Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 25 mars 2024
Logement

Crise du logement : le gouvernement compte reclasser 800 communes en zone tendue

Profitable à 3,5 millions de Français, cette mesure doit contribuer à « booster l'offre de logements », selon le ministre du Logement qui a rappelé sa volonté de créer un « choc de l'offre », de produire plus de logements intermédiaires et de simplifier les procédures.

Par A.W.

« Un reclassement au titre du zonage ABC de plus de 800 communes. »  C’est ce qu’ont proposé, vendredi, les ministres du Logement et de l’Économie, Guillaume Kasbarian et Bruno Le Maire, lors de leur déplacement au Pays basque, un territoire particulièrement touché par la crise du logement et les effets d’éviction liés aux meublés de tourisme. De quoi réellement « répondre à la crise du logement », comme s'en félicitent les deux ministres dans leur communiqué commun ?

L’activation de ce « levier »  doit, en  tout cas, « booster l’offre de logements »  en permettant notamment aux habitants des communes ciblées d’accéder au Prêt à taux zéro (PTZ) dans le neuf, mais aussi de « développer »  du logement locatif intermédiaire (LLI).

La liste des communes connue en juin

Des outils qui seront ouverts après une concertation avec les élus locaux. « D’ici la fin du mois de mai, les préfets de région et de département [les] consulteront afin de faire évoluer la liste de manière à refléter la réalité des territoires, en parallèle des réflexions en cours autour de la décentralisation », précise l’exécutif, qui prévoit de dévoiler la liste finale des communes qui seront reclassées « au cours du mois de juin ».

Rappelant que les élus demandent « à ce que la définition de ces zonages soit décentralisée entre leurs mains », l'AMF dit, toutefois, « s’étonner d’un zonage qui change tous les 6 mois », après qu'une première évolution de ce zonage dit « ABC »  a été réalisée, en octobre dernier, pour plus de 200 communes. « Les 800 communes qui vont rentrer [en zone tendue] n’avaient-elles pas de tension sur leur marché immobilier il y a six mois ? », s'interroge-t-elle.

Preuve que la liste n’est pas encore constituée, les deux ministres hésitent encore, dans leur communication, sur le chiffrage définitif qui oscille entre « près »  et « plus »  de 800 communes à reclasser.

« En cas d’évolution, les 3,5 millions de Français habitant ces communes pourront bénéficier soit de dispositifs nouveaux pour accéder à un logement, soit d’améliorations de dispositifs existants », expliquent-ils. 

Reste que deux dispositifs seront « particulièrement concernés »  par ces évolutions : le prêt à taux zéro dans le neuf, qui ne concerne, depuis le début de l’année 2024, que les territoires considérés comme tendus (classés en zone B1, A ou A bis), et le logement locatif intermédiaire, dont les loyers sont 10 à 15 % en-dessous des prix de marché grâce à des aides publiques, et qui ne peut être produit qu’en zone tendue. 

« Avec le reclassement proposé, plus de 600 communes pourront intégrer la zone tendue, et 1,8 million de Français pourront ainsi avoir accès au prêt à taux zéro pour un logement neuf, ou à des logements locatifs intermédiaires. Dans 200 autres communes, le niveau de tension sera augmenté, ce qui permettra un meilleur équilibre financier des projets », ont détaillé les deux ministres.

75 000 logements intermédiaires d’ici 2027

La modification du zonage réalisée en octobre dernier aurait déjà « permis la sortie de terre de nombreux logements, notamment grâce aux achats de logements intermédiaires opérés par CDC Habitat et le groupe Action Logement », assurent-ils.

Ce mois-ci, « les assureurs se sont engagés à investir plus de 400 millions d’euros dans le logement locatif intermédiaire », a expliqué Guillaume Kasbarian dans un entretien à La Tribune Dimanche, ce week-end, alors que 75 000 de ces logements destinés aux « classes moyennes »  doivent être créés d’ici 2027, dans le cadre du pacte qui a été signé la semaine dernière avec plusieurs acteurs publics, privés et institutionnels tels que la Caisse des dépôts, Action Logement ou encore l'Union sociale pour l'habitat.

Face aux craintes des bailleurs et des élus que cela se fasse au détriment des logements sociaux et des populations les plus fragiles, le ministre du Logement a assuré que l’intégration « du LLI dans une opération de logement social se fait toujours au service de la mixité sociale ». « Quand je répète que je veux de l’offre, de l’offre et de l’offre, je dis que je veux plus d’offres sociales, plus d’offres intermédiaires et plus d’offres libres, je n’oppose rien », s’est-il justifié, alors que le secteur du bâtiment réclame plutôt une relance de la demande.

APL, fiscalité locative, mesures de simplification…

Guillaume Kasbarian en a profité pour démentir la « fausse information »  affirmant que le gouvernement souhaiterait supprimer les aides personnalisées au logement (APL). « Le gouvernement n’a jamais engagé de réflexion sur un tel projet […] ni de les supprimer, ni de les raboter ni de les refondre », a-t-il confirmé vendredi à France Bleu Pays basque, après un premier démenti du ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave.

Il a également apporté son « soutien sans ambiguïté »  à la proposition de loi transpartisane portée par les députés Annaig Le Meur (Re) et Iñaki Echaniz (PS) qui doit permettre « plus d’égalité et de justice »  dans le secteur en alignant, notamment, la fiscalité des meublés de tourisme sur celle des locations de longues durées.

« Le gouvernement va la faire prospérer au Sénat dans les semaines qui viennent », a-t-il assuré, en indiquant « qu’il y a une fenêtre de tir au mois de mai ». 

On peut, toutefois, rappeler que l’exécutif s’oppose à la suppression de la niche fiscale « Airbnb » dès 2023 puisqu’il a rendu inactive une mesure d’ores et déjà inscrite par les sénateurs dans la loi de finances pour 2024… Ces derniers ont, en effet, fait baisser l’abattement fiscal sur les locations de meublés touristiques à 30 % (au lieu de 71 %) dans les zones tendues - alors que le gouvernement ne voulait, lui, pas descendre sous les 50 % - , mais Bercy a autorisé, via une simple note, les contribuables à ne pas tenir compte de la loi. Une décision qui a déjà été attaquée devant le Conseil d'Etat.

D’ailleurs, Guillaume Kasbarian a bien laissé entendre à France Bleu qu’il ne prévoyait pas que cette disposition ne s’applique avant l’an prochain, dans le cadre de la proposition de loi transpartisane : « En 2024, nous aurons une modification législative sur la question fiscale, mais aussi sur la rénovation de ces logements [mis en location touristique] et sur les outils de décentralisation et de régulation des élus locaux pour qu'ils puissent vraiment agir sur le terrain ».

Il a, par ailleurs, confirmé les « mesures de simplification »  annoncées récemment et visant à accélérer la construction. « Dans le cadre du projet de loi logement en cours de rédaction, nous réfléchissons à intégrer des outils permettant aux élus de mieux maîtriser leur foncier », tels que ceux dévoilés, il y a quelques jours, lors du Marché internationale des professionnels de l’immobilier (Mipim) et qui auront « dans les semaines et les mois à venir […] une traduction législative et réglementaire » : « Il s’agit de réduire les délais de recours, d’améliorer le traitement de ces derniers ou encore de densifier de manière douce. D’autres suivront ».

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