Projet de loi prorogeant l'état d'urgence sanitaire : les enjeux pour les collectivités
Le gouvernement a présenté samedi, lors du Conseil des ministres, le projet de loi « prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions ». Ce texte va être débattu au Sénat dès ce soir, et fait déjà l’objet de nombreux amendements.
Ce que contient le texte
Ce texte est assez bref (7 articles). Il commence par un article prolongeant l’état d’urgence sanitaire de deux mois. On se rappelle que la loi du 23 mars 2020, créant la notion même d’état d’urgence sanitaire, permettait au gouvernement de déclarer celui-ci de son propre chef ; mais toute prolongation devait être votée par le Parlement. C’est l’objet du premier article, qui proroge l’état d’urgence jusqu’au 23 juillet.
L’article 2 modifie certaines dispositions créées par la loi du 23 mars 2020, autorisant le ministre à prendre des mesures exceptionnelles dans les territoires concernés par l’état d’urgence. Exemple de modification : il est introduit la possibilité pour le ministre de la Santé de « réglementer ou interdire (…) l’accès aux moyens de transport et les conditions de leur usage ». Cet article permettra au gouvernement, par exemple, d’exiger qu’une place sur deux dans les trains soit condamnée. Même philosophie pour les établissements recevant du public (ERP) : le gouvernement pourrait désormais « réglementer l’ouverture » des ERP « ainsi que de tout autre lieu de regroupement de personnes, y compris les conditions d’accès et de présence ».
L’article 3 réglemente le placement en quarantaine et à l’isolement des personnes infectées – mesure qui sera au cœur de la stratégie du gouvernement pendant les mois à venir (lire Maire info du 29 avril). Ces placements en isolement seront décidés individuellement par les préfets après « constatation de l’infection ». Dès lors, « toute sortie de l’intéressée hors du lieu où l’isolement se déroule » sera interdite. Le préfet devra toutefois s’assurer que l’intéressé « dispose de moyens de communication téléphonique ou électronique ». Cette dernière disposition a été ajoutée à la demande du Conseil d’État.
L'article 4 donne au juge des libertés et des détentions une compétence sur les placements en quarantaine et en isolement.
L’article 5 permet notamment aux contrôleurs, dans les réseaux de transport public, de « constater par procès-verbaux les contraventions consistant en la violation des interdictions ou obligations édictées » dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, si cette violation a lieu dans des véhicules ou des emprises appartenant à ces services de transport.
Enfin, l’article 6 pose les bases d’un système d’information « aux seules fins de lutter contre la prorogation de l'épidémie de covid-19 ». Ce système visera à « identifier les personnes infectées ou susceptibles de l'être, à organiser les opérations de dépistage, à définir le cas échéant des prescriptions médicales d'isolement prophylactique et à assurer le suivi médical des personnes concernées ». Les détails seront définis dans un décret mais, d’ores et déjà, le projet de loi définit les personnes qui auront accès à ces données. En feraient partie « les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, maisons de santé, centres de santé et médecins prenant en charge les personnes concernées ».
Les questions fondamentales posées par amendements
Déposé au Sénat dès samedi, pour un examen ce soir, le texte fait déjà l’objet de près de 170 amendements. Certains concernent directement les collectivités et touchent aux sujets les plus brûlants du moment – réouverture des écoles, responsabilité pénale des maires, installation des conseils municipaux.
C’est notamment le cas de ceux d’Hervé Maurey, déjà auteur d’une proposition de loi évoquée dans Maire info du jeudi 30 avril pour sécuriser l’action des maires d’un point de vue juridique. Dans le même état d’esprit, Hervé Maurey propose d’ajouter un article disposant que « les décisions prises au cours de l’état d’urgence sanitaire et en lien avec lui ne sauraient être constitutives d’une faute caractérisée au sens du quatrième alinéa de l’article 121-3 du Code pénal ». Dans le cadre de la réouverture des écoles, par exemple, cette disposition permettrait, selon son auteur, de « limiter la responsabilité pénale non intentionnelle aux infractions ne violant pas de manière manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement ». Une quinzaine d’autres amendements, de rédaction un peu différente, vont dans le même sens. À l'heure où nous publions Maire info, un amendement dans ce sens du président de la commission des lois, Philippe Bas, a déjà été adopté, sur lequel nous reviendrons dans notre édition de demain.
Autre amendement très important, issu de plusieurs sénateurs centristes et LR : il propose de subordonner la décision de rouvrir une école « à l’accord express du maire de la commune ou du président d’EPCI ». Un amendement du groupe socialiste va dans le sens d’un des souhaits émis par le bureau de l’AMF, réuni jeudi dernier : il propose que le maire, avant de rouvrir une école communale, fasse valider « formellement » la conformité au protocole sanitaire par les services de l’État. Les sénateurs socialistes ont également rédigé un amendement pour demander que l’État « assure aux collectivités territoriales la mise à disposition des moyens renforcés pour compenser l'ensemble des dépenses supplémentaires liées au covid-19 ».
Un autre amendement, du sénateur LR du Bas-Rhin André Reichardt, relance le débat sur le pouvoir de police du maire pendant l’état d’urgence sanitaire, en autorisant explicitement le maire à « prendre des mesures plus protectrices de la santé publique que celles adoptées sur l’ensemble du territoire national ». On se rappelle que la dernière ordonnance du Conseil d’État en la matière va dans le sens inverse.
Une autre série d'amendements sera intéressante à suivre, car le débat permettra d’en savoir plus sur la doctrine du gouvernement : il est proposé – par les sénateurs LR – de fixer la date d’entrée en fonction des conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour « au 11 mai 2020 », afin que les maires puissent être élus le plus rapidement possible. Un autre amendement (socialiste) demande la fixation de cette date au « 18 mai » pour les communes de moins de 1500 habitants, et au 2 juin au plus tard pour les autres.
Parmi les autres amendements à suivre, deux d’entre eux demandent la réouverture immédiate au public des plages et des forêts pour la pratique sportive individuelle.
Franck Lemarc
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