Les maires des stations de montagne unis pour demander l'ouverture à Noël, le Conseil d'État appelé à trancher
Des Alpes aux Vosges, des Pyrénées au Jura en passant le Massif central, c’est dans une totale unanimité que les associations départementales de maires de tous les départements qui comprennent au moins une remontée mécanique (1) ont signé un communiqué demandant l’ouverture des stations de ski cet hiver.
Unanimité « jamais vue »
« C’est du jamais-vu », raconte ce matin à Maire info Jean-Michel Arnaud, président de l’Association des maires et présidents de communautés des Hautes-Alpes, l’un des initiateurs de l’appel. « Nous avons été estomaqués de la réactivité des élus, de la façon dont, en 36 heures, tout le monde a signé. » Preuve de la profonde inquiétude des élus, mais aussi « du sentiment de colère qui monte », détaille l’ancien maire de Tallard, aujourd’hui sénateur des Hautes-Alpes.
Dans leur communiqué, les élus expriment un sentiment « d’incompréhension et d’indignation », en particulier du fait que le chef de l’État et son gouvernement aient brutalement claqué la porte des négociations commencées depuis plusieurs semaines avec les gestionnaires de station de ski et les élus (lire Maire info du 26 novembre). Alors que le lundi 23 novembre, Matignon annonçait une décision qui serait prise « sous dix jours », Emmanuel Macron annonçait, le mardi 24, qu’il était « impossible d’envisager une ouverture [des stations] pour les fêtes ». « Pendant toutes ces dernières semaines, rappelle Jean-Michel Arnaud, les stations étaient autour de la table avec les collaborateurs du Premier ministre, avec la volonté commune de trouver des solutions pour accueillir nos clients en toute sécurité ». En une déclaration du chef de l’État, « tout ce travail pour trouver un protocole sanitaire rigoureux a été balayé »
« Les maires n’ont jamais tourné le dos à leurs responsabilités », rappelle le communiqué, et sont « en mesure de comprendre une décision » pour peu qu’ils y aient été associés et aient été « invités au débat ». « Ils entendent que les décisions qui affectent leur territoire soient prises sur la base d’arguments solides et d’informations crédibles et équitables à l'échelle du territoire national. »
Jean-Michel Arnaud rappelle que l’activité des stations de ski représente 10 milliards d’euros de retombées économiques, 120 000 emplois directs, 360 000 emplois indirects. L’enjeu est donc considérable – y compris pour les communes, car il faut rappeler que de nombreuses remontées mécaniques ne sont pas gérées par des sociétés privées mais des sociétés d’économie mixte ou des régies municipales.
Par ailleurs, entre la taxe sur les remontées mécaniques et la taxe de séjour, les pertes pour les communes de montagne risquent d’être considérables, « ce qui va profondément impacter notre capacité d’autofinancement et, demain, nos capacités à participer par l’investissement au plan de relance », regrette Jean-Michel Arnaud.
Référé devant le Conseil d’État
Dans leur communiqué, les élus annoncent qu’ils « se réservent le droit de s’associer à toute démarche, y compris juridique, qui concourrait à rétablir le droit aux montagnards de vivre de leur activité économique principale ». C’est, depuis, chose faite : un référé-liberté a été déposé devant le Conseil d’État, auquel les maires sont associés. Le référé a été déposé par plusieurs régions et départements, ainsi que l’Association nationale des maires des stations de montagne, et plusieurs associations de professionnels. Le Conseil d’État devrait rendre sa décision en urgence dans le courant de la semaine. « Les représentants des cultes ont obtenu du Conseil d’État que celui-ci demande au gouvernement de revoir sa copie sur les cérémonies, rappelle Jean-Michel Arnaud. Nous avons bon espoir d’être, nous aussi, entendus. » Le référé-liberté s’appuie sur trois libertés fondamentales que les requérants estiment bafouées : la liberté d’aller et venir, la liberté d’entreprendre, et la libre administration des collectivités territoriales.
En plus de cette démarche juridique, Jean-Michel Arnaud a entrepris, avec le soutien de « 59 sénateurs », des démarches pour demander « un entretien avec le président de la République, pour qu’il nous entende ». Rappelant que les maires ont « beaucoup aidé le chef de l’État au moment du Grand débat national », Jean-Michel Arnaud espère qu’Emmanuel Macron saura, lui aussi, aider des maires qui demandent seulement que l’activité principale de leur territoire ne s’effondre pas.
Décret : un remède pire que le mal ?
Samedi matin, au Journal officiel, un décret est venu très légèrement assouplir la décision initiale du gouvernement qui consistait à maintenir toutes les remontées mécaniques fermées. Il est à présent indiqué que celles-ci pourraient partiellement ouvrir, pour accueillir des publics spécifiques : « les professionnels dans l’exercice de leur activité », les sportifs professionnels et de haut niveau, les formations continues ou entraînements « nécessaires pour le maintien des compétences professionnelles », et enfin « les mineurs licenciés au sein d'une association sportive affiliée à la Fédération française de ski ».
Ce qui, d’après Jean-Michel Arnaud, pourrait ne représenter que « quelques dizaines » de personnes par jour. Le remède n’est-il pas, en la matière, encore pire que le mal ? La question se pose. Car autant la fermeture complète des remontées pourrait, au moins, permettre aux saisonniers de pouvoir prétendre au chômage partiel, autant une ouverture pour un public très restreint fermerait cette porte, sans que les stations puissent espérer de recettes significatives.
En tout état de cause, ce n’est pas ce que réclament les maires des territoires de montagne, qui placent maintenant leurs espoirs dans une décision favorable du Conseil d’État et une reprise rapide des discussions pour ouvrir avec un protocole sanitaire renforcé… avant qu’il ne soit trop tard.
Franck Lemarc
(1) Hautes-Alpes, Haute-Savoie, Isère, Drôme, Savoie, Alpes-Maritimes, Alpes-de-Haute-Provence, Hautes-Pyrénées, Haute-Garonne, Allier, Ardèche, Haute-Loire, Puy-de-Dôme, Ain, Doubs, Haut-Rhin, Vaucluse, Pyrénées-Atlantiques, Cantal.
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