Soutien aux collectivités : pour Jean-René Cazeneuve, le plan du gouvernement n'est que « le premier étage » du dispositif
Alors qu’était présenté, ce matin, en Conseil des ministres, le troisième projet de loi de finances rectificative (PLFR 3) pour 2020, qui intègre les mesures de soutien du gouvernement aux collectivités frappées par la crise, le député du Gers Jean-René Cazeneuve a dévoilé à la presse, hier, les premières conclusions de sa mission parlementaire (qui évalue l’impact de l’épidémie sur les finances locales) et est revenu sur ce plan d’urgence gouvernemental, dont il a inspiré plusieurs propositions.
Bloc communal : un manque à gagner de 3,1 milliards d’euros en 2020
Sur la question des chiffres, d’abord, les travaux d’évaluation de la mission Cazeneuve, dont les conclusions définitives doivent être rendues au début de l’été, montrent que les recettes des collectivités locales pourraient diminuer de près de 7,5 milliards d’euros en 2020, réparties sur le bloc communal (3,1 milliards d’euros), les départements (3,2 milliards d’euros) et les régions (1,1 milliard d’euros). Des pertes qui représenteraient « plus de 20 % » de l’épargne nette, selon Jean-René Cazeneuve.
Quelques « hypothèses » pour le bloc communal sont déjà avancées pour cette année : la taxe de séjour baisserait de 40 %, les DMTO de 25 %, le versement mobilité ainsi que la taxe locale sur la publicité extérieure de 20 %, alors que la taxe foncière sur le bâti augmenterait de 2,6 % et l’Ifer de 20 %.
Au total, l’impact de la crise serait « très important » puisqu’il pourrait être de l’ordre de 8 euros par habitant, selon le député du Gers qui comptabilise à la fois les dépenses supplémentaires des collectivités (22 euros par habitant) et les économies d’échelle engendrées par le confinement (14 euros par habitant).
Des estimations encore divergentes avec les différentes associations d’élus, mais que Jean-René Cazeneuve trouve, toutefois, « très proches », bien qu’il doive encore les actualiser en permanence. « Ces différences, c’est souvent plus une manière de présenter les choses : avec intégration ou non du fiscal, du non-fiscal, des hausses de fiscalité, ou une comparaison des chiffres de 2021 avec ceux de 2019 ou ceux 2020... Aujourd’hui, il y a une assez bonne convergence, sur 2020 en tout cas, entre les chiffres que j’échangeais avec, par exemple, Philippe Laurent », le secrétaire général de l’AMF – qui chiffrait, il y a encore une semaine, « à la fois les pertes de recettes et les augmentations de dépense autour de 5 milliards d’euros » (lire Maire info du 2 juin).
« Rebond » des recettes en 2021
Reste que les pertes de recettes devraient être moindres en 2021. Selon Jean-René Cazeneuve, à la forte chute de 2020 succéderait donc un « rebond de l’ordre de la moitié de la perte », équivalent à 3,6 milliards d’euros, l’an prochain. Dans le détail, le bloc communal connaîtrait en 2021 un rebond de 1,6 milliard d'euros de ses recettes et les départements de 2 milliards d'euros par rapport à cette année. Les régions pourraient, elles, voir les leurs se stabiliser.
« Bien sûr, ce seront toujours des pertes par rapport à 2019 (de l’ordre de 4 milliards d’euros). Si l’on compare par rapport à une tendance de croissance, c’est encore supérieur, et sur trois ans c’est même encore plus impressionnant », reconnaît le président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée.
Si les CFE, CVAE, Tascom ou encore la taxe d’aménagement vont bien baisser en 2021 du fait de leur décalage de perception dans le temps, les DMTO, le versement mobilité, la taxe de séjour… devraient rebondir en 2021. Au final, « il faudrait une baisse monumentale sur la CVAE et la CFE pour qu’il n’y ait pas de rebond global », juge le président de la délégation aux collectivités territoriales de l’Assemblée nationale.
« Filet de sécurité »
Afin de faire face aux difficultés financières que les collectivités connaissent, le plan d’urgence du gouvernement constitue un « dispositif inédit » qui « donne de la visibilité aux élus », a estimé Jean-René Cazeneuve. Selon lui, il représente un « filet de sécurité » puisque ces derniers vont pouvoir désormais déterminer « le minimum de recettes sur lesquels ils peuvent compter cette année ».
Doté de 4,5 milliards d’euros, dont 1,75 milliard d’euros pour les seules communes et intercommunalités, ce plan comporte un compte annexe covid-19 qui va « permettre aux collectivités de soulager leur section de fonctionnement » en logeant dans un compte spécifique le surcroît de dépenses liées à l’épidémie, de les lisser sur trois ans et « d’emprunter en année 2 et 3 ». Pour le bloc communal, l’État va mettre en place une « garantie sur l’intégralité des ressources fiscales et domaniales » - fondée sur les moyennes des années 2017 à 2019 - dont le coût est estimé à 750 millions d’euros (et dont « l’objectif n’est pas de compenser toutes les collectivités à l’euro près mais celles qui ont les pertes nettes les plus importantes » ) et augmenter de 1 milliard d’euros la dotation de soutien à l’investissement local (Dsil). Pour faire face à la baisse de leurs recettes, les départements pourront, eux, solliciter des avances sur le produit des DMTO à hauteur de 2,7 milliards d’euros (lire Maire info du 2 juin), tandis que les collectivités d’outre-mer pourront compter sur des compensations évaluées à 110 millions d’euros (lire Maire info du 2 juin).
« L’objectif est que les collectivités sortent de cette crise avec une capacité d'autofinancement qui soit la moins impactée possible puisque c’est cela qui leur sert de levier pour l’investissement et on en aura besoin », a expliqué le député du Gers en insistant sur le fait que les collectivités étaient « entr(ées) dans cette crise avec des finances assainies ».
Impôts de production et autorités organisatrices de la mobilité
Ce plan d’urgence est « le premier étage du dispositif », a indiqué ce dernier, rappelant également le « vaste plan de relance qui associera, évidemment, les collectivités, le budget 2021, pour les mesures de plus long terme, et, éventuellement, d’autres mesures d’urgence si tel ou tel type de collectivité rencontrait des problèmes spécifiques liés à cette crise ».
« Les collectivités sont touchées de manière différenciée donc la réponse doit être adaptée à chaque catégorie de collectivités », a souligné Jean-René Cazeneuve qui estime, par exemple, que « les pertes tarifaires de la mobilité sont un sujet ». « Les recettes des autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ne sont pas prises en compte dans le dispositif (du gouvernement) et les collectivités sont obligées de maintenir l’équilibre de ces AOM. Pour que ce déséquilibre ne soit pas trop important, une partie de ce coût pourrait être pris dans le compte annexe covid. C’est une piste, mais il y en a d’autres », a-t-il envisagé.
En ce qui concerne les impôts de production, le député du Gers a expliqué que, « peut-être, il va falloir baisser une partie de l'imposition sur les entreprises pour leur permettre d'être compétitives et de relancer l'économie de notre pays… mais les collectivités ne doivent pas être la variable d’ajustement de cette politique-là ». « S'il devait y avoir une modification de cette fiscalité, il faut absolument qu’elle soit compensée à l’euro près auprès des collectivités tout en les rassurant sur sa pérennité », a-t-il affirmé.
A.W.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2