Covid-19 : l'Insee recense 116 000 morts, surtout âgés, et relève son impact psychologique et social sur la jeunesse
Par Emmanuel Guillemain d'Echon
Entre le début de l’épidémie et le 12 septembre 2021, « 116 000 personnes sont décédées a l’hôpital ou en établissements sociaux et médico-sociaux suite a une infection au covid », sur un total de 460 000 hospitalisations, recense l’Insee dans son « portrait social » de la France, publié hier et consacré essentiellement aux effets sanitaires et socio-économiques de la crise du covid-19 en 2020 et sur la première moitié de 2021.
Les deux premières vagues ont été plus intenses et concentrées dans le temps, avec des pics à 20 000 hospitalisations la semaine du 23 mars 2020, et 16 000 la deuxième du 2 novembre ; mais elles n’ont fait « que » 20 000 et 25 000 morts, tandis que la troisième, où l’augmentation du nombre de malades hospitalisés a été plus échelonnée dans le temps, a tué 40 000 personnes en France au printemps 2021.
La hausse de la mortalité a été exceptionnellement élevée en 2020 : 668 900 décès toutes causes confondues, soit 55 700 de plus qu’en 2019 (+ 9,1 %). « Avec deux vagues épidémiques au printemps et a l’automne, la mortalité a largement dépassé la hausse due aux épisodes grippaux et caniculaires sévères des années précédentes », constate l’Insee. La surmortalité reste forte en 2021 avec 7,3 % de morts en plus par rapport à 2019.
De fortes inégalités devant la maladie
Sans surprise, la mortalité touche principalement les personnes entre 75 et 79 ans (+ 8,1 % pour les femmes et + 10,9 % pour les hommes). Mais quand on creuse un peu, on trouve des chiffres étonnants : ainsi, on avait beaucoup plus de risques de mourir en 2020… si on était né à l’étranger, et notamment en Afrique. C’est le cas y compris pour les personnes jeunes (moins de 55 ans), mais c’est encore plus marqué au-delà : le risque de mourir a augmenté en 2020 de plus de 40 % pour les femmes de 55 à 64 ans nées en Afrique hors Maghreb, « alors qu’il est stable pour les femmes du même âge nées en France », et de 30 % en 65 et 84 ans - soit cinq fois plus que pour celles nées en France. C’est encore plus marqué pour les hommes de la même origine : + 60 % de risque de mourir pour la tranche de 65 à 74 ans.
L’Insee n’avance pas d’explication sans équivoque sur les raisons de cette inégalité profonde devant la crise sanitaire, mais reprend une étude avançant qu’elle repose essentiellement sur les conditions socio-économiques et d’habitat. « Par exemple, les personnes nées en Afrique, dont la surmortalité est particulièrement élevée, résident plus souvent dans les régions les plus affectées par le covid-19, notamment l’Ile-de-France et plus particulièrement en Seine-Saint-Denis. »
De manière générale, on constate une baisse de la natalité et de l’espérance de vie à la naissance bien plus forte dans les régions les plus touchées en 2020. Au niveau national, l’espérance de vie baisse de six mois pour les femmes et sept pour les hommes, mais en Île-de-France, de 1,8 an pour les hommes et 1,4 an pour les femmes. Le Grand Est est également fortement touché, mais c’est Mayotte qui connaît les effets les plus délétères, en raison d’une épidémie de dengue couplée à celle du covid : - 2,6 ans pour les femmes et - 2,7 ans pour les hommes.
Quant à la natalité, elle n’a pas encore retrouvé ses niveaux d’avant la pandémie : la reprise des naissances au printemps 2021 ne compense pas leur baisse pendant l’hiver, « sauf dans quelques rares départements ». Elle a été « nettement plus forte dans les communes urbaines que dans les communes rurales (- 10 % contre - 6 %) », et, là encore, plus importante dans les communes dont la population est plus pauvre : « Entre l’hiver 2020-2021 et les trois précédents, la baisse du nombre de naissances atteint 14 % dans les communes comptant 25 % ou plus de personnes vivant sous le seuil de pauvreté contre 4 % dans les communes ou cette proportion est de moins de 5 % », constate l’Insee.
Santé mentale, emploi : les jeunes particulièrement touchés
Ce n’était pas une vue de l’esprit : la jeunesse, moins touchée par la maladie, a payé le plus lourd tribut mental et économique de la crise. Ainsi en mai 2020, a l’issue du premier confinement, 13,5 % des personnes de 15 ans ou plus (hors Ehpad et prisons) présentaient un syndrome dépressif, contre 10,9 % en 2019. Mais chez les 15 à 24 ans, cette part a doublé en un an pour passer à 22 % ! Et si en novembre 2020, la dépression avait retrouvé ses niveaux de 2019 dans la population moyenne, elle restait très forte chez les jeunes. En revanche, note l’Insee, le nombre de gestes suicidaires a nettement baissé en 2020, notamment lors du premier confinement.
Cet impact sur la santé mentale des jeunes est aussi dû à une forte incertitude liée à leur entrée dans le monde du travail ; ils ont été les plus touchés par le fort repli des contrats à courte durée et de l’intérim (baisse de 31,9 % des contrats d’intérim inférieurs à 3 mois, - 18 % pour ceux de plus de 3 mois et - 12 % pour les CDD). Idem chez les étudiants : en avril 2021, 9 940 bénéficiaient encore de l’aide spécifique ponctuelle, destinée à ceux qui sont le plus en difficulté, contre 6 400 en 2019, et 13 200 au plus fort de la crise, en avril 2020. Résultat, la confiance dans l’avenir baisse chez les 18 à 29 ans (de 68 à 51 %), alors qu’elle est stable (de 53 à 51 %) dans la génération supérieure des actifs.
En moyenne toutefois, le pouvoir d’achat s’est maintenu en 2020, notamment grâce aux divers dispositifs d’aides publiques (chômage partiel, fonds de solidarité pour les indépendants, aides exceptionnelles pour les ménages les plus démunis). Le taux d’épargne a même fortement augmenté, même si là encore, cette embellie ne concerne essentiellement que les 20 % de ménages les plus aisés.
Le portrait social se conclut par un autre éclairage sur les plus privilégiés en France : les foyers qui cumulent la propriété de plusieurs logements. Ainsi, on apprend qu’un quart des ménages détiennent les deux-tiers des logements possédés par des particuliers, mais aussi que 3,5 % des ménages détiennent plus de cinq logements, c’est-à-dire la moitié des logements en location possédés par des particuliers ! Cette petite frange privilégiée de la population, « qui reflète une logique d’accumulation patrimoniale », possède ainsi 37 % des logements situés dans le centre des grandes villes.
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