Crise de l'énergie : l'urgence de trouver des solutions spécifiques pour les piscines
Par Franck Lemarc
« L’affaire » Vert Marine, qui a éclaté la semaine dernière (lire Maire info du 6 septembre), n’a été que le révélateur d’une crise que les élus voient venir depuis plusieurs mois. David Lazarus, maire de Chambly (Oise) et co-président du groupe de travail Sports de l’AMF, n’a pas attendu cette crise pour alerter le gouvernement : « Dès le mois de juin, explique-t-il à Maire info, j’ai rencontré le conseiller sports de la Première ministre pour lui dire qu’on allait être confronté à un problème dans les piscines ». Mais les élus ne pensaient pas que la tempête allait arriver si vite – et si fort –, estimant que les difficultés risquaient de se produire cet hiver.
Sauf que c’est dès la fin août que les prix de l’électricité ont atteint des niveaux inouïs, à plus de 1000 euros le MWh. « Personne ne pouvait imaginer que la hausse serait aussi spectaculaire, reconnaît David Lazarus. Aujourd’hui, tous les calculs convergent : le coût de l’énergie, qui représentait 20 % du budget de fonctionnement des piscines, est passé à 100 % ».
Le maire de Chambly rappelle quelques chiffres, qu’il faut bien avoir en tête pour comprendre le problème : « La gestion d’une piscine publique se fait toujours à perte : alors que l’on fait payer 5 ou 6 euros l’entrée, le coût moyen pour la collectivité est, en moyenne, de 55 euros par utilisateur. La collectivité subventionne donc chaque entrée à hauteur d’une cinquantaine d’euros. Avec l’explosion des prix de l’énergie, il va falloir rajouter 20, 30 euros, peut-être plus. Ce n’est pas tenable. »
« On meurt de ne pas savoir nager »
Au-delà des demandes récentes de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, qui fixe un objectif d’une baisse de 10 % des consommations énergétiques des collectivités sur deux ans, la question des piscines se pose donc de façon cruciale. D’autant qu’à la problématique du coût de l’énergie s’ajoute celle de la sécheresse : « Dans les départements les plus touchés par la sécheresse, les arrêtés préfectoraux interdisent le remplissage des piscines. Autrement dit, une piscine qui doit être vidangée ne peut pas être remplie », explique David Lazarus. Résultat : à Brest, par exemple, trois piscines municipales sont déjà fermées pour cette raison, faute de pouvoir être remplies.
« On va donc être confronté à un nombre de plus en plus important de piscines qui vont fermer » – et pas seulement de piscines, puisque d’autres équipements sportifs sont touchés par les mêmes problématiques. « Sauf que les piscines, c’est un sujet à part, martèle le maire de Chambly. Parce qu’on meurt de ne pas savoir nager. Il est donc indispensable de traiter la question des piscines autrement que les autres équipements. Personne ne meurt de ne pas savoir faire du patin à glace… ».
Bouclier tarifaire
David Lazarus souhaite donc, si le groupe de travail Sports de l’AMF, qui se réunit jeudi prochain, lui en donne quitus, demander au gouvernement un accompagnement spécifique pour les piscines, au regard de l’urgence : « Le covid-19 a produit une génération sacrifiée sur l’apprentissage de la natation. On ne peut pas se permettre une troisième année de fermetures. » David Lazarus souhaite donc demander au gouvernement « un accompagnement dédié, pour les régies comme pour les délégataires », sous une forme simple : un plafonnement du prix de l’électricité ou du gaz qu’ils payent. Une sorte de bouclier tarifaire donc, applicable aux gestionnaires de piscines publiques.
Un deuxième sujet essentiel est celui des vidanges. En 2016, déjà, le gouvernement avait accepté d’assouplir les normes pour permettre une seule vidange par an au lieu de deux. « Aujourd’hui, souligne David Lazarus, les techniques utilisées permettent de ne plus vidanger du tout sans altérer la qualité de l’eau. » Le maire souhaite donc porter la revendication auprès du ministère des Sports d’autoriser les gestionnaires à ne plus vidanger. « C’est cohérent du point de vue de la préservation de la ressource en eau, et cohérent du point de vue de la sobriété énergétique, parce que remplir une piscine consomme énormément d’énergie ». Sans compter que les piscines qui ferment, dans les départements touchés par la sécheresse, faute de pouvoir être remplies, voient leurs équipements – notamment les systèmes de pompes – se détériorer.
Extrême urgence
Pour le maire de Chambly, ces mesures devraient être prises « de toute urgence », c’est-à-dire avant la loi de finances pour 2023, « parce que c’est maintenant que le problème se pose, pas dans six mois ». Lors de ses échanges avec la ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, il l’a trouvée « très pragmatique, extrêmement à l’écoute et à la recherche de solutions ». Reste à savoir si Bercy le sera autant.
Mais il y a urgence. L’affaire Vert Marine – qui a été « extrêmement mal vécue par les maires concernés », relève David Lazarus – est un révélateur de la crise, qui ne doit pas faire oublier que les régies sont dans une situation encore plus difficile que les délégataires après deux ans de covid-19 : quand tous les équipements ont dû fermer, les régies ont continué à payer elles-mêmes leurs agents, en ne faisant plus aucune recette, alors que les délégataires ont pu bénéficier du chômage partiel. « Et quand les piscines ont commencé à rouvrir fin 2020, mais uniquement pour accueillir les scolaires dans le cadre du ‘’savoir nager’’, cela nous a coûté une fortune », rappelle David Lazarus, puisqu’il a fallu faire les mêmes dépenses de fonctionnement que dans une période normale, mais sans les recettes.
« Puisque l’État est très volontaire sur la démarche ‘’savoir nager’’, il faut qu’il aille jusqu’au bout, conclut le maire, et qu’il nous accorde un bouclier tarifaire. Sinon, aucune régie municipale ne pourra se permettre longtemps un déficit de 100 euros par utilisateur. »
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