Maire-info
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Édition du jeudi 22 juillet 2021
Coronavirus

Obligation vaccinale et pass sanitaire : le gouvernement précise les conditions dans lesquelles les agents publics pourraient être sanctionnés

Par deux amendements introduits hier à l'occasion du débat sur le projet de loi « crise sanitaire » à l'Assemblée nationale, le gouvernement propose de récrire les articles de sa loi consacrés aux sanctions à l'encontre des salariés ou agents publics qui ne respecteraient pas les nouvelles obligations. 

Par Franck Lemarc

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On en est donc aujourd’hui à la troisième version de ces dispositions rédigées à la hâte après les annonces du chef de l’État du 12 juillet. Dans l’avant-projet de loi, la question est expédiée en quatre lignes : à défaut de présenter à leur employeur le pass sanitaire ou le certificat de vaccination, les salariés « ne peuvent plus exercer (leur) activité ». Si la situation se prolonge plus de deux mois, cela « justifie son licenciement ». 
Dans le projet de loi, ensuite, le gouvernement a tout de même étoffé un peu ses formulations, intenables du point de vue du droit du travail. Il a notamment introduit la nécessité d’un « entretien », au bout de cinq jours, « afin d’examiner les moyens de régulariser la situation ». 
Mais cette version, là encore, a fait tiquer tous les spécialistes du droit du travail, notamment parce qu’elle induisait, pendant les deux mois de suspension, le fait que le salarié ne pouvait toucher ni sa rémunération ni les allocations chômage. 
Le gouvernement a donc, une nouvelle fois, revu sa copie. 

Les cas concernés

Rappelons que ces sanctions s’appliqueront dans deux situations : d’une part, pour les personnels soignants ou du secteur médico-social, à propos de l’obligation vaccinale. À partir du 15 septembre, ces salariés ou agents des collectivités devront nécessairement présenter un certificat de vaccination complète pour pouvoir continuer d’exercer leur activité. 
Mais les dispositions prévues vont bien plus loin, puisque, dès le 30 août, ce sont également les salariés ou agents de toute structure à l’entrée de laquelle un pass sanitaire sera exigé qui devront, eux aussi, pouvoir présenter ce document (certificat de vaccination ou certificat de rétablissement du covid daté de moins de six mois ou test négatif de moins de 48 heures). Pour ce qui concerne les collectivités, par exemple, cette obligation touchera les agents travaillant dans les piscines, les bibliothèques municipales, les centres sportifs – et pour les encadrants des accueils de loisirs lorsqu’une sortie est prévue dans un des ERP cités dans le décret du 19 juillet. 
Il est donc important de bien comprendre les règles qui vont s’appliquer et qui font l’objet des deux amendements – l’une pour le pass sanitaire et l’autre pour l’obligation vaccinale. 

Possibilité de réaffectation

La principale modification introduite par le gouvernement est de permettre à l’agent concerné de « mobiliser ses jours de congé » : dans le cas où un agent n’a pas, à la date prévue par la loi, présenté son pass sanitaire ou son certificat de vaccination, l’employeur peut lui proposer de se mettre en congé – ce qui lui permet de conserver sa rémunération. C’est seulement si l’agent refuse cette solution (ou ne peut pas l’appliquer faute de jours de congés) que l’employeur « lui notifie par tous moyens le jour même la suspension de ses fonctions ou de son contrat de travail ». Dans ce cas, le traitement de l’agent sera également suspendu. 
C’est à présent au bout de « trois jours »  et non plus cinq que l’employeur devra, si la situation perdure, « convoquer l’agent à un entretien »  pour examiner les moyens de régulariser la situation. Avec une nouvelle possibilité ouverte par le gouvernement, qui pourrait, on l’imagine, offrir une porte de sortie à l’agent qui refuse la vaccination : celle d’une réaffectation, « temporaire le cas échéant », sur une poste « non soumis à cette obligation ». 
Si aucune solution n’est trouvée et que l’agent (ou le contractuel) n’a pas exercé son activité pendant deux mois – ou plutôt, précision bienvenue, « pendant une durée cumulée supérieure à l’équivalent de deux mois de journées travaillées »  – alors l’employeur peut décider de « la cessation définitive des fonctions, s’il est fonctionnaire, ou la rupture du contrat, s’il est agent contractuel ». 
Là encore, le gouvernement est maintenant beaucoup plus précis sur les modalités de cette décision : elle doit être prononcée « après convocation (…) à un entretien préalable et information de l’agent de ce qu’il peut se faire assister par le ou les défenseurs de son choix ». L’agent devra disposer de 10 jours francs avant l’entretien pour présenter ses observations. À l’issue de l’entretien, la décision est notifiée à l’agent, en précisant le motif et la date de la cessation de fonctions. 

