La Banque Postale pointe une hausse des coûts pour les collectivités jamais vue « depuis 15 ans »
Par Franck Lemarc
Cette note d’une trentaine de pages n’est naturellement pas consacrée qu’à l’inflation, mais livre un tableau complet des grandes tendances des finances locales pour chaque strate de collectivités. Maire info reviendra, dans une prochaine édition, sur les résultats globaux de cette étude, mais on peut, dès aujourd’hui, s’arrêter sur les chiffres inquiétants concernant l’impact de l’inflation sur les finances locales.
Dépenses à caractère général en hausse de 11 %
Il faudra attendre, comme chaque année, le congrès des maires, fin novembre, pour connaître les chiffres du « panier du maire » élaboré par La Banque Postale et l’AMF, et qui permet de connaître l’inflation réelle pour les collectivités locales – différente de celle qui touche les ménages. Mais déjà, les premières estimations de la Banque Postale montrent une hausse des coûts « inconnue depuis 15 ans », comme l’explique ce matin à Maire info Luc Alain Vervisch, directeur des études à la Banque Postale. L’inflation, qui devrait s’établir autour de 5,1 % cette année au niveau national, risque en effet d’être encore plus élevée pour les collectivités, du fait de la spécificité de certaines de leurs dépenses.
Selon les estimations de La Banque Postale, les dépenses de fonctionnement des collectivités devraient croître en 2022 de 4,9 %, soit « le plus fort taux d’évolution depuis 15 ans », époque des grands transferts de compétences de l’acte II de la décentralisation. Outre l’augmentation mécanique des dépenses de personnel, du fait des décisions prises par l’État de revaloriser le point d’indice et les carrières des catégories B et C, ce qui devrait faire augmenter la masse salariale de quelque 4,1 %, c’est bien l’inflation qui est le principal moteur de cette hausse des dépenses.
Les dépenses à caractère général des collectivités, comprenant notamment l’énergie et le carburant, devraient augmenter de plus de 11 %, soit près du double de l’inflation.
« Ce sont bien l’énergie et le carburant qui tirent vers le haut les dépenses des collectivités, et dans des proportions considérables », observe Luc Alain Vervisch. La Banque Postale rappelle que l’indice des prix à l’énergie défini par l’Insee enregistre entre juillet 2021 et juillet 2022 « une hausse de 26,5 % ». « Les dépenses d’énergie des collectivités devraient suivre cette tendance », avec néanmoins de fortes différences d’une collectivité à l’autre, en fonction des contrats qu’elles ont conclus avec les fournisseurs.
Les communes en première ligne
Les communes sont, parmi toutes les collectivités, celles qui sont le plus durement touchées. Ce sont en effet « celles qui délivrent le plus de services publics en direct et gèrent le plus d’équipements de proximité ». Les dépenses d’énergie représentent plus de 4 % des dépenses de fonctionnement des communes, contre environ 0,5 % pour les départements et 0,2 % pour les régions. Quand les régions dépensent environ 2 euros par habitant et par an pour l’énergie, les communes en dépensent 44.
Et ce n’est qu’une moyenne puisque, on le sait, la charge est très différente selon la taille des communes : celles qui comptent entre 3 500 et 30 000 habitants, rappelle La Banque Postale, sont « les plus exposées » du fait qu’elles assument les charges de centralité, c’est-à-dire les services publics qui irriguent les communes environnantes.
Les communes prennent donc de plein fouet, plus encore que les autres niveaux de collectivités, la hausse des prix de l’énergie. Et, quoi qu’en dise le gouvernement, cette hausse des dépenses n’est pas totalement compensée par une hausse des recettes. Si l’augmentation des bases des valeurs locatives permet bien une hausse des recettes (la TFPB devrait augmenter de presque 6 %), celle-ci « atténue plus qu’elle ne compense » la hausse des prix, juge Luc Alain Vervisch.
Mais sur la question des recettes, les communes se voient là encore désavantagées par rapport à d’autres niveaux de collectivités. En effet, les récentes réformes de la fiscalité locale ont remplacé des impôts directs fixés par les collectivités en fraction de TVA, dont bénéficient essentiellement les départements, les régions et les EPCI. Du fait de la hausse des prix, les recettes de la TVA vont fortement augmenter cette année (autour de 9 % selon les premières estimations). Cette augmentation va profiter aux collectivités qui perçoivent des fractions de TVA… les communes en profiteront donc très peu.
Baisse de l’épargne brute
La hausse des dépenses va donc être supérieure, en 2022, à celle des recettes, juge La Banque Postale, ce qui va se traduire par une diminution de l’épargne brute et donc des capacités d’autofinancement pour tous les niveaux de collectivités hormis les régions. La Banque Postale estime que l’épargne brute des collectivités territoriales pourrait diminuer de 4,4 % en 2022, avec, pour les raisons exposées plus haut, un effet bien plus fort dans les communes, où la diminution de l’épargne brute pourrait atteindre 11,3 %.
La Banque Postale estime que « le fonds de roulement accumulé en 2021 » pourrait permettre aux collectivités « d’absorber » cette diminution de l’épargne brute et, donc, de « surnager face à la vague de l’inflation ». À condition toutefois, ajoutent avec prudence les auteurs de la note, que cette « vague » ne se transforme pas « en tsunami ».
Dans ce contexte particulièrement tendu, on attend toujours de savoir quelles sont les intentions réelles du gouvernement en matière de participation des collectivités à la réduction de la dépense publique. Il y a eu, depuis cet été, tellement de déclarations contradictoires que personne ne sait plus où on en est – même si la petite musique d’un « effort sur les dépenses de fonctionnement » continue d’être jouée. Pour Luc Alain Vervisch, vu la situation d’inflation massive, « demander aux collectivités une trajectoire d’effort n’aurait pas de sens », et le directeur des études de La Banque Postale ose espérer qu’il n’y ait « pas de prescription de ce type à court terme ». On ne voit pas, en effet, comment les collectivités pourraient assumer une diminution des dépenses, ou même une limitation de la hausse de celle-ci, dans un contexte où leurs dépenses contraintes augmentent mécaniquement.
Face à cette situation, l’AMF continue d’estimer que la seule réponse supportable pour les finances locales serait une indexation de la DGF sur l’inflation. Sans réponse favorable de l’exécutif, pour le moment.
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