenter certaines stations, pour faire face à la pénurie.
« Factuellement, pas de pénurie »
Maire info a déjà expliqué (lire notre édition du 4 octobre) les raisons de cette situation : elle résulte de deux facteurs concomitants, la grève dans les raffineries et le succès rencontré par la « ristourne » octroyée par le groupe Total, qui a poussé de nombreux automobilistes à se ruer dans les stations du groupe. Le groupe Total ne se montre d’ailleurs pas très optimiste, ce matin, estimant qu’il faudra sans doute une dizaine de jours pour que la situation se rétablisse.
Pendant toute la semaine, le gouvernement est resté muet sur cette question qui empoisonne pourtant le quotidien de très nombreux citoyens – dont certains, dans les Hauts-de-France notamment, sont aujourd’hui dans l’incapacité de pouvoir aller travailler.
Invité de BFMTV ce matin, Olivier Véran, le porte-parole du gouvernement, a donné les raisons de ce silence : « En parler, c’est accentuer l’effet panique. » Pour le gouvernement, il n’y a « factuellement pas de pénurie : nous ne manquons pas d’essence, il y a des problèmes d’approvisionnement. » Autrement dit, ce n’est pas un problème de production ni de réserves, mais de logistique. Reste que dans la mesure où un certain nombre de raffineries majeures, notamment en Seine-Maritime et dans les Bouches-du-Rhône, sont totalement à l’arrêt, il est peu probable que cela n’affecte pas les capacités de production des groupes.
Olivier Véran a reconnu des problèmes « ça et là », et estimé que « 15 % des stations ont des difficultés ». C’est possible, à l’échelle nationale, mais la question est la concentration de ces « difficultés » dans certaines régions. Il est clair qu’une partie du territoire ne connaît pas de problème, quand des départements entiers sont, en revanche, dans le rouge.
Et le ministre n’hésite pas à forcer un peu le trait, par exemple en affirmant, ce matin, que « 90 % des stations-services de Paris n’ont aucun problème ». C’est factuellement inexact : il suffit de regarder la carte diffusée par le groupe Total pour constater que sur la quarantaine de stations-services dans Paris intra muros, une quinzaine seulement distribue du diesel et sept du sans-plomb 95. Ce qui est tout de même assez loin des « 90 % ». Ajoutons qu’à Paris, où le groupe Total a aujourd’hui un quasi-monopole, de petites stations indépendantes continuent certes de servir les usagers, mais à des prix stratosphériques (par exemple 2,93 le litre de SP95 !).
Pas d’interdiction générale sur les jerricans pour l’instant
Reste que le porte-parole du gouvernement veut inciter les usagers à « ne pas paniquer », en insistant sur le fait que les difficultés sont « temporaires » et que si les grèves dans les raffineries devaient perdurer, l’État dispose de « trois mois de stocks stratégiques ». « Si la grève s’arrête », on reviendra par ailleurs « à la normale presque du jour au lendemain », a déclaré Olivier Véran. Le ministre a « demandé » aux automobilistes de ne « pas utiliser de jerricans pour faire des réserves », afin de ne pas pénaliser les autres automobilistes, sans que cette demande fasse l’objet d’une interdiction aujourd’hui à l’échelle nationale (« on y viendra peut-être », a toutefois lâché Olivier Véran). Dans les trois départements des Hauts-de-France, en revanche, les préfets ont interdit l’usage des jerricans et des bidons pour faire des réserves.
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