Maire-info
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Édition du mercredi 17 mars 2021
Coronavirus

Le Conseil scientifique redoute une situation pire qu'au printemps dernier dans les hôpitaux

Le Conseil scientifique a été reçu hier par Emmanuel Macron, après avoir rendu un avis le 11 mars dernier. Dans cet avis, les experts préconisent une approche « régionale, ajustée et ciblée » plutôt que des mesures générales, et font des prévisions plutôt sombres. Décryptage.

Bien que la loi impose la publication « sans délai »  des avis du Conseil scientifique, le dernier, daté du « 11 mars à 16 h », n’est toujours pas en ligne sur le site du ministère de la Santé. Il a toutefois fuité sur les réseaux sociaux, et Maire info le publie aujourd’hui. 

Le variant « UK », principal problème

Le Conseil scientifique confirme que l’apparition des nouveaux variants, et en particulier celui qui a été repéré en Grande-Bretagne, dit « UK », a totalement changé la donne. Les experts considèrent qu’il est « de 50 à 70 % »  plus contagieux que la forme classique du covid-19, et – ce qui est nouveau – plus mortel (entre 35 et 65 %). La hausse « inexorable »  de la prévalence de ce variant l’a rendu « majoritaire dans la quasi-totalité des régions ». Il est devenu « le problème majeur en métropole ». 

Une situation pire qu’au printemps dernier ?

Face à cela, la vaccination est « l’outil majeur pour sortir de la crise », avec « une efficacité proche de 100 % »  pour tous les vaccins approuvés. Bonne nouvelle : ils semblent tous efficaces y compris contre les trois nouveaux variants. Malgré cela, le Conseil scientifique estime que le pays n’échappera pas à une forte hausse des contaminations et des hospitalisations. Même si le pays parvenait à tenir un rythme de 300 000 injections par jour, il faut s’attendre « à un pic d’hospitalisations supérieur à celui de mars 2020 ». Et même en atteignant les 520 000 injections par jour, on observerait tout de même un pic « comparable à celui de novembre ». 
Reste à savoir si ces chiffres de vaccination pourront être tenus : entre la suspension du vaccin AstraZeneca et les retards de livraison, cela n’a rien de certain. À ce jour, les 300 000 vaccinations quotidiennes n’ont été approchées qu’une seule fois, le 11 mars, et dépassées une autre, le 12 mars. Depuis, les chiffres sont retombés sous les 200 000 injections quotidiennes.

Problèmes de santé mentale

Au chapitre des conséquences de l’épidémie sur la santé publique, le Conseil se penche longuement, pour la première fois, sur les questions de santé mentale. « La santé mentale des Français s’est dégradée », soulignent les experts, qui citent des chiffres alarmants : augmentation de 12 % des états dépressifs, de 11 % des troubles du sommeil… Chez les personnes âgées, l’isolement et la diminution de l’activité physique se traduit par une dégradation des fonctions cognitive. Chez les enfants et adolescents, on constate « une saturation nette des services hospitaliers de pédopsychiatrie »  depuis l’automne dernier – avec notamment une augmentation des « symptômes dépressifs et des idées suicidaires ». 60 % des étudiants sont en « détresse psychologique ». Quant aux personnes handicapées, elles sont touchées par une dégradation « globale »  de leur santé mentale physique, sans parler de « l’épuisement des aidants ». 

Quelle stratégie ?

Face à cette dégradation de la situation, le Conseil scientifique évoque plusieurs stratégies. 
La première serait de laisser le virus circuler jusqu’à atteindre l’immunité collective. Avec l’émergence du variant UK, l’immunité collective serait atteinte si 80 % de la population était infectée. Vu les conséquences en matière de mortalité et de saturation des services hospitaliers, cette option est écartée. 
La deuxième possibilité est celle qui est utilisée depuis le début de l’épidémie en Nouvelle-Zélande et en Australie : c’est la stratégie dite du « zéro-covid » : dès le premier cas repéré, ces pays ont été coupés du monde avec un confinement total, de manière à supprimer purement et simplement le virus sur le territoire. Les scientifiques estiment que cette stratégie, si elle est envisageable sur des territoires insulaires (fussent-ils aussi immenses que l’Australie), « ne semble pas réaliste »  sur un continent comme l’Europe. Elle supposerait un confinement complet et une fermeture totale des frontières à l’échelle européenne pendant « huit à dix semaines ». 
Troisième piste : le « stop and go ». Elle consisterait à « alterner des périodes de renforcement rapide des mesures quand les services hospitaliers arrivent à saturation avec des périodes de relâchement une fois la circulation du virus et la pression sur le système hospitalier revenues à des niveaux plus bas ». Cette stratégie a, selon les scientifiques, deux inconvénients majeurs : elle est « épuisante moralement »  pour la population et les soignants, et elle nuit à l’économie « qui a besoin de stabilité pour l’investissement ». 
La quatrième stratégie, enfin, a la faveur du Conseil scientifique : il s’agit « d’anticiper les périodes de reprise épidémique et d’appliquer des mesures de freinage précoce »  là où cela s’avère nécessaire. Les scientifiques notent que le gouvernement a, en partie, adopté cette stratégie en prenant des mesures territoriales (Alpes-Maritimes, Pas-de-Calais), mais auraient préféré que ces mesures soient prises « par anticipation »  plutôt qu’après coup. « La gestion régionale (doit être) extrêmement réactive en anticipation », martèlent les experts, car une stratégie territoriale ne serait plus tenable « en cas de flambée épidémique dans plusieurs régions »  à la fois. 

Écoles et entreprises

Enfin, les scientifiques se penchent sur les questions spécifiques de l’école et des entreprises. Pour ce qui est des écoles, ils insistent sur le fait que la fermeture de celles-ci a « un impact délétère sur la santé mentale des enfants », en particulier ceux du primaire et des milieux les plus pauvres. Cette mesure doit donc être « de dernier recours ».
En entreprise, le Conseil scientifique appelle à « un renforcement des mesures en vigueur », notamment sur le télétravail. Le travail en bureaux partagés et les repas en milieu professionnel sont les deux principales sources d’infection. Les scientifiques alertent également sur le fait que de trop nombreuses personnes « se rendent sur leur lieu de travail en se sachant symptomatiques »  et appellent à une prise de conscience sur ce sujet. 

En conclusion, le Conseil scientifique estime que la situation actuelle est « une course entre variants et vaccins ». Il est « urgent d’accélérer la vaccination »  face à « une troisième vague épidémique qui se manifeste déjà de manière aigüe dans certaines régions ». Mais il faut s’attendre, alertent les scientifiques, à « une situation sanitaire difficile à court terme »  dans le pays. 

Franck Lemarc

Télécharger l’avis du Conseil scientifique du 11 mars.

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