Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du vendredi 16 septembre 2022
Crise énergétique

Quel impact de l'inflation sur les budgets locaux des territoires urbains ?

Si les territoires urbains ont bien surmonté l'année 2021, l'inflation et la crise énergétique risquent de peser très sérieusement, dès cette année, sur leurs finances. Pour maintenir leurs investissements, les élus des grandes collectivités réclament la mise en place d'un bouclier tarifaire pour celles qui sont « les plus impactées ».

Par A.W.

« Si l’année 2021 s’est terminée avec une situation financière meilleure que celle de 2020 pour les territoires urbains, la sensibilité aux prix de leurs dépenses, notamment énergétiques, conduit à se questionner sur l’ampleur de l’impact qu’aura l’inflation sur les comptes 2022 et les suivants… »  et par conséquent sur leur ambition d’investissement. Une des préoccupations brûlantes du moment, sur laquelle se sont arrêtées La Banque postale et France urbaine, à l’occasion de la présentation du « Portrait financier »  2021 des territoires urbains. 

A l’entame d’une année 2022 marquée par une inflation galopante, les finances des agglomérations de plus de 150 000 habitants (où réside près de la moitié de la population française) ont connu une année 2021 qui a enregistré une « progression significative »  de leur épargne brute (+ 15 %, après - 13,3 % en 2020), et de leur épargne nette (+ 23,2 %, après - 18,7 %), qui ont « retrouvé leurs niveaux de 2019 sur l'ensemble des territoires ». Une reprise qui a fait rebondir les investissements, en hausse de 5,6 %, sans toutefois compenser la baisse de l’année précédente (- 13,5 %).

Des marges de manoeuvre réduites en 2022

Une situation qui devrait évoluer en 2022 au regard de la crise énergétique qui a déjà commencé à impacter les budgets locaux des territoires urbains.

La flambée des prix de l’énergie et de l’alimentation, ainsi que la revalorisation du point d’indice, devraient, sans surprise, se faire fortement ressentir, selon une évaluation réalisée par La Banque postale. « Même si à peu près un quart des communes [des territoires urbains] pourraient finalement encaisser les effets de l’inflation par rapport à leur épargne brute structurelle, ce n’est pas le cas de la majorité des communes, ni même de tous les EPCI », explique Luc Alain Vervisch, directeur des études de La Banque postale.

Sur les 2 875 communes étudiée, 88 d'entre elles (et 24 EPCI) verraient même leur épargne brute « devenir négative »  dès cette année, « l’impact absorbant la totalité »  de leurs marges de manœuvre. De plus, 140 communes et 25 EPCI verraient leur capacité d’autofinancement réduite d’au moins 50 % tandis que 840 autres communes (et 183 EPCI) seraient impactées à hauteur de 20 à 50 %. Au final, ce sont environ 1 700 communes et près de 1 000 EPCI qui pourraient avoir une capacité d’autofinancement réduite de moins de 20 %.

Et bien que cela reste « un exercice totalement théorique », étant donné que l’inflation sur les dépenses énergétiques et alimentaires est encore inconnue, ces données sont tout de même « une illustration significative »  puisque « des réactions »  seront « nécessaires ». Certaines ayant « déjà été enregistrées »  comme des « stratégies fiscales de précaution », souligne Luc Alain Vervisch.

Reste que, pour l’heure, peu de territoires urbains ont relevé leurs taux sur le foncier bâti. Presque neuf communes sur dix n’y ont pas touché en 2022, et seules 1 % d’entre elles (soit 15 sur un échantillon 1015 communes) l’ont revu à la hausse de plus de 20 % (mais autant l’ont en revanche diminué). Du côté des EPCI, le phénomène est un peu plus marqué, avec notamment 13 % d’entre eux qui ont augmenté leur taux de plus de 20 %.

« Au regard de ces éléments et de toutes les autres dépenses qui sont frappées par l’inflation, on peut avoir de vraies préoccupations, notamment parce qu’un certain nombre d’augmentation des coûts ne se répercuteront vraisemblablement qu’en 2023. C’est le cas, par exemple, des effets, dans la relation avec les délégataires, de la prise en charge sur les dépenses énergétiques […] Et on pourrait dire la même chose des départements et des régions qui vont payer les dépenses énergétiques des collèges et des lycées sur les dotations 2023 ». 

« Il y a des effets de décalage dans la prise en compte de ses réalités », prévient le directeur des études de La Banque postale, dont l’étude sur les territoires urbains précise que « l’indice des prix à l’énergie a augmenté de 16 % par rapport à 2017 alors que les dépenses d’énergie [des grandes collectivités] affichent + 5,2 % ».

Bouclier tarifaire

Dans ce cadre, France urbaine s’inquiète du fait que, « pour les nombreuses collectivités dont le budget 2023 est impacté par un timing d’achat défavorable, la situation est alarmante ». Pour plusieurs grandes collectivités, « la hausse approche les 100 euros par habitant, c’est-à-dire plus que l’incidence de la crise sanitaire sur leur niveau d’épargne en 2020 ».

L’association réclame ainsi la mise en place, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, d’un dispositif « s’apparentant à un bouclier tarifaire dédié aux collectivités les plus impactées ». « Le fait qu’une collectivité puisse financièrement absorber le choc de l’inflation ne doit pas cacher que tout ajustement se fasse au détriment des investissements prévus, en premier lieu de ceux concourant à l’atténuation et à l’adaptation au changement climatique », indique-t-elle dans un communiqué.

Reste que, pour l’heure, « on n’a pas aujourd’hui le sentiment qu’il y ait un arrêt généralisé et brutal des stratégies d’investissement. Ce qui ne veut pas dire que localement il n’y ait pas de telles situations », souligne Luc Alain Vervisch. Il y aurait ainsi « une tendance », pour l’avenir, à conserver un volume d’investissement important, les élus jugeant impossible de sacrifier les investissements concernant la transition énergétique.

« Pas question de remettre en cause nos investissements », a confirmé le maire de Reims et co-président de la commission des finances de France urbaine, Arnaud Robinet. « Par contre, nous revoyons nos plans pluriannuels d’investissement, nous effectuons des lissages, des choix, mais sans remettre en cause la masse globale des investissements », indique-t-il, voyant comme une priorité « la modernisation de nos bâtiments et de nos équipements, en termes de rénovation énergétique et d’isolation ».
 

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