Covid-19 : premières analyses de la surmortalitéÂ
Lors de la première vague de l’épidémie, au printemps, on savait qu’il faudrait plusieurs mois pour avoir de premiers chiffres réellement consolidés de la mortalité liée au covid-19. C’est à présent le cas : l’Insee a publié, vendredi, de premiers chiffres, avec un comparatif par rapport à la canicule de 2003. Bilan : l’épidémie a fait nettement plus de morts que la canicule, mais sur une période bien plus longue.
27 000 morts
Il n’y a que deux épisodes, sur les vingt dernières années, qui ont réellement entraîné en France une hausse marquée des décès : la canicule d’août 2003 et le covid-19. Pour ceux – et il y en a encore – qui doutent que le covid-19 soit réellement très dangereux, il suffit de regarder les courbes publies par l’Insee, et les deux pics de mortalité par rapport à la mortalité « normale » (moyenne des quatre années précédentes) : l’un en août 2003 (15 300 décès supplémentaires) et l’autre entre le 10 mars et le 8 mai 2020 (27 000 décès supplémentaires). Le covid a donc fait environ 12 000 morts de plus que la canicule pendant la première phase de l’épidémie.
Différence notable : la canicule a été plus brutale, si l’on peut dire, puisque la totalité de ces 15 300 décès surnuméraires a été constatée sur moins d’un mois, entre le 1er et le 24 août 2003. Les morts liées au covid se sont, elles, étalées sur une période deux fois et demie plus longue (60 jours contre 24). Rapporté aux décès quotidiens, la canicule a été plus « intense » que l’épidémie : 638 décès supplémentaires par jour, en moyenne, pour la canicule, contre 455 pour le covid-19.
Dans les deux cas, ce sont les plus âgés qui ont été les principales victimes de ces événements. Et le vieillissement de la population a aggravé la situation pendant l’épidémie de coronavirus. Il y a eu plus de décès en valeur absolue chez les plus de 75 ans lors de l’épidémie que pendant la canicule, aussi parce que ces personnes sont plus nombreuses qu’il y a 20 ans (les personnes de 60 ans et plus représentaient 21 % de la population en 2003, contre 27 % aujourd’hui). L’Insee, à titre d’exemple, a calculé quel aurait été l’impact de la canicule si elle a avait eu lieu aujourd’hui, c’est-à-dire avec la proportion actuelle de personnes âgées dans la population : elle estime que le bilan aurait été de 23 700 morts au lieu de 15 300.
Pendant l’épidémie, toutes les classes d’âge au-delà de 50 ans ont connu une mortalité en hausse. En revanche, la mortalité des moins de 50 ans a légèrement diminué par rapport à la période de référence. C’est un effet du confinement : cette période a été mécaniquement marquée par une diminution des accidents de la route et des accidents du travail.
Hommes et femmes
Autre donnée intéressante : alors que la surmortalité a davantage touché les femmes que les hommes en 2003, c’est l’inverse qui est constaté pour le covid, quoiqu’à un degré moindre. Lors de la canicule, l’excédent de décès a été de 74 % chez les femmes de 85 ans ou plus, contre 42 % chez les hommes. Première explication : il y a tout simplement plus de femmes que d’hommes dans cette classe d’âge. Par ailleurs, la proportion de femmes isolées est nettement plus importante, et les personnes seules sont « plus vulnérables en cas de forte chaleur ».
Pendant l’épidémie de covid, la surmortalité a été un peu supérieure chez les hommes de 85 ans et plus (40 %) que chez les femmes (34 %). Les explications n’en sont pas encore définitives. Elles peuvent tenir à « des facteurs hormonaux » ou encore un taux de comorbidité (diabète, maladies cardiovasculaires) plus élevé chez les hommes.
L’Île-de-France durement frappée
D’un point de vue géographique enfin, c’est, dans les deux cas, l’Île-de-France qui a été la plus durement touchée par ces phénomènes.
« Le surcroît de mortalité a varié pendant la canicule de 20 % à plus de 100 % selon les régions », explique l’Insee, mais toutes les régions ont été touchées. En 2020, en revanche, la hausse de mortalité a été « très limitée » dans sept régions (essentiellement le centre du pays et la façade atlantique, où la hausse de mortalité a été inférieure à 0,5 %). Mais elle a approché les 100 % en Île-de-France, où le nombre de décès a donc presque doublé pendant l’épidémie. C’est la Seine-Saint-Denis qui a été la plus durement touchée, avec un nombre de décès multiplié par 2,3. Autre région très durement frappée : le Grand est, avec 60 % de surmortalité – le taux le plus élevé du pays a été observé dans le Haut-Rhin.
Les taux de surmortalité en Île-de-France constituent néanmoins un « paradoxe », conclut l’Insee, dans la mesure où le covid-19 frappe essentiellement les personnes les plus âgées et que cette région est l’une des plus jeunes de France. Ce sont évidemment d’autres facteurs qui expliquent ces chiffres, en particulier la très forte densité de population et la surmortalité dans les territoires les plus pauvres.
Il est à noter qu’en cas de véritable « deuxième vague », beaucoup d’experts s’inquiètent aujourd’hui du fait qu’elle pourrait être encore plus dure que la première, parce que, justement, moins localisée. Au printemps, la relative concentration des cas dans un nombre limité de régions a permis de faire appel à du personnel soignant d’autres zones géographiques de venir renforcer les équipes. La deuxième vague semblant se propager de façon équitable partout, cette possibilité n’existera peut-être pas cet automne.
F.L.
Télécharger l’étude de l’Insee
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