Nouvelle loi sanitaire : accord impossible entre députés et sénateurs
Par Franck Lemarc
« Réunie le mardi 2 novembre 2021, la commission mixte paritaire a constaté ne pouvoir parvenir à élaborer un texte commun sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire. » Le compte-rendu des résultats de la commission mixte paritaire (CMP) est aussi bref que l’a été la réunion elle-même : 47 minutes pour constater qu’aucun compromis n’était possible.
Échec annoncé
Cet échec de la CMP n’a surpris personne : il avait même été annoncé, le matin même, par le Premier ministre Jean Castex, devant des députés de la majorité : « Nous ne pourrons pas parvenir à un accord avec le Sénat. » Les positions des deux chambres divergent en effet en profondeur sur le contenu de ce texte.
Rappelons qu’il s’agit de proroger l’arsenal juridique permettant au gouvernement de subordonner l’accès à un certain nombre d’établissements recevant du public à la présentation du pass sanitaire. Dans l’état actuel des textes, le pass sanitaire n’est en vigueur que jusqu’au 15 novembre. La date de fin de l’obligation vaccinale pour les professionnels de santé n’entre pas, en revanche, dans le champ ce texte et ne prendra pas fin le 15 novembre, puisqu’elle n’est pas limitée dans le temps.
Le gouvernement, dès le départ, a annoncé son intention de prolonger la possibilité d’utiliser le pass sanitaire directement jusqu’au 31 juillet 2022. Son raisonnement est le suivant : l’activité du Parlement va être suspendue à la fin du mois de février pour cause de campagne présidentielle, et il ne sera pas envisageable de débattre du sujet pendant cette période. Il souhaite donc enjamber les élections et permettre une utilisation du pass sanitaire jusqu’à l’été prochain, c’est-à-dire après le renouvellement de l’Assemblée nationale, qui aura lieu en juin.
Côté Sénat, c’est un non résolu : la version votée au Palais du Luxembourg limite la prorogation du dispositif au 28 février. À l’Assemblée nationale comme au Sénat, plusieurs parlementaires de l’opposition ont rappelé qu’il n’y avait rien d’impossible à réunir le Parlement, en cas de besoin, au-delà du mois de février, le mandat de l’Assemblée nationale ne prenant fin qu’au mois de juin. Plusieurs sénateurs, ces derniers jours, se sont également inquiétés de voir ces mesures directement prolongées au-delà de l’élection présidentielle alors que « personne ne sait qui sera président de la République à l’été prochain » (Philippe Bas) et que l’on peut se demander ce que serait « un pass sanitaire entre les mains d’un Zemmour ou d’une Le Pen » (Nathalie Goulet).
Territorialisation
Deuxième point d’achoppement majeur entre majorité et opposition : la territorialisation du pass sanitaire. Rappelons que même la commission des lois de l’Assemblée nationale, pourtant dominée par La République en marche, avait voté pour cette « territorialisation » (lire Maire info du 19 octobre) : le texte issu de la commission des lois, en première lecture à l’Assemblée nationale, proposait de ne pouvoir rétablir le pass sanitaire que lorsqu’un département connaît un taux d’incidence « supérieur ou égal à 50 cas pour 100 000 habitants sur une durée continue d’au moins sept jours » .
Sous la pression du gouvernement, qui tient à ce que le pass sanitaire reste une mesure nationale, cette disposition a été supprimée en séance publique. Mais les sénateurs, la semaine dernière, sont revenus à la charge, avec une « territorialisation » bien plus large encore : ils ont adopté un amendement disposant que le pass sanitaire ne pourrait pas être rétabli dans les départements ayant dépassé un taux de vaccination de 80 % – ce qui serait revenu, de fait, à l’interdire dans tous les départements métropolitains. Les sénateurs avaient toutefois prévu de permettre l’application du pass sanitaire pour l’accès aux Ehpad ou aux établissements de santé.
Et maintenant ?
Comme le prévoit la Constitution, en cas d’échec de la commission mixte paritaire, la « navette » reprend, en commençant par l’Assemblée nationale. Le texte qui sera examiné par l’Assemblée en nouvelle lecture est celui du Sénat et, quoi qu’il arrive par la suite, ce seront les députés qui auront le dernier mot. Si l’issue de cette ultime lecture ne fait guère de doute (il n’y aura pas de territorialisation et l’échéance sera maintenue au 31 juillet), il reste à savoir si la majorité et le gouvernement conserveront, ou non, certaines avancées décidées par le Sénat. L’une d’entre elles est particulièrement importante et sera surveillée de près par les élus : c’est la question de l’obligation vaccinale pour les personnels des crèches. On se rappelle en effet qu’après plusieurs mois d’incertitude, le Conseil d’État a finalement décidé que l’obligation vaccinale s’appliquait non seulement aux professionnels de santé travaillant dans les crèches mais également à tout le reste du personnel travaillant « à leurs côtés » (lire Maire info du 28 octobre). Aussitôt, le Sénat a adopté un amendement au projet de loi sanitaire excluant le personnel administratif des crèches de cette obligation.
Il est à noter sur ce sujet que la Direction générale de la cohésion sociale a invité, dans un mail daté de lundi, les têtes de réseau de la petite enfance à attendre la fin du débat parlementaire qui « permettra de fixer définitivement la portée exacte que le législateur entend donner aux dispositions qu'il a votées cet été. Une circulaire sera diffusée dès que cette interprétation sera connue pour en informer l'ensemble des établissements et professionnels concernés. Dans cette attente, il n'y a pas lieu de remettre en cause l'approche que traduit la circulaire du 13 août, qui peut continuer à être privilégiée à titre conservatoire. »
La disposition votée par le Sénat restera-t-elle dans le texte final ? On le saura rapidement, puisque le texte revient dès cet après-midi en nouvelle lecture à l’Assemblée nationale – il y a urgence, la nouvelle loi devant être promulguée avant le 15 novembre.
Rappelons enfin que ce texte – ce que quasiment personne n’a contesté ni à l’Assemblée ni au Sénat – permettra de revenir aux règles dérogatoires en vigueur pendant les 18 derniers mois en matière de réunion des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2
Contrats d'engagement jeune : les missions locales ne seront plus seules à bord
Inégalités salariales femmes-hommes : la fonction publique territoriale moins mauvaise élève
Les contrats aidés : le bilan du dispositif pour l'année 2020