Nobert Métairie, maire de Lorient : « C'est à travers l'action des territoires que le pays gère la crise »
Après 31 ans au service de la ville de Lorient (60 000 habitants), au cœur du Morbihan – d’abord en tant qu’adjoint en charge de l’urbanisme auprès de Jean-Yves Le Drian, puis à la tête de la commune et de l’agglomération (25 communes, 208 000 habitants) – Norbert Métairie avait prévu de raccrocher. Le 10 janvier, lors de la cérémonie des vœux du « maire sortant », l’émotion était palpable, et les propos tenus par l’édile, rapportés par Ouest France, résonnent particulièrement aujourd’hui.
Alors que la crise sanitaire, sociale et économique liée à la pandémie de covid-19 relevait encore de la science-fiction, Norbert Métairie appelait à un changement drastique de politique pour répondre aux défis de l’époque. « Le péril climatique nous rattrape plus vite que nous agissons. L’urgence sociale se fait plus que jamais sentir et appelle à un renouveau démocratique. (…) Remettre du lien est une urgence. ». « La fin d’un monde n’est pas la fin du monde », avait alors rappelé Norbert Métairie, sur le point de rendre son écharpe tricolore.
Contraint de rester sur le pont après le premier tour des élections municipales, l’édile n’a pas perdu sa détermination. De fait : le Morbihan fait partie des premiers départements touchés par l’épidémie, des clusters autour des communes d’Auray et de Saint-Pierre-Quiberon ayant été identifiés dès le 28 février. Depuis le début de l'épidémie, la Bretagne compte 247 personnes décédées des suites du covid-19 – dont 192 à l’hôpital et 55 en Ehpad –, selon les chiffres de l’Agence régionale de santé du 21 avril. Dans le Morbihan, le nombre de personnes infectées semble atteindre un plateau : au 21 avril, 532 cas ont été confirmés par diagnostic biologique depuis le 28 février (contre 459 au 8 avril).
Pénurie cachée
Pour Norbert Métairie, interviewé mi-avril pour Maire info, la situation sanitaire restait « maîtrisée » sur son territoire. « Le confinement est respecté, tout comme les préconisations sanitaires ». Les Ehpad font l’objet d’un « degré de vigilance drastique », leurs résidents bénéficiant d’un suivi médical « poussé ». Sur le serpent de mer des équipements sanitaires (masques, tests, etc.), l’édile pointe, comme beaucoup d’autres, un manque de transparence dans la communication gouvernementale. Sans pour autant nier l’origine de cette « pénurie cachée » ni chercher à alimenter les polémiques : « Certains politiques n’ont pas pris en compte qu’il fallait se préparer à des pandémies », relève-t-il. « Il aurait mieux valu dire que les masques sont utiles, mais que nous n’en avions pas assez pour tout le monde ».
Depuis le 28 février, le Pays de Lorient n’a d’ailleurs pas attendu le gouvernement pour prendre certaines mesures pour pallier la pénurie : « À l’échelle de notre territoire, nous avons fait un travail de recensement des entreprises capables de se reconvertir dans la fabrication de masques homologués. Des sites de production de masques en tissu se sont ainsi mis en place, et une plateforme de fabrication de visières s’est montée pour équiper notamment les rippers et les services de collecte des déchets. »
Solidarité covid-19
Dès le 16 mars, le « plan blanc » a été déclenché afin d’augmenter rapidement les capacités d’accueil en réanimation du groupe hospitalier Bretagne Sud. « Les deux cliniques privées ont été pleinement impliquées pour faire face à cette situation exceptionnelle », relève l’édile. « La mobilisation des acteurs, tant à l’hôpital que dans le secteur libéral, est incroyable dans cette crise », tient à souligner Norbert Métairie. « Des groupements d’infirmiers et de médecins libéraux sont très impliqués, et la solidarité joue à plein sur notre territoire. »
De son côté, le maire a mis en place une cellule de crise et un plan de continuité d’activité pour maintenir les services publics essentiels. Début avril, 52 % des effectifs et du CCAS de la ville étaient en poste, soit 600 personnes impliquées directement, et 150 agents en télétravail, avec un système de roulement. À cette même date, deux écoles et crèches accueillaient les enfants de soignants. « Les élus et agents sont pleinement mobilisés, et gèrent l’urgence de la crise tout en préparant le rebond », note Norbert Métairie. À l’échelle de l’agglomération, près de 450 agents - dont les 2/3 présents sur le terrain – assurent la continuité des politiques publiques, notamment la collecte des déchets – le système de tri ayant été préservé, les déchetteries fermées.
Sur le plan social, « nous avons une épicerie solidaire qui fonctionne bien, et nous avons des lieux pour accueillir les SDF et un accueil de jour au CCAS ». De même qu’un numéro vert « solidarité Covid » est actif au niveau de l’agglomération – après avoir fait un travail d’identification, avec les offices HLM, des personnes isolées et/ou vulnérables.
Marchés, commerces et artisanat
Sur le plan économique – Lorient concentrant 35 000 emplois, dont 14 000 dans le secteur maritime –, les halles et les marchés liés aux produits frais ont été rapidement rouverts, dans le respect des consignes sanitaires. Des mesures ont également été prises en faveur des entreprises et partenaires de la ville et de l’agglomération pour atténuer les conséquences de la crise. Le paiement des loyers de mars et avril dus par les sociétés, entreprises, etc., à l’agglomération a notamment été reporté. En matière touristique, les hébergeurs peuvent également souffler : le paiement de la taxe de séjour des deux premiers trimestres 2020 est reporté au 15 septembre prochain.
Autre mesure phare en faveur des commerces et des TPE : le « Pass commerce et artisanat », initialement réservé aux petites communes (moins de 5000 habitants) – cofinancé par la région, et en lien avec les chambres de commerce et d’artisanat – est étendu à toutes les communes de l’agglomération, sans que le caractère innovant de la création ou de la reprise du commerce entre en jeu. Les conséquences de la crise seront « très lourdes » estime Norbert Métairie, qui reste confiant : « Le tissu économique va redémarrer, mais cela va prendre du temps. »
République des territoires
À l’heure où chacun y va de sa « boule de cristal » pour prédire « l’après-covid-19 », le maire de Lorient se veut pragmatique – mais fidèle à ses idéaux. « Révélant notre fragilité collective », estime-t-il, cette « épreuve » doit « nous amener à revoir nos comportements individuels et collectifs ». Car pour le maire de Lorient, cette crise montre bien que les « travailleurs invisibles sont indispensables à la cohésion de la société », et que « rien ne remplace le facteur humain ». Norbert Métairie plaide aussi pour « réarmer les territoires et notre industrie, mais aussi revoir notre dépendance à l’étranger, et, pourquoi pas, réinternaliser certaines productions. ». Dernière réflexion à méditer : « En première ligne, les collectivités assurent un service public essentiel », leurs agents montrant « toute l’utilité sociale de leurs missions ». « C’est à travers l’action des territoires que le pays gère la crise : il faudra en tirer les leçons », estime le maire de Lorient, assumant pleinement sa position : « Je suis de ceux qui souhaitent l’avènement d’une ‘’République des territoires’’ ». Il semblerait qu’ils soient de plus en plus nombreux…
Caroline Saint-André
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