Sébastien Pla, maire de Duilhac-sous-Peyrepertuse : « Si ça continue, en août je serai en défaut de paiement »
« Aucune collectivité n’est en panne actuellement », et l’État aide systématiquement celles qui sont le plus en difficulté, affirmaient hier, lors d’une audition, les ministres chargés des collectivités territoriales, Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu (lire article ci-dessus). Mais est-ce vraiment le cas ? Combien de communes passent « en-dessous des radars » ? C’est la question que s’est posée Sébastien Pla, maire de Duilhac-sous-Peyrepertuse, dans l’Aude, à la lecture des déclarations rassurantes du gouvernement depuis quelques semaines. Pourtant, sa commune est dans une situation « critique ».
Situation atypique
C’est en lisant les articles de Maire info sur les annonces gouvernementales, les 11 et 12 mai derniers, que Sébastien Pla a eu envie de pousser « un cri d’alarme », et particulièrement en lisant une citation de Sébastien Lecornu selon lequel « seule une dizaine de communes connaît vraiment des problèmes de trésorerie » (Bercy, de son côté parle d’une quarantaine). Et les ministres, tout comme Jean-René Cazeneuve, député du Gers chargé par le Premier ministre d’une mission sur l’impact de la crise sur les finances locales, insistent, depuis plusieurs semaines, pour dire que les seules communes vraiment impactées sont les communes touristiques et les communes ultra-marines. Ce sont donc elles qui devraient, les premières, bénéficier des aides de l’État – sous forme d’avances de dotation par exemple ou de versement anticipé du FCTVA.
Mais Duilhac-sous-Peyrepertuse n’est pas une commune classée station de tourisme et encore moins une commune d’outre-mer. Elle est située dans l’Aude, à mi-chemin entre Carcassonne et Perpignan. Sa particularité ? Être propriétaire d’un magnifique monument, le château dit « cathare » de Peyrepertuse, perché sur un éperon rocheux et dominant toute la région. Ce site attire quelque 150 000 visiteurs par an… et a, naturellement, dû fermer dès le début du confinement.
La situation de la commune est « atypique », reconnaît le maire, car celle-ci n’a que 150 habitants, et donc des recettes fiscales très faibles. En revanche, les revenus issus du château (billetterie et recettes de la boutique, notamment) représentent l’essentiel des revenus de la commune. « D’une certaine manière, explique Sébastien Pla, la commune ressemble à une entreprise. Si l’on regarde le poids des recettes fiscales, cela ne représente pas grand-chose : environ 50 000 euros sur un budget de 900 000 euros. 70 % des recettes proviennent du château. »
La commune n’est pas classée station de tourisme, en particulier du fait que la communauté de communes ne possède pas d’office du tourisme classé en première catégorie. Elle ne bénéficie donc pas des sur-dotations que peuvent toucher les stations classées. Et la distorsion entre la taille de la commune et les revenus importants qu’elle tire du site touristique aggrave la situation : « Le problème est simple, explique Sébastien Pla. Plus la commune est petite et plus le monument est important, plus l’effet ciseaux est grand. »
Situation critique
Depuis le début de la crise, la commune a perdu « 85 % » de ses revenus habituels. Et même si le site vient de rouvrir – avec l’autorisation du préfet, l’Aude étant classée en « vert » –,Sébastien Pla est loin d’être sûr que l’affluence sera de nouveau au rendez-vous y compris cet été. « La semaine dernière, nous avons eu 3 visiteurs. Et cet été, comment être sûr que les visiteurs reviennent ? Le chiffre d’affaires, même en pleine saison, risque de diminuer très fortement. »
Face à cette « situation critique », Sébastien Pla a « remué ciel et terre » depuis deux mois. En vain. « J’ai tout de suite alerté les services de la préfecture et la DDFiP, explique-t-il. J’ai contacté les députés et les sénateurs, j’ai contacté Jean-René Cazeneuve, j’ai fait remonter mon problème aux ministres, et même au président de la République. Mais je ne vois rien venir. »
Toutes les « solutions » pourtant prônées par Bercy pour aider les collectivités en difficulté ont été refusées par les services de l’État, poursuit le maire. « Sur le versement anticipé du FCTVA, on me dit à la préfecture que je n’y ai pas droit. Le report des charges pour les 15 salariés – tous fonctionnaires ? La Caisse des dépôts dit non. Je ne peux pas mettre les agents qui travaillent au château en chômage partiel, puisqu’ils sont fonctionnaires. J’ai demandé aux banques le report des annuités de mes emprunts. On me répond que pour reporter les annuités, cela me coûtera 10 %, soit 20 000 euros ! ». Réponse négative également à la demande du maire de percevoir des avances de dotation.
« En fait, il semble que ni le législateur ni les services de l’État n’identifient le problème des petites communes qui ressemblent à des entreprises, parce que le secteur marchand représente l’énorme majorité de leurs recettes », explique Sébastien Pla. Avec à la clé une forme de double peine : ni les aides de l’État aux communes touristiques, ni celles destinées aux entreprises en difficulté. Et dans la mesure où une collectivité ne peut pas en financer une autre en fonctionnement, ni le département ni la région ne peuvent aider.
Pourtant, « la gestion de ce site est d’utilité publique pour tout le territoire », estime Sébastien Pla, eu égard à la quantité de touristes qu’il draine, ce qui irrigue évidemment toutes les communes alentour. « Nous n’avons aucune perspective. Aujourd’hui je ne suis pas en défaut, mais si ça continue comme cela, je le serai au mois d’août, et je ne pourrai plus payer les salariés. »
Cette situation, « plutôt inquiétante », « surprend » le maire de Duilhac-sous-Peyrepertuse, qui s’attendait à « un peu plus de solidarité » de la part de l’État. « Ce n’est pas vrai qu’il n’y a pas de solution, il y a tout un éventail de solutions, il suffit d’avoir la volonté d’adapter certaines règles », s’indigne le maire.
Combien de communes sont dans la même situation que Duilhac-sous-Peyrepertuse ? Le gouvernement – et le législateur, au moment où se prépare une troisième loi de finances rectificative – vont-ils prévoir des solutions pour aider cette catégorie spécifique de communes ? Bien des maires, sans aucun doute, attendent des réponses urgentes à ces questions.
Franck Lemarc
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