Cotisations CNRACL : un nouveau coup de massue pour les employeurs territoriaux
Par Franck Lemarc
Le gouvernement va demander une hausse de quatre points de la cotisation employeur à la CNRACL (Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales). Cette information est inscrite noir sur blanc dans l’avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale, encore non publié mais que Maire info a pu consulter. Cette hausse va représenter une dépense supplémentaire pour les employeurs territoriaux, selon les premières estimations, d’environ 1,3 milliard d’euros cette année, et 1,2 milliard pour les employeurs de la fonction publique hospitalière.
Et ce n’est qu’un début : le texte prévoit également une augmentation de la cotisation en 2026 et 2027. Et certains parlementaires se préparent déjà à déposer des amendements pour alourdir encore la note.
Le déficit et ses causes
Cela fait des années maintenant que la CNRACL – qui gère les retraites de quelque 1,3 million d’agents des fonctions publiques territoriale et hospitalière – est déficitaire. Les causes en sont connues : allongement de l’espérance de vie, qui fait qu’il y a aujourd’hui environ 1,4 cotisant actif pour en retraité, contre 4,5 pour un au début des années 1980 ; part importante des femmes dans la FPT et la FPH, qui bénéficient plus souvent de départs anticipés ; emploi de plus en fréquent de contractuels et non de fonctionnaires, lesquels contractuels ne cotisent pas à la CNRACL mais au régime général…
Par ailleurs, une cause majeure du déficit de la CNRACL est le fait que celle-ci, via un mécanisme de solidarité entre les différents régimes de retraite, est sollicitée pour compenser le déficit des autres caisses. Depuis 1974, elle a ainsi été ponctionnée de 80 à 100 milliards d’euros au bénéfice des autres régimes, via ce mécanisme dit de « compensation démographique »..
Pour réduire ce déficit, il existe plusieurs pistes, qui ont récemment été identifiées dans un rapport inter-inspections (lire Maire info du 1er octobre). Et il apparaît que la hausse des cotisations pour les employeurs publics est loin d’être la seule piste. En particulier, il semblerait possible, estiment les auteurs de ce rapport, de faire cotiser, pour tout ou partie, les agents contractuels à la CNRACL. Quant à l’AMF, elle souhaite elle aussi que la question ne soit pas envisagée uniquement sous l’angle d’une hausse des cotisations et plaide pour « une remise à plat complète du système » .
Hausse massive
Ce n’est pas la voie que se propose de suivre le gouvernement. Et pour cause. Le problème du gouvernement, semble-t-il, n’est pas de réduire, en soi, le déficit de la Caisse… mais de demander aux employeurs territoriaux de contribuer à la diminution du déficit de l’État.
Cela apparaît de façon parfaitement claire dans l’avant-projet de loi de financement de la Sécurité sociale. On se rappelle que les plans du gouvernement pour réduire de 60 milliards le déficit se décomposent en 40 milliards de baisse des dépenses et 20 milliards de recettes nouvelles. Parmi les recettes nouvelles, certaines seront inscrites non dans le projet de loi de finances mais dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale : d’une part, une diminution de certains allégements de cotisations patronales notamment sur les salaires proches du smic ; et, d’autre part, « une nouvelle hausse du taux de cotisation patronale à la CNRACL ».
Rappelons qu’en 2012, ce taux était de 27,3 %. Il est aujourd’hui de 31,65 %, soit une augmentation d’environ 4 points en 12 ans (la dernière augmentation, d’un point, est intervenue l’an dernier), avec une grande stabilité entre 2014 et 2023. Pour 2025, la hausse prévue dans le PLFSS est de 4 points, ce qui est massif, puisque c’est, d’un coup, autant que l’augmentation des 12 dernières années.
Cette hausse des cotisations est donc bien une nouvelle brique de la contribution directe des collectivités territoriales à la réduction du déficit de l’État – dont elles ne sont, ne cesse de rappeler l’AMF, nullement responsables.
Il faut également souligner que cette augmentation importante va, mécaniquement et obligatoirement, augmenter les dépenses de fonctionnement des collectivités… au moment où le gouvernement ne cesse de répéter que celles-ci doivent diminuer. Et que par ailleurs, cette hausse va probablement obérer toute possibilité pour les élus de jouer sur le régime indemnitaire pour augmenter le salaire des agents, ce qui est totalement contradictoire avec la volonté affichée du gouvernement d'augmenter l'attractivité des métiers de la fonction publique territoriale.
Ce n’est qu’un début
On apprend à la lecture de l’avant-projet de loi que les hausses pourraient continuer – à supposer que le gouvernement qui a rédigé ce texte soit encore là l’an prochain. Le texte évoque en effet « deux nouvelles hausses du taux de cotisation à la CNRACL en 2026 et 2027 » . Aucun chiffre n’est pour l’instant publié.
De plus, il n’est pas certain qu’à la sortie du débat parlementaire, la hausse du taux de cotisation soit encore alourdie. C’est en tout cas l’intention du groupe Ensemble pour la République (macronistes) à l’Assemblée nationale, qui a présenté, hier, lors d’une conférence de presse, ses « propositions » pour le budget 2025. On sait que ce groupe a décidé de batailler farouchement contre toute hausse d’impôts, y compris sur les ménages très riches et les plus grandes sociétés. En revanche, non seulement il ne voit pas d’inconvénient à ce que les employeurs territoriaux voient leurs cotisations augmenter, mais ils souhaitent les augmenter plus encore. C’est ce qu’a expliqué, hier, le député du Gers Jean-René Cazeneuve, qui a dit que son groupe était « en soutien » de ce que le gouvernement prévoit pour les collectivités territoriales (5 milliards d’euros de ponction dans le projet de loi de finances et une hausse des cotisations employeurs à la CNRACL), mais qu’il souhaite « aller un petit peu plus loin ». Sans donner de précisions sur les chiffres, le député du Gers a évoqué, dans les pistes pour aller « un peu plus loin » , la question de la CNRACL, avec des propos qui en surprendront plus d’un : « Il n’y a pas de raison que l’État continue à supporter le déficit [de la CNRACL] » , a-t-il déclaré. On peut se demander de quoi il parle, dans la mesure où l’État n’a jamais financé, en aucune manière, la CNRACL. « Il faut donc responsabiliser les collectivités territoriales » sur ce point, a ajouté le député. Le déficit de la CNRACL serait donc dû à l’irresponsabilité des élus ? Jean-René Cazeneuve, hier, a commencé son propos en expliquant qu’il n’était pas là pour « polémiquer avec les élus » . Mais c’est apparemment plus fort que lui.
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