Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 14 janvier 2022
Crise sanitaire

Éducation nationale : après la grève, le gouvernement lâche du lest, sauf sur les protocoles et les capteurs de CO2

Confronté au succès massif de la grève des personnels de l'Éducation, hier, le gouvernement a reçu hier soir les organisations syndicales et proposé des évolutions sur plusieurs sujets, dont la concertation, les masques FFP2 et les recrutements.

Par Franck Lemarc

Maire-Info
© FSU/Twitter

Les chiffres ont beau, comme toujours, faire le grand écart entre ceux du ministère et ceux des syndicats, ce qui mesure le succès d’une grève est toujours, en dernier lieu, la rapidité avec laquelle le gouvernement lâche du lest. À cette aune, la grève d’hier a été un indéniable succès. 

Hier, dès la fin de la manifestation des personnels de l’Éducation, le ministre de l’Éducation, Jean-Michel Blanquer, a reçu les organisations syndicales pendant plus de trois heures et est sorti de la réunion avec plusieurs annonces concrètes.

Grève très suivie

Selon le ministère, 38,5 % des enseignants des écoles maternelles se sont mis en grève ce jeudi 13 janvier, et 23,7 % des enseignants du second degré. Selon les syndicats (SNUipp-FSU et Snes-FSU), ces chiffres seraient respectivement de 75 % et 62 %. Dans les vies scolaires, le Snes évoque même un taux de grévistes de « 80 % »  chez les AED (assistants d’éducation). 

Près de 80 000 personnes ont manifesté hier dans tout le pays, et l’ampleur des cortèges, y compris dans des villes moyennes, donne une idée de l’exaspération des acteurs de l’éducation, croissante depuis la rentrée de janvier (lire Maire info du 7 janvier). Jean-Michel Blanquer, au sortir de la réunion avec les organisations syndicales, n’a d’ailleurs pas caché que la grève avait connu « une forte mobilisation », dont, a-t-il affirmé, le gouvernement « a compris les tenants et les aboutissants ». 

Améliorer la concertation

Première annonce du ministre : un effort sur la « concertation ». Face aux enseignants et directeurs d’école qui dénoncent, notamment depuis la rentrée de janvier, des décisions prises unilatéralement et en général apprises par la presse la veille au soir – quand ce n’est pas le matin même –, Jean-Michel Blanquer a annoncé qu’il « y aurait désormais une réunion bimensuelle avec les organisations syndicales et le ministère de la Santé », afin de « partager l’information le plus en amont possible ». 

Le ministre n’a pas précisé si les associations d’élus seront conviées à ces « réunions bimensuelles », ce qui paraîtrait indispensable, dans la mesure où les maires, eux aussi, ont à gérer les conséquences des décisions prises concernant le premier degré. David Lisnard, président de l’AMF, rappelait dans l’interview qu’il a accordée à Maire info mardi dernier que les maires ont appris les décisions prises entre Noël et le Jour de l’an « à la télévision ». « Cela fait des mois que nous demandons des réunions de travail plutôt que des réunions d'information », rappelle ce matin à Maire info Delphine Labails, maire de Périgueux et coprésidente de la commission éducation de l'AMF. « Apparemment sur ce point nous ne sommes toujours pas entendus. » 

Masques et recrutements

Le ministre a également annoncé hier un effort en matière de recrutements, pour faire face « aux attentes sur les moyens humains », notamment en matière de remplacements. 3 300 contractuels vont être recrutés ; le gouvernement va avoir recours aux « listes complémentaires », notamment à l’école primaire ; il va recruter des assistants d’éducation (pas de chiffrage) et des « personnels d’appui administratif pour les directeurs d’école », puisque ceux-ci « sont très mobilisés et ont besoin de ce type d’appui ». Les chiffres exacts de recrutement seront annoncés prochainement, a précisé Jean-Michel Blanquer. 

Sur les équipements, le ministre a annoncé la mise à disposition de 5 millions de masques FFP2, en direction en particulier des personnels des écoles maternelles, qui font face à des enfants sans masques, et des AESH. La « généralisation »  de ces masques FFP2 « pour tous, tout le temps », n’est pas « souhaitable », a toutefois estimé le ministre. 

Le ministre a enfin annoncé le report de certaines échéances, notamment les évaluations de « mi-CP »  qui devaient avoir lieu la semaine prochaine. Certaines épreuves de spécialité du bac, qui doivent avoir lieu en mars, pourraient également être décalées dans le temps, mais la décision n’est pas encore prise. 

Mise en cause des élus

Si les syndicats se sont félicités que la mobilisation d’hier ait conduit à des avancées concrètes, ils regrettent, en revanche, que rien n’ait été dit sur la question des protocoles, qui sont, à cette heure, le point le plus clivant, en particulier dans les écoles élémentaires. 

Reste la question les capteurs de CO2, à propos desquels Jean-Michel Blanquer a fait une annonce qui n’en est pas une : l’abondement, « en tant que de besoin », du fonds dédié à l’aide des collectivités pour l’achat de ces capteurs. Cette décision n’a rien à voir avec la grève d’hier, puisqu’elle a été prise à la fin du mois de décembre (lire Maire info du 12 janvier). Mais il a surtout répété, une fois encore, que l'achat de ces capteurs était « de la compétence des collectivités », ce que celles-ci ne cessent de récuser depuis des semaines. Pire, ce matin, sur France info, Jean-Michel Blanquer a même parlé de « règle constitutionnelle »  ! Au sortir d'une réunion en visioconférence ce matin avec plusieurs minsitres, Delplhine Labails déplore ces propos et « le ton »  des ministres, « agressif vis-à-vis des élus ». « Ces capteurs sont un outil de santé publique, ils sont donc de la compétence de l'Etat, rappelle la maire de Périgueux. Il n'est pas acceptable d'entendre les ministres mettre en cause les maires sur ce sujet. Depuis le début de l'épidémie, nous avons toujours été là pour faire le travail, qu'il s'agisse des masques, des centres de vaccination, des protocoles. » 

L'AMF a encore une fois réitiré sa demande de remboursement intégral de ces équipements par l'État, puisqu'il s'agit d'une dépense contrainte. Quant aux déclarations constantes du ministre - ce matin encore -  pour faire remarquer que le fonds de subvention des achats de capteurs n'est pas épuisé, ce qui sous-tend que les élus n'en ont pas vraiment besoin, elles conduisent l'AMF à rappeler que les maires ont été très insuffisamment informés de ce dispositif, et que beaucoup n'ont pas pu y avoir recours... faute d'information.

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2