Après l'affaire « Vert marine », que faire lorsqu'un exploitant ferme sans préavis un service public
Alors que la société Vert Marine a annoncé la réouverture d’ici la fin de semaine de la trentaine de piscines qu’elles avaient fermées unilatéralement au début du mois, de telles situations pourraient se répéter dans les mois à venir, du fait de l’inflation galopante et de la flambée des prix de l’énergie. Pour réagir rapidement dans ces cas de figure, plusieurs moyens d’action mis à disposition des communes existent.
Interruption illégale… sauf cas de force majeure
Outre les clauses contractuelles propres à chaque concession, il existe un cadre de droit commun en matière de gestion des services publics.
Le Conseil constitutionnel a ainsi dégagé, dans le cadre d’une décision datant de 1979 concernant « la radio-télévision », le principe de continuité du service public et l’a intégré au bloc de constitutionnalité, avant que le Conseil d’État ne l’érige en principe général du droit l’année suivante.
De ce fait, le fonctionnement ponctuel et régulier du service public doit être assuré, obligeant ainsi quiconque en ayant la charge d’en garantir le bon fonctionnement, ininterrompu, aux usagers. Le titulaire d’un contrat ne peut donc décider librement de suspendre ou fermer un tel service en dehors de toute décision du pouvoir adjudicateur ou de disposition législative ou réglementaire l’autorisant.
Des obligations dont s’est affranchie la société Vert Marine depuis le début d’année, en impactant à la fois les services publics des collectivités, mais aussi l’État, puisque l’exploitant a pour mission de contribuer à la réalisation des programmes de l’Éducation nationale en matière sportive, en l'occurence ici l'apprentissage de la natation.
Une seule exception à cette règle existe : c’est le cas de « force majeure », notion inscrite dans le Code la commande publique. Or pour qu’un événement réponde à cette exception, il doit réunir trois critères cumulatifs et ainsi être à la fois « extérieur aux parties », « imprévisible » et « irrésistible ». La force majeure se distingue donc des conditions d’exploitation normales du contrat et écarte, de ce fait, le risque d’exploitation inhérent à l’exécution des contrats de concession. En d’autres termes, cette situation ne constitue pas un risque devant être supporté par le titulaire.
Toutefois, même dans un cas de force majeure, un véritable dialogue entre les parties au contrat doit avoir lieu, excluant de fait un simple préavis de quelques heures.
Dès lors que le prestataire ne justifie pas le caractère de force majeure de son inexécution, il s’expose à des sanctions. Dans le cas de Vert marine, des difficultés à respecter l’intégralité de ses obligations contractuelles ont été signalées, sans faire état d’une impossibilité d’exécution.
Les sanctions
De quels moyens disposent alors les collectivités dans pareil cas ? Elles peuvent notamment appliquer les pénalités inscrites dans le contrat de concession ou saisir le juge administratif.
Dans un premier temps, les sanctions envisageables sont celles prévues par le contrat. Il s’agit principalement de pénalités dues pour non-exécution de ses obligations par le concessionnaire. Toutefois, l’application de ces pénalités dépend de la présence de telles clauses dans chaque contrat de concession, mais également de leur contenu, chaque contrat étant particulier du fait de la liberté contractuelle.
C’est ce qu’ont, par exemple, fait la commune de Versailles et la communauté urbaine Grand-Paris-Seine-et-Oise en rappelant à Vert Marine, dans des courriers de mise en demeure, les sanctions auxquelles la société s’exposait. Dans le cas de l’EPCI, ses contrats invoquaient « 500 euros par demi-journée d’interruption des secteurs d’activité » et « 3 000 euros par fermeture globale », la ville de Versailles ayant même menacé de reprendre le service en direct au bout d’un mois, et à la charge de l'entreprise.
Les collectivités ont ainsi également la possibilité de recourir au juge administratif afin de contraindre le cocontractant à assurer ses obligations contractuelles et donc la continuité du service public. Afin d’éviter l’engagement de la responsabilité de l’État et des collectivités territoriales, il conviendra de recourir au référé conservatoire prévu par le Code de justice administrative, le juge se prononçant toutefois dans un délai allant de quelques jours à un mois. Reste que, à l’occasion de ce recours, la commune peut demander au juge d’assortir la reprise de l’activité au paiement d’une astreinte en cas de non-respect de la décision.
Enfin, dans le cas de Vert Marine, sa décision a semblé peu pertinente et la faute lui est donc imputable. Ce qui fait perdre le caractère « extérieur » à l’évènement qui viendrait bouleverser l’économie du contrat. Résultat, cette cessation unilatérale d’activité peut fonder la résiliation pour faute au tort du titulaire, mais cela apparaît comme l'ultime recours.
Si la résiliation pour faute est une sanction que peut prévoir l’acheteur public, la gestion du service concerné suppose néanmoins de lourds investissements qui engendreraient de grandes difficultés de réalisation, notamment financière (biens de retour, passation d’un nouveau contrat en urgence, etc.).
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