Le Sénat publie un rapport sur la transition vers une alimentation durable
La crise sanitaire a mis en avant, plus que jamais, le besoin d’une transition vers une alimentation plus saine et plus durable, sur le plan environnemental comme social ou sanitaire : c’est le constat fait par la délégation à la prospective du Sénat, qui dans un rapport publié le 28 mai propose 20 mesures pour entamer ce processus, concernant aussi bien l’éducation que le commerce ou l’agriculture.
Il s’agit, pour les sénateurs, à la fois d’assurer la sécurité alimentaire du pays en territorialisant la production de ce que les Français consomment, mais aussi de passer d’un modèle productiviste et industrialisé à une organisation plus souple et plus respectueuse de l’environnement. Le rapport s’inquiète également des inégalités sociales et propose, par exemple, de taxer les produits affichant un nutriscore D ou E, à l’exemple de la taxe sur les sodas, pour en affecter le produit à des chèques « alimentation saine » à destination des plus modestes, sur le modèle des chèques énergie ; ou encore, de monter d’un cran dans la prévention sanitaire pour mettre en place une « véritable éducation à l’alimentation durable abordant toutes les dimensions du bien manger : dimension nutritionnelle mais aussi économique (acheter autrement) ou culinaire (préparer autrement). ».
Si le document est très riche sur le plan de l’analyse, certaines de ses propositions sont, en revanche, trop peu détaillées – pas de propositions concrètes, par exemple, sur le lancement d’une « politique foncière permettant l’installation de producteurs locaux ». L’urgence est réelle : comme le rappelle Jean-Luc Fichet, co-rapporteur du texte, il disparaît tous les six ans l’équivalent d’un département en surface agricole utile ; le monde agricole, syndicats et SAFER en tête, a de nouveau demandé en février, soutenus par des députés et des sénateurs, une loi pour protéger le foncier agricole, promise à plusieurs reprises par le gouvernement (lire Maire info du 26 janvier 2018) mais jamais adoptée.
« Le foncier, c’est le goulet d’étranglement : beaucoup d’initiatives se heurtent au manque de disponibilité des sols », explique le sénateur du Finistère, qui voudrait « donner la possibilité à des personnes qui ne sont pas de familles d’agriculteurs de pouvoir y accéder », alors que les commissions départementales de contrôle des structures « ont tendance à attribuer les terres pour renforcer des exploitations déjà importantes ».
Sans, là encore, entrer dans le détail, les rapporteurs appellent au soutien des projets alimentaires et agricoles de territoire, « afin d’accroître la part des approvisionnements locaux dans la consommation régulière », et citent en exemple la montée en puissance des AMAP (associations pour le maintien d’une agriculture paysanne, où les adhérents contractualisent en direct avec un agriculteur pour l’achat de sa production), « qui ont joué un rôle important pendant le confinement ».
La proposition la plus originale du rapport consiste en la promotion d’une filière légumineuse (pois chiches, fèves, lentilles, haricots et autres) – car, comme le disent les rapporteurs, une transition alimentaire durable implique de réduire la consommation de viande, et les légumineuses sont une excellente source alternative de protéines. « Réduire la consommation de viande animale de 20 à 30 % n’aurait pas d’effet sur notre équilibre alimentaire, mais permettrait de revenir à un élevage plus extensif pour remobiliser des espaces (de pâturages, ndlr) abandonnés, et de libérer en même temps du foncier pour, par exemple, la culture des légumineuses », affirme Jean-Luc Fichet.
Les sénateurs proposent d’augmenter leur consommation de 4 à 11 kilos par Français et par an, ce qui implique une surface cultivée de 520 000 hectares, contre 115 000 aujourd’hui. Et également « d’abandonner la monoculture, de remettre des rotations longues » - les légumineuses sont connues pour capter l’azote dans l’air et le fixer dans le sol, ce qui permet de préparer celui-ci pour des cultures plus gourmandes en nutriments, comme les légumes.
Le rapport suggère d’ailleurs de réorienter les aides de la PAC – qui, actuellement, sont calculées en fonction de la surface des exploitations, une « aberration totale », selon Jean-Luc Fichet - « pour rémunérer les services agro-systémiques rendus par les légumineuses (réduction de l’usage de l’azote de synthèse et donc des pollutions agricoles diffuses, maintien du couvert des sols, maintien de la biodiversité) ». Autre proposition, celle de soutenir la recherche pour obtenir des variétés « plus productives et moins sensibles aux aléas » météorologiques.
À noter que parmi tous les acteurs de la chaîne alimentaire sollicités par les sénateurs, seuls ceux de l’agro-alimentaire et de la grande distribution n’ont pas voulu se prêter au jeu des auditions ; le rapport devrait être débattu prochainement en séance plénière au Sénat, peut-être avant l’été.
EGE
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