Maire-info
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Édition du mercredi 16 mars 2022
Corse

Corse : le gouvernement « prêt à aller jusqu'à l'autonomie »

Après quinze jours de manifestations et de violences, le ministre de l'Intérieur est attendu aujourd'hui en Corse pour une visite de deux jours. À moins d'un mois de la présidentielle, il a annoncé, hier, qu'il engagerait des discussions sur le statut de l'île et envisage l'autonomie.

Par A.W.

« Nous sommes prêts à aller jusqu'à l'autonomie [de la Corse]. Après, la question est de savoir ce qu'est cette autonomie », a annoncé hier le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, dans un entretien accordé à Corse Matin. Une annonce qui a été faite la veille de son arrivée dans l'île pour une visite, aujourd'hui et demain, à Ajaccio et Porto-Vecchio, alors que celle-ci connaît de fortes tensions et des violences depuis la tentative d’assassinat d'Yvan Colonna, il y a une quinzaine de jours, à la prison d’Arles. 

À moins de quatre semaines du premier tour de l’élection présidentielle, le choix du calendrier laisse, toutefois, perplexes les oppositions qui estiment que l’Etat se précipite et « cède à la violence », certains le jugeant irresponsable.

Processus engagé pour le « prochain mandat » 

« C’est le moment, je crois »  d’engager une « discussion sans précédent »  avec les élus autour de cette question institutionnelle, a estimé pour sa part Gérald Darmanin, ce matin sur RMC et BFMTV. Le ministre a assuré qu’il n’avait pas pris cette décision uniquement au vu du contexte, mais à la « demande »  du président autonomiste du conseil exécutif de Corse Gilles Simeoni et du président de la République qui « travaille depuis longtemps sur l’avenir institutionnel de la Corse ». Seule condition, le retour au calme.

Le choix du prochain locataire de l'Elysée aura aussi son importance pour la suite du processus. « On n’est pas là pour conclure le dialogue mais pour le commencer. […] Les négociations ne vont pas se faire en deux jours », a précisé ce matin le ministre de l’Intérieur, elles vont être « forcément longues, forcément difficiles ». 

L’ancien maire de Tourcoing – qui a repris ce dossier après le récent départ du gouvernement de Jacqueline Gourault – a ainsi affirmé que le processus autour du futur statut institutionnel de l'Île de Beauté se fera, « c’est sûr, […] dans le prochain mandat d’un prochain président ou d’une prochaine présidente de la République ».

« Il y a d’autres étapes possibles »  avant l’autonomie

Cette discussion doit ainsi permettre de « savoir quel calendrier mettre en place et quels attendus ». « J’ai dit [que nous étions prêts à aller] jusqu’à l’autonomie, cela veut dire qu’il y a d’autres étapes possibles. […] Dans l’autonomie, il y a aussi plusieurs possibilités », a-t-il fait remarquer. 

Laissant ouverte l’hypothèse d’une modification de la Constitution, le ministre de l’Intérieur a toutefois rappelé que « l’autonomie, cela peut être à l’intérieur même de la Constitution d’aujourd’hui », citant le cas de la Polynésie française qui a « un statut d’autonomie qui lui permet d’être totalement dans la République et d’avoir une spécificité particulière, notamment dans ce qui relève de l’économique et du social ».

Interrogé également sur la possibilité pour la Corse de récupérer la compétence fiscale, le locataire de la place Beauvau a dit garder « l’esprit ouvert »  et a rappelé que la collectivité « n’utilise pas totalement les nouvelles compétences »  qui lui ont notamment été attribuées lors du mandat de François Hollande.

Réforme repoussée depuis 2018

Reportée une première fois à l'été 2018 en raison de l'affaire Benalla, la réforme des institutions, qui devait entériner le statut particulier de la collectivité de Corse créée en 2015, avait de nouveau été présentée par le gouvernement un an plus tard dans une nouvelle mouture mais sans jamais être examinée depuis. 

« C'est la mauvaise gestion du dossier corse par le gouvernement qui a créé la situation extrêmement tendue dans laquelle nous nous trouvons », a estimé la présidente nationaliste de l'assemblée de Corse Marie-Antoinette Maupertuis.

Perçue comme « un bon début », cette visite de Gérald Darmanin doit donc permettre de trouver une « véritable solution politique », selon Gilles Simeoni.

« Responsabilité de l’État »  dans l’agression d’Yvan Colonna

Le ministre de l'Intérieur a, par ailleurs, reconnu, dans son entretien à Corse Matin, une « responsabilité »  de l'État dans l'agression d’Yvan Colonna : « Il y a une responsabilité de l'État en tant que protecteur des personnes qui sont sous sa responsabilité, en l'occurrence des prisonniers ».

Il s'est ainsi engagé à faire « la vérité sur ce qui est arrivé »  au militant nationaliste dans la prison d’Arles où il purgeait une peine à perpétuité pour sa participation à l'assassinat du préfet Érignac, en 1998, à Ajaccio.

Une agression qualifiée par Gérald Darmanin d'« acte manifestement terroriste »  et « dont l'objet aurait été le blasphème ». Yvan Colonna se trouvait ainsi toujours dans le coma, hier, dans un état jugé « gravissime »  par son avocat Patrice Spinosi. Ses conseils ont annoncé lundi leur décision de demander une suspension de peine pour le militant.

L'agression d'Yvan Colonna a entraîné plusieurs manifestations violentes, dont celle de dimanche à Bastia qui a fait 102 blessés dont 77 parmi les forces de l’ordre, selon le parquet. Hier encore, quelque 300 personnes se sont réunies à Ajaccio et environ 200 à Bastia, où les manifestants ont incendié un tas de palettes en bois devant la préfecture. 

Une situation pour laquelle « nous sommes tous très soucieux [et] qui nous préoccupe au premier chef », a souligné hier le président de l’AMF, David Lisnard, à l’attention du président de l’Assemblée départementale de Haute-Corse, présent, hier, lors du grand oral des candidats à la présidentielle.

 

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