Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 24 décembre 2021
Crise sanitaire

Ce que l'on sait du projet de loi sur le pass vaccinal

Une première version du projet de loi instituant le pass vaccinal à la place du pass sanitaire a été transmise par le gouvernement, hier, au Conseil d'État. On commence donc à connaître le contour des mesures qui pourraient être appliquées dès la mi-janvier pour faire face à la recrudescence de l'épidémie. 

Par Franck Lemarc

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[Article du jeudi 23 décembre 2021]

vec 84 272 cas positifs enregistrés hier, l’épidémie a connu un nouveau record, et il se confirme que le « plateau »  des contaminations espéré la semaine dernière n’est déjà plus qu’un souvenir. Le porte-parole du gouvernement a d’ailleurs déclaré hier que les experts s’attendent à ce que le nombre de contaminations quotidiennes dépasse les 100 000 avant la fin de l’année – un chiffre qui n’a jamais été atteint en France depuis le début de l’épidémie. 

C’est pour faire face à cette dégradation et pour tenter d’éviter de nouvelles mesures de confinement ou de couvre-feu que le gouvernement, en extrême urgence, va faire adopter dès le début de l’année 2022 une loi modifiant les conditions d’utilisation du pass sanitaire.

Le projet de loi sera présenté lundi prochain et son examen en commission des lois de l’Assemblée nationale débutera avant même la fin de l’année. Le texte est déjà rédigé, et il a été transmis au Conseil d’État dans une version que Maire info a pu consulter. Même si l’on ignore ce que le Conseil d’État retiendra ou non de ce texte, il permet d’en connaître plus sur les intentions précises du gouvernement, et il est intéressant de voir ce qui y figure… et ce qui n’y figure pas – en sachant, répétons-le, qu’il ne s’agit que d’un avant-projet de loi, et que la version présentée en Conseil des ministres lundi prochain sera peut-être un peu différente.

Le dispositif

Le texte, intitulé « projet de loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire », modifiera la loi du 31 mai 2020 « relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire ». 

Jusqu’à présent, l’accès à un certain nombre d’établissements recevant du public (activités de loisirs, restaurants et bars, foires, séminaires et salons, établissements de santé et transports de longue distance) est soumise à la présentation d’un pass sanitaire, c’est-à-dire ou bien d’un justificatif de vaccination complète, ou bien d’un test négatif, ou bien d’un certificat de rétablissement. Le projet de loi prévoit de supprimer les deux dernières possibilités, c’est-à-dire de ne permettre l’accès à ces lieux et activités que sur présentation d’un certificat de vaccination. C’est cela que le gouvernement a appelé le « pass vaccinal ». 

Le texte prévoit également que les presque 2 millions de salariés qui travaillent dans ces lieux (qu’il s’agisse de cinémas, salles de spectacle, bibliothèques, bars et restaurants, transports de longue distance…) seront également soumis aux mêmes règles : ils ne pourront plus travailler sans présenter un certificat de vaccination, sous peine de « suspension de leur contrat de travail ». 

En revanche, le pass sanitaire « à l’ancienne »  devrait rester de mise pour l’accès aux « services et établissements de santé, sociaux et médico-sociaux », où il sera donc toujours possible de rentrer sur présentation d’un test négatif, que l’on soit visiteur ou patient « pour des soins programmés ». 

Qu’est-ce qu’un schéma vaccinal « complet » ?

Contrairement à ce que l’on pouvait attendre, le texte ne mentionne pas l’obligation pour les personnes de 18 à 64 ans de se faire injecter une dose de rappel pour que leur schéma vaccinal soit réputé complet. Cela fait pourtant plusieurs semaines que le gouvernement a annoncé que cette obligation entrerait en vigueur le 15 janvier. Or elle ne figure, à ce jour, dans aucun texte : le décret « prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire »  ne mentionne toujours, à ce jour, cette obligation pour les personnes de plus de 65 ans. 

Il sera important, au regard des mesures à venir, que le gouvernement se montre précis sur cette notion de « schéma vaccinal complet », d’autant plus avec la survenue du variant Omicron. Jusqu’à présent, la troisième dose (rappel) n’était nécessaire que plusieurs mois après les deux premières, parce que la protection offerte par le vaccin diminue avec le temps. En toute logique, on peut donc penser que le « pass vaccinal »  ne demandera pas trois doses mais seulement deux. Sauf s’il se confirme que pour se protéger d’Omicron, deux doses ne suffisent pas, même pendant les premiers mois. Ce point demandera des éclaircissements rapides.

