Projet de loi pass vaccinal : où en est le texte
Par Franck Lemarc
Soir après soir, les déconvenues se succèdent pour la majorité, retardant d’autant l’adoption du projet de loi « renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire », que le gouvernement espérait boucler, à l’Assemblée nationale, avant-hier soir. Lundi, l’opposition a profité d’un nombre insuffisant de députés de la majorité pour voter une interruption de séance à minuit. Hier soir, c’est le tollé provoqué par l’interview du président de la République au Parisien, et ses propos sur sa volonté « d’emmerder » les non-vaccinés, qui a bloqué les débats. En fin de soirée, les députés ont exigé que le Premier ministre lui-même vienne s’expliquer dans l’Hémicycle, ce qu’il n’a finalement pas fait, provoquant une nouvelle interruption des débats.
Les modifications du texte en commission des lois
Le texte présenté par le gouvernement et validé par le Conseil d’État vise essentiellement, on s’en souvient, à transformer le pass sanitaire en pass vaccinal, c’est-à-dire à ne permettre l’accès aux lieux concernés jusqu’ici par le pass qu’aux seules personnes vaccinées. Ce texte a été, la semaine dernière, partiellement amendé en commission des lois.
Premier changement : il a été acté par la commission des lois que les mesures d’encadrement de l’accès aux établissements recevant du public (ERP) seraient « proportionnelles à la capacité d’accueil des établissements concernés ». Les éventuelles jauges seraient donc calculées en pourcentage de la capacité d’accueil, notamment pour les salles et les stades, plutôt qu’en valeur absolue.
Les députés ont par ailleurs adopté une tolérance pour les sorties scolaires : l’accès à un ERP resterait possible sur présentation d’un test négatif s’il se fait dans le cadre d’une sortie scolaire.
La commission des lois a également revu la rédaction de l’article permettant aux exploitants d’ERP de contrôler l’identité des personnes présentant leur pass vaccinal. Cette disposition initialement prévue par le gouvernement faisait débat, dans la mesure où les contrôles d’identité ne relèvent que des seules forces de l’ordre. Plutôt que la formule du gouvernement (« il peut être exigé la présentation d’un document officiel d’identité » ), la commission des lois a écrit : « Il peut être procédé à la vérification de concordance documentaire entre l’identité mentionnée sur le [pass vaccinal] et un document officiel avec photographie ». Il ne s’agit donc pas d’un « contrôle d’identité au sens du Code de procédure pénale », a expliqué le rapporteur du texte, Jean-Pierre Pont, mais « d’une simple vérification de concordance documentaire », comme cela se fait « lors d’un paiement par chèque ou au moment de l’embarquement dans un avion ».
Les députés ont également évoqué, en commission, la question des meetings politiques. Rappelons que ceux-ci ne sont pas concernés par le pass sanitaire ou vaccinal. Mais les députés ont permis que les organisateurs de ces meetings puissent décider que l’accès à ces meetings soit subordonné à la présentation d’un pass sanitaire. Autrement dit : la loi n’exige pas cette restriction d’accès, mais elle reste possible au choix des organisateurs.
La commission des lois a enfin ajouté au texte un certain nombre de prorogations de mesures déjà existantes : la prise en charge intégrale des actes réalisés en téléconsultation serait prolongée jusqu’au 31 juillet 2022, les règles dérogatoires à l’organisation des examens et concours jusqu’au 31 octobre 2022 ; le gouvernement serait autorisé à prendre par ordonnance dans les six mois à venir des mesures « adaptant le droit de la copropriété des immeubles bâtis pour tenir compte de l’impossibilité ou des difficultés de réunion des assemblées générales des copropriétaires ».
Pas de pass vaccinal pour les activités scolaires
Le texte est ensuite arrivé en débat en séance publique lundi. Une fois passés les longs débats sur l’opportunité de ce texte et les motions de rejet présentées par l’opposition, les députés ont adopté quelques amendements supplémentaires – très peu, puisque cinq amendements seulement ont été adoptés en deux jours de débat.
Le plus important à retenir réduit l’usage du pass vaccinal, que le gouvernement voulait initialement rendre obligatoire à partir de 12 ans. Un amendement du groupe socialiste a été adopté pour maintenir le pass sanitaire pour les mineurs de 12 à 15 ans. Le pass vaccinal ne serait donc obligatoire qu’à partir de 16 ans, pour « les activités de loisirs et les activités sportives ». Le gouvernement a tranché la question par un sous-amendement, afin de « simplifier le dispositif » : celui-ci prévoit finalement que le pass sanitaire resterait accepté pour « les sorties scolaires et toutes les activités périscolaires et extrascolaires ». Pour les autres activités soumises à la présentation d’un pass (accès aux bars et restaurants, par exemple), le pass vaccinal resterait obligatoire même pour les mineurs de moins de 16 ans.
Dispositif de « repentir »
Il reste maintenant à examiner la suite du texte, sur lequel le gouvernement a présenté plusieurs amendements qui devraient, en toute logique, être adoptés.
Deux de ces amendements à venir sont particulièrement importants. Le premier prévoit l’instauration d’une amende pouvant aller jusqu’à 1000 euros par salarié (dans la limite de 50 000 euros) en cas de non-respect des exigences du gouvernement en termes de télétravail. Cette mesure, en l’état, n’est toutefois pas trop violente pour les employeurs : il est en effet prévu une possibilité de recours par simple courrier recommandé. Ce recours est suspensif et, si l’administration n’y répond pas sous deux mois, il serait considéré comme accepté.
Par ailleurs, le gouvernement a élaboré un dispositif original de « repentir » vis-à-vis des personnes incriminées pour une infraction liée au pass sanitaire : méconnaissance de l’obligation de présenter un pass, présentation d’un pass appartenant à autrui ou usage d’un faux pass. Si le dispositif est adopté, ces personnes ne se verront appliquer « aucune peine » si, « dans les 30 jours à compter de la commission de l’infraction », elles se font vacciner. Même si l’infraction a conduit la personne devant le tribunal, sur présentation du justificatif vaccinal, « l’action publique sera éteinte et la procédure classée sans suite ».
Les débats dans l’Hémicycle devraient reprendre aujourd’hui, et l’on peut espérer, sauf nouveau coup de théâtre, une adoption du texte aujourd’hui par les députés. Mais ces retards successifs laissent peu de chance à une entrée en vigueur du texte au 15 janvier, comme le souhaite le gouvernement : alors qu’il reste encore au texte à être examiné en commission et en séance publique, il est impossible que la commission mixte paritaire puisse se tenir, comme prévu, vendredi matin. Et une fois le texte adopté, il y a fort à parier qu’il fera l’objet d’un recours devant le Conseil constitutionnel. Il est loin d’être certain que toutes ces étapes puissent tenir en dix jours seulement.
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