Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 18 novembre 2022
Crise énergétique

Filet de sécurité : Bercy publie de premiers chiffres sur les acomptes versés aux collectivités

Le gouvernement a publié les premiers chiffres des acomptes versés à quelque 2000 collectivités au titre du « filet de sécurité » inflation. Environ 40 millions d'euros ont déjà été versés. 

Par Franck Lemarc

« Ce ‘’filet de sécurité’’ vient en aide aux communes et intercommunalités en difficulté du fait de l’envolée de leurs coûts d’énergie et d’alimentation. Parce que certaines collectivités en grande difficulté ne peuvent attendre, j’ai mis en place un système d’acompte qui leur permet de bénéficier d’un premier versement entre 30 et 50% de l’aide totale à laquelle elles auront droit. »  C’est ainsi que Gabriel Attal, le ministre délégué chargé des Comptes publics, commente dans un communiqué les chiffres livrés hier par Bercy. 

Le filet de sécurité

Rappelons le principe de ce filet de sécurité, voté en loi de finances rectificatives cet été (article 14), sur le même principe que celui qui avait été mis en place pendant la crise du covid-19. 

Une dotation de 430 millions d’euros, initialement, a été instituée pour venir en aide aux collectivités satisfaisant à deux critères cumulatifs : une épargne brute au 31 décembre 2021 représentant moins de 22 % de leurs dépenses de fonctionnement ; et une diminution de l’épargne brute en 2022 de plus de 25 % du fait de la hausse du point d’indice et de celle des prix de l’énergie et des produits alimentaires. 

À ces conditions déjà restrictives s’ajoutent d’autres : seules sont éligibles les communes dont le potentiel financier par habitant « est inférieur au double du potentiel financier moyen par habitant de l'ensemble des communes appartenant au même groupe démographique ». Idem pour les EPCI, mais sur le critère du potentiel fiscal. 

Lorsque communes et EPCI satisfont à tous ces critères, ils ont droit au remboursement par l’État de 50 % de la hausse des dépenses induite par l’augmentation du point d’indice, et 70 % de celles induites par l’inflation sur l’énergie et les produits alimentaires. 

Enfin, la loi prévoyait en effet que les communes et groupements qui « anticiperaient »  une diminution de leur épargne brute de plus de 25 % pour 2022 pourraient demander, dès ces automne, un « acompte ». Sinon la dotation, précise le décret d’application, sera versée… en octobre 2023, soit après approbation des comptes définitifs de l’exercice 2022.

« Trop tard » 

Ce dispositif avait été étrillé par le Comité des finances locales (CFL) début octobre (lire Maire info du 6 octobre), qui l’avait qualifié de « trop peu, trop tard, trop compliqué ». 

« Trop peu », parce que les 430 millions sont très loin des surcoûts supportés par les collectivités : la seule hausse du point d’indice, en année pleine, coûtera 2,3 milliards d’euros aux collectivités.

« Trop tard », parce que c’est maintenant que les collectivités doivent faire face à la hausse des dépenses, et pas dans un an. 

« Trop compliqué », enfin, dans sa conception même, et risquant par là-même de « décourager des élus dans les petites communes », commentait en octobre le président du CFL, André Laignel. 

Le ministre Christophe Béchu lui-même, interrogé la semaine dernière par la commission des lois du Sénat, a reconnu que le seuil de 25 % de baisse de l’épargne brute était « une porte d’entrée trop étroite », allant même jusqu’à estimer qu’elle le serait même « à 20 % »  (lire Maire info de mardi). Pas sûr, cela dit, que ses collègues de Bercy soient d’accord avec lui. 

Sans compter, avait jugé le CFL en octobre dernier, que ce dispositif est une sanction à « la bonne gestion », puisqu’il prive du soutien de l’État les communes qui ont dégagé le plus de capacité d’autofinancement.

Nombre incertain

Dernière interrogation, et non des moindres : le nombre de collectivités qui auront, au final, droit à cette aide. Plein d’enthousiasme, le gouvernement, au moment de la mise en place du dispositif, parlait de « 22 000 communes »  – chiffre d’ailleurs repris la semaine dernière par Christophe Béchu. Caroline Cayeux, ministre chargée des Collectivités territoriales, avait ensuite parlé de « la moitié des communes », soit environ 18 000… alors que plusieurs connaisseurs du dossier estimaient que l’on serait plutôt autour de 8 000 à 9 000. Finalement, dans le communiqué publié hier, le gouvernement parle de « 11 000 collectivités identifiées comme bénéficiaires », soit la moitié de son chiffre initial. Sans donner la répartition entre communes et EPCI. 

Au Sénat, la semaine dernière, plusieurs parlementaires ont fustigé le nombre extrêmement restreint de communes ayant été reconnues éligibles (13 sur 323 dans la Loire, 21 sur 500 dans le Bas-Rhin). Ces chiffres correspondent à ceux livrés hier par Bercy, mais il faut les nuancer : il ne s’agit pas des communes « éligibles », mais de celles qui ont demandé et obtenu un acompte. 

Disparités extrêmes d’un département à l’autre

Une analyse rapide des chiffres donnés hier par Bercy, sur les 2123 communes et EPCI ayant eu droit à un acompte, montre des disparités extrêmement importantes – et difficilement compréhensibles – d’un département à l’autre, allant de 1 à 100. 

En Ille-et-Vilaine, seule une commune a obtenu un acompte (celle de Saint-Senoux). En Mayenne ou en Vendée, elles sont trois. À l’inverse, 125 communes de l’Eure y ont droit, 122 en Seine-Maritime, 115 dans l’Oise et 102 en Gironde. Comment expliquer ces énormes disparités ?

Quant aux montants des acomptes, ils sont également très variables, mais cela s’explique, cette fois, par des critères objectifs. Le montant minimal est de 1000 euros (c’était le plancher prévu par le décret). 617 communes ou EPCI touchent moins de 2000 euros d’acompte. À l’autre extrémité, certaines grandes villes ou métropole vont toucher plus d’un million d’euros d’acompte (Nancy, Sarcelles et Nice). La plus forte somme sera touchée par la métropole Nice-Côte-d’Azur, avec 3,86 millions d’euros. 

Reste que ces collectivités n’ont plus qu’à espérer que leurs « anticipations »  ont été justes. Sinon, comme le prévoit le décret, elles seront  contraintes de rembourser à l’État le trop-perçu, après la clôture de leurs comptes d’exercice. 

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