Les exceptions prévues

Dès que le Premier ministre a annoncé ce dispositif, la semaine dernière, s’est posée la question de savoir ce qu’il allait advenir des personnes qui commenceront à se vacciner à partir de maintenant : ces personnes vont-elles se voir privées d’accès à toutes ces activités pendant plusieurs semaines (s’il faut deux doses) voire plusieurs mois (s’il en faut trois) ? Le texte n’est pas extrêmement clair, mais il semble que c’est bien le choix du gouvernement. Une dérogation est en effet prévue dans le texte, qui prévoit qu’un « justificatif d’engagement dans un schéma vaccinal »  (autrement dit, de l’injection d’une première dose) puisse « valoir au justificatif de statut vaccinal ». Mais uniquement pour « les personnes qui interviennent dans les lieux, établissements, services ou événements concernés ». Ce verbe « intervenir »  laisse penser que cette souplesse ne concernera que les salariés, agents, bénévoles, etc., qui travaillent dans ces lieux, mais pas au public qui souhaitera s’y rendre. 

Si telle est bien l’intention du gouvernement, cela signifiera concrètement que l’accès aux bars, restaurants, établissements de loisirs ou TGV sera purement et simplement interdit, pendant au moins plusieurs semaines, aux personnes qui commenceraient leur schéma vaccinal en janvier. 

Pas de pass sanitaire au travail 

L’analyse de l’avant-projet de loi confirme que le gouvernement a renoncé à imposer un pass sanitaire pour tous les salariés, comme il en avait l’intention. Cette mesure n’est pas dans le texte. Le gouvernement a en effet annoncé qu’il n’avait pas réussi à parvenir à un « consensus »  avec les organisations syndicales et patronales sur ce sujet. On sait que le Medef, en particulier, était plutôt hostile à cette mesure, qui aurait risqué de gravement handicaper le fonctionnement de nombreuses entreprises. 

Reviendra-t-elle, par voie d’amendement, dans le débat ? On le saura dans les deux prochaines semaines. 

Les contrôles

Enfin, le texte présenté par le gouvernement implique de très importants changements en terme de contrôle des pass. D’abord, parce qu’il autorise les forces de l’ordre à « accéder, pendant les horaires d’ouverture, au public, aux lieux, établissements ou événements concernés afin de contrôler la détention par les personnes [du pass vaccinal] ». Concrètement, cela signifie que des policiers pourraient entrer dans un restaurant, par exemple, pour contrôler que chaque convive possède bien un pass. 

Le texte contient enfin une mesure qui, c’est certain, va susciter de considérables débats, y compris sur sa constitutionnalité.  Il s’agit de la possibilité de contrôler l’identité des personnes au moment du contrôle du pass sanitaire ou vaccinal. Jusqu’à présent, la loi disposait qu’un tel contrôle n’est possible que lorsqu’il est fait « par des agents des forces de l’ordre ». Le nouveau texte présenté par le gouvernement supprime cette mention aux « forces de l’ordre »  – qui sont normalement les seules habilitées à pouvoir contrôler l’identité d’une personne – et dispose simplement : « Il peut être exigé, en cas de doute sur ces documents, la présentation d’un document officiel d’identité. »  Cela signifie-t-il qu’un serveur de café, un agent communal à l’entrée d’une bibliothèque, un vigile privé, pourraient désormais demander un contrôle d’identité à une personne, pour vérifier qu’elle est bien conforme à celle qui figure sur le pass ? Une telle mesure représenterait une dérogation assez exorbitante au droit commun, et il sera, dans un premier temps, intéressant de lire ce que le Conseil d’État va en penser. La réponse devrait arriver dans les tout prochains jours, voire les prochaines heures. 

Signalons enfin que le projet de texte contient une prorogation de l'état d'urgence sanitaire en Martinique jusqu'au 31 mars, et une déclaration de cet état d'urgence sanitaire La Réunion à partir de la publication de la future loi et jusqu'à la même date. 

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