Des questions en suspens

Il faut préciser que dans le cas où de telles procédures iraient jusqu’à leur terme, les employeurs territoriaux (communes ou EPCI par exemple) seraient tenus de payer à l’agent ou au contractuel, après son licenciement, les allocations chômage (ARE ou allocation de retour à l’emploi), puisque celles-ci sont dues pour toute « perte involontaire d’emploi », y compris licenciement ou « rupture anticipée du fait de l’employeur ». Sauf, comme habituellement, dans le cas où l’employeur a conclu une convention avec Pôle emploi, ce qui n’est possible que pour les agents contractuels. Ce point peut faire sourciller, dans la mesure où le licenciement, en l’espèce, ne relèverait pas d’une décision de l’employeur mais bien d’un motif imposé par l’État. 
Plusieurs questions restent en suspens, même après ces précisions apportées par le gouvernement. Quid, par exemple, de la consultation des instances de dialogue social ? Rien n’est dit, dans le texte, à ce sujet. 
Par ailleurs, le gouvernement a prévu un amendement valable pour le secteur privé, dans lequel il rend obligatoire l’information et la consultation du CSE (conseil social et économique) sur l’impact des nouvelles mesures sanitaires « sur l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise ». Pour le secteur public, rien de tel n’est prévu – ni information ni consultation de la commission administrative paritaire ou de quelque autre instance. 
Reste enfin le plus gros écueil auquel ces dispositions pourraient se heurter, écueil pointé du doigt en début de semaine par le Conseil d’État : le gouvernement n’a pas consulté, avant de prendre ces décisions, le Conseil commun de la fonction publique, alors que la loi l’y oblige. En conséquence, le Conseil d’État a refusé de valider ces dispositions pour les trois versants de la fonction publique. Que va-t-il se passer ensuite ? Le gouvernement va-t-il – et peut-il ? – consulter le CCFP « après coup », a posteriori, pour lui faire valider des décisions déjà votées ? Le fait qu’il ne l’ait pas fait avant peut-il constituer une forme de vice de procédure qui rendrait caduque, de facto, toute décision prise en application de cette loi par la suite ? Comment le juge administratif, s’il est saisi demain de cette question à la suite d’un licenciement, jugera de ces cas ? En ne convoquant pas le CCFP pour avis (même en extrême urgence, comme il l’a fait pour le Conseil national d’évaluation des normes la semaine dernière), le gouvernement a ouvert une brèche juridique dans laquelle il est probable que les opposants à ses mesures ne se priveront pas de s’engouffrer. 
On peut penser que ce point sera abordé lors de la discussion au Parlement. Quoique… sur les 94 amendements déposés à l’Assemblée nationale sur l’article 7, aucun ne pointe cette question spécifique. 

Petite enfance : risque de pénurie

Signalons enfin qu’hier, l’AMF et France urbaine, ainsi que plusieurs associations et fédérations de la petite enfance, ont envoyé un courrier à plusieurs ministres pour s’inquiéter de l’obligation de suspension des professionnels d’établissements d’accueil du jeune enfant. Si l’on s’en tient à la lettre de la loi, ces professionnels, s’ils ne présentent pas de pass sanitaire dès le début du mois d’août, devraient être suspendus de leurs fonctions.
Les associations rappellent que la vaccination n’a été ouverte à ces professionnels que le 24 mai. Elles demandent donc instamment au gouvernement de bien vouloir « envisager une adaptation »  de ces obligations, dans « un secteur en très grave pénurie de main-d’œuvre », pour ne pas « être contraints de refuser d’accueillir des enfants par manque de personnel ». 
 

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