Transports : des réseaux au bord de l'asphyxie
Le Groupement des autorités responsables du transport (Gart) s’est adressé au président la République, en fin de semaine dernière, pour l’alerter sur la situation catastrophique dans laquelle la crise sanitaire a plongé un certain nombre de réseaux de transport.
Un mois après un premier appel à l’aide signé non seulement du Gart, mais de quatre associations d’élus (AMF, France urbaine, l’AdCF et Régions de France) - et qui n'a à ce jour pas reçu le plus petit commencement de réponse du Premier ministre - la situation ne s’est guère améliorée : certes, le confinement s’est achevé, mais « il faudra de très nombreux mois » pour que la fréquentation retrouve « son niveau antérieur », écrit le président du Gart et maire de Cagnes-sur-Mer, Louis Nègre, à Emmanuel Macron. D’où une diminution très importante, et visiblement durable, des recettes tarifaires.
Par ailleurs, le produit du versement mobilité (VM) est lui aussi en chute libre. Les explications en sont multiples, mais la principale tient à l’explosion du chômage partiel : l’allocation versée aux salariés en chômage partiel n’étant pas soumise à charges sociales, les entreprises ayant des salariés dans cette situation ne payent plus le versement mobilité. Et là encore la crise pourrait s’avérer durable : les suppressions d’emplois qui se profilent dans de nombreux secteurs seront autant de pertes sèches pour les autorités organisatrices, puisque le versement transport est appuyé sur la masse salariale.
Ces pertes cumulées pourraient, selon le Gart, avoisiner les 4 milliards d’euros dès 2020 : 2 milliards d’euros de perte sur le VM et 2 autres milliards pour la diminution des recettes tarifaires.
Des réseaux « impactés de plein fouet »
Le président du Gart donne plusieurs exemples, « parmi de nombreux autres cas », d’autorités organisatrices ainsi au bord de l’asphyxie, au point d’envisager de ne peut-être plus pouvoir payer, dès cet été, leur contribution aux transporteurs.
Le réseau le plus touché est celui de l’Île-de-France : IDF Mobilités, autorité organisatrice unique de la région de la capitale, anticipe rien moins qu’une « baisse de 20 à 26 % de son budget », avec des pertes de recettes tarifaires qui pourraient atteindre les 1,6 milliard d’euros. Le réseau est, de plus, confronté à des « coûts supplémentaires » pour la mise en place des mesures sanitaires. Dans ces conditions, annonce Louis Nègre, IDF Mobilités « ne sera plus en mesure à compter de la fin août de s’acquitter de sa contribution auprès de ses opérateurs ».
Autre exemple : celui du Syndicat mixte des mobilités de Touraine, composé essentiellement de lignes de bus, en dehors du tramway de Tours. Avec une perte estimée à 8 millions d’euros sur le VM et 9 sur les recettes, le syndicat va perdre « plus de 20 % de son budget annuel de fonctionnement » et pourrait remettre en question une augmentation de l’offre prévue en septembre.
Le Syndicat des mobilités Pays basque Adour se voit, lui, « impacté de plein fouet » avec un risque « d’impossibilité d’assurer le paiement des contrats de services et les investissements prévus ».
Quant aux plus petits réseaux, comme celui existant autour de la ville d’Aubenas (Tout’en bus), ils accumulent les difficultés, n’ayant pas même la surface financière suffisante pour payer les mesures exigées par le gouvernement. Tout’en bus n’aura pas les moyens de rétablir une offre de 100 %. Un problème en entraînant un autre, le réseau, qui n’a pas la possibilité financière de mettre en place le paiement sans contact ni même « les équipements de protection des cabines des conducteurs », se voit obligé de pratiquer la gratuité pour éviter les contacts… ce qui ne fera, à terme, qu’accentuer les problèmes financiers, en asséchant les recettes.
Conséquences incalculables
Ces difficultés pourraient avoir des conséquences bien au-delà du seul secteur du transport : un certain nombre d’autorités organisatrices – dont celle d’Aubenas – ont d’ores et déjà renoncé à des investissements prévus dans le courant de l’année. En conséquence, le Gart alerte le chef de l’État « sur le risque, pour l’industrie française, de voir son niveau de commandes baisser dangereusement du fait des difficultés que rencontrent les AOM ».
Louis Nègre prédit que dans ces conditions, de nombreux réseaux vont devoir diminuer leur offre, et pourraient même aller vers « des interruptions de service dans les transports du quotidien ». Il remarque que les AO ont joué le jeu pendant la crise, se démenant pour maintenir un minimum de service, et qu’elles ont « continué d’assumer leurs obligations contractuelles vis-à-vis de leurs délégataires ». Mais cela pourrait ne pas durer si l’État ne prend pas le problème à bras-le-corps : « Il n’y a pas d’autre issue que de compenser intégralement la baisse » du produit du versement mobilité, qui, rappelle le Gart, finance la moitié des ressources du transport public en province.
Le patron du Gart, en conclusion, remarque que le gouvernement a trouvé les moyens pour mobiliser 7 milliards d’euros « pour sauver Air France », et qu’il s’apprête probablement à faire de même pour le secteur automobile. Dans ces conditions, les élus « ne comprendraient pas que les transports du quotidien, sans lesquels aucune reprise économique ne sera possible, soient laissés de côté ».
Franck Lemarc
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