Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 2 décembre 2022
Crise énergétique

Coupures d'électricité : pourquoi et comment les maires doivent se préparer dès maintenant

La circulaire envoyée mercredi aux préfets par la Première ministre donne un certain nombre de précisions très importantes sur ce qui sera attendu des maires en cas de coupures d'électricité. Revue de détails. 

Par Franck Lemarc

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Maire info donnait hier les grandes lignes du plan prévu par le gouvernement et les gestionnaires du réseau d’électricité en cas de coupures d’électricité. Nous avons pu consulter depuis la circulaire que la Première ministre a envoyée aux préfets mercredi soir, qui donne des instructions précises à ceux-ci à la fois sur l’anticipation et la gestion de ces événements. Pour les maires, la préparation, en amont, va être essentielle.

Sites prioritaires

La circulaire précise clairement que ces délestages sont une mesure de « dernier recours », si toutes les mesures moins radicales (sobriété accrue, baisse temporaire de tension sur le réseau…) sont insuffisantes. Dès lors, « pour éviter un blackout généralisé », les mesures de délestage permettant de « soulager ponctuellement »  le système de production et de distribution sont envisagées, de manière tournante et relativement brève : pas de coupures de plus de deux heures, et jamais plus de « 4 millions de clients »  coupés simultanément. 

En cas de coupure sur une portion de département, des sites désignés par arrêté préfectoral comme « prioritaires »  (hôpitaux, Ehpad, prisons, structures liées à la défense nationale…) ne pourront être délestés. Par extension, le périmètre dans lequel ils se situent ne sera pas délesté non plus. La circulaire insiste sur le fait que les arrêtés donnant la liste de ces sites prioritaires ne peuvent « en aucun cas »  être divulgués, pour des raisons de sécurité. Il est donc demandé aux préfets, en cas de « questionnement »  de consommateurs qui sont à proximité d’un hôpital, par exemple, d’indiquer qu’ils sont « délestables », même « ceux qui bénéficient de la proximité d’un site prioritaire qui les rend par contiguïté non délestables ». 

Le problème de l’assainissement

Une première phase du plan va commencer dès maintenant : il s’agit de la phase de préparation et de « mobilisation des acteurs ». Les préfets vont, « sans délai », réunir les maires, d’une part, pour les sensibiliser à la nécessité de réduire la consommation électrique en cas de tension (signal EcoWatt orange ou rouge) ; et, d’autre part, pour préparer avec eux la possibilité d’une coupure et ses répercussions. Les communes qui possèdent des générateurs (groupes électrogènes) seront appelées à les « tester ». 

C’est peut-être l’un des points les plus importants de la circulaire : la Première ministre confirme, indirectement, que le gouvernement a refusé – malgré les demandes de la FNCCR, de l’AMF et la FP2E – de considérer les installations d’eau potable et d’assainissement comme des sites prioritaires (lire Maire info du 20 septembre). Ceux-ci pourront donc se voir privés d’électricité comme les autres en cas de délestage. Il est demandé aux préfets de « porter une attention particulière »  à la préparation de ces sites, « dont les systèmes doivent être optimisés pour éviter les déversements d'eaux usées dans les milieux aquatiques et pour anticiper l’impact du délestage sur leurs services ».

C’est bien tard. Cela fait des mois que la FNCCR demande que ce travail soit fait, sous forme d’un « audit »  de chaque installation permettant d’identifier celles qui peuvent supporter deux heures de délestages et celles qui ne le peuvent pas, ce qui permettrait par exemple de centraliser sur celles-ci les groupes électrogènes mobiles que possèdent – en nombre restreint – les entreprises de distribution. 

Identifier les personnes vulnérables

Dans la phase de préparation toujours, un travail vital, au sens propre du terme, doit être effectué pour identifier les personnes les plus vulnérables. L’identification de ce que l’on appelle les « patients à haut risque vital »  (PHRV), par exemple celles dont la vie dépend d’un respirateur, ne relève pas des maires mais des ARS, qui transmettront les listes à Enedis. L’entreprise se chargera ensuite de les prévenir. De façon exceptionnelle, si aucune autre solution n’est possible, les préfets seront chargés d’organiser le « déplacement »  de ces personnes en cas de coupure.

En revanche, il est demandé aux maires de veiller à « l’inscription des personnes vulnérables »  sur le registre des personnes fragiles, comme ils le font en cas de canicule ou de grand froid. Il faudra s’assurer que ces personnes « ont connaissance du signal EcoWatt rouge ». Si elles ont un équipement médical qui n’aurait pas l’autonomie suffisante pour supporter quelques heures de coupure, il faudra éventuellement organiser « une évacuation préventive »  de ces personnes vers des établissements de santé. 

Cellules de crise dans les mairies

Sans revenir sur l’organisation opérationnelle décrite hier dans Maire info, rappelons que les choses se dérouleront sur trois jours : en cas de tension majeure, RTE émettra un signal d’alerte à J-3. Si les mesures de sobriété prises à partir de là ne suffisent pas, deux jours plus tard, à 15 heures, RTE déclenchera une alerte en indiquant les régions dans lesquelles le délestage risque de se produire le lendemain. Tous les départements de la région devront alors se considérer comme « délestables ». À 17 heures, Enedis affinera les choses en fournissant la liste des départements délestés. Troisième étape : à 21 h 30, une liste définitive des communes et arrondissements concernés sera diffusée. Elle sera susceptible d’évoluer le lendemain à 6 heures, mais seulement pour aller dans le sens d’un allégement (évitement des coupures). 

Dès la veille des coupures, à partir de 17 heures, il sera demandé aux maires concernés « d’activer une cellule de crise », idéalement dans le cadre du Plan communal de sauvegarde (PCS) pour les communes qui en sont dotées. Il sera notamment demandé de prévoir « une présence physique »  en mairie « ou dans des lieux prédéfinis »  pour relayer des alertes aux services de secours – puisque les réseaux téléphoniques seront très limités voire coupés. Ces mesures, en particulier la localisation de ces « relais », devront faire l’objet d’une information de la population en amont. 

La circulaire souligne à ce sujet que tous les volontaires (associations agréées de sécurité civile, réserves communales, etc.) devront être mobilisés « pour assurer une présence de proximité dans les communes ». 

Écoles fermées pendant le délestage le matin

Il est bien confirmé dans la circulaire que les écoles n’accueilleront pas les élèves pendant le délestage lorsque ceux-ci auront lieu « le matin ». Elles seront donc fermées. Le ministre de l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, a confirmé ce matin que « la rentrée des élèves le jour concerné se fera en début d'après-midi ». Si possible, « une restauration adaptée à l’heure du déjeuner »  devra être assurée. Les collectivités locales doivent dès maintenant s’interroger sur « l’organisation du transport scolaire »  pour s’adapter à cette situation. 

Notons que cette annonce a déjà provoqué une réaction très inquiète de la FCPE (parents d’élèves). Dans le journal Libération, la présidente de la Fédération, Magalie Icher, estime que cette décision n’est « pas entendable et est inenvisageable », regrettant que les nombreuses alertes lancées par la FCPE sur ce sujet sont restées « sans réponse ». Elle pose notamment la question, bien réelle, de la garde des enfants lorsque les parents travaillent. 

Il est à noter que la circulaire ne mentionne pas les crèches. Qu’en sera-t-il ? Seront-elles également fermées ?

Une autre question va se poser de façon prégnante dans les communes qui gèrent des cantines : c’est celle de la chaîne du froid. Il paraît impossible que celle-ci puisse être assurée si l’électricité est coupée pendant deux heures. Les pouvoirs publics devront donner des directives précises aux collectivités sur ce sujet. 

Transports

Sur les transports enfin, il est demandé dans la circulaire qu’un travail préparatoire soit mené « sans délai »  avec les autorités organisatrices sur la circulation, pendant les délestages, des trains de banlieue, des métros et des tramways. Pas question en tout cas de voir les passagers bloqués en pleine voie par les coupures : en cas de délestage, la circulation « devra être arrêtée »  avant le début de celui-ci. 

Il est certes impossible de savoir de façon certaine si des délestages vont ou non avoir lieu cet hiver. Mais un travail très important va commencer dès maintenant pour se préparer à cette éventualité, et les éléments livrés dans la circulaire montrent à quel point cette préparation sera essentielle pour tenter de faire en sorte que ces événements se déroulent le moins mal possible. 